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John Howe, mythologies et numérique

«En pays de Mordor», travail de John Howe pour le «Seigneur des Anneaux». John Howe

«Swiss designers in Hollywood», c'est le nom d'une exposition virtuelle présentée au Festival international du film fantastique de Neuchâtel en marge du symposium «Imaging the Future». John Howe était de la partie.

Pour la 3e fois, le «Neuchâtel international fantastic film festival» (NIFFF) organisait un symposium consacré aux liaisons entre arts visuels et nouvelles technologies. «Le fantastique et la technologie ont toujours été très liés, depuis Méliès déjà! On a besoin de moyens techniques pour donner une forme à l’imaginaire, et l’un entraîne l’autre», nous disait Michel Vust, directeur administratif du festival.

A cette occasion a également été présentée l’exposition virtuelle «Swiss Design in Hollywood», un projet monté par la Fondation Pro Helvetia, qui évoque le travail cinématographique d’artistes comme HR Giger, Deak Ferrand, Christian Lorenz Scheurer ou John Howe, le plus célèbre Canadien de Neuchâtel.

swissinfo: C’est la 3e fois que le festival est accompagné d’un symposium consacré à l’image virtuelle. Votre regard sur cette démarche?

John Howe: Je crois que c’est un prolongement direct des bonus des DVD… Comme les «making of» sont devenus quasiment des films à part entière, on met en avant beaucoup de gens qu’on voyait à peine au générique il y a dix ans. Pour ceux qui bossent dans l’ombre, c’est une reconnaissance très agréable.

swissinfo: Vous-même aviez tout de même été passablement mis en avant pour votre travail sur «Le seigneur des anneaux».

J.H.: Le Seigneur des Anneaux est un texte connu mondialement, et un texte très producteur d’images – les gens voient beaucoup d’images avec un roman comme celui-là. J’avais déjà participé à élaborer mes images dans l’édition, et cela a pris encore une autre ampleur quand il s’est agi des films!

swissinfo: Un festival du film fantastique, un symposium artistico-technologique… Neuchâtel devient-il le haut lieu helvétique de l’imagerie virtuelle?

J.H.: Cela ne serait que justice. Je me souviens très bien que, lorsque Olivier Müller et Anaïs Emery ont lancé cette idée de festival à Neuchâtel, avec des bouts de ficelle, ils auraient pu aller ailleurs et cela aurait été plus facile, Neuchâtel n’étant pas une ville particulièrement dynamique à ce niveau-là. Comme pour la «Maison d’Ailleurs» à Yverdon-les-Bains, les gens ne comprennent pas toujours tout de suite que l’intérêt pour ce genre de choses n’est pas mesurable au départ.

Ils se sont accrochés. Ce serait donc justice si Neuchâtel devenait la ville à laquelle on pense quand on pense à la technologie virtuelle. Et puis cela tomberait assez bien: Neuchâtel, c’est à la fois la tradition de l’horlogerie et la haute technologie. L’image virtuelle, c’est à la fois quelque chose d’extrêmement traditionnel qui doit être compris – l’image – et le fait d’être à la pointe de la technique digitale. Cela marie bien deux extrêmes.

swissinfo: L’exposition «Swiss design in Hollywood» a été inaugurée cette semaine. Une telle exposition, c’est important pour vous?

J.H.: Une exposition, pour moi, c’est l’opportunité de prendre à la fois un peu de recul sur ce que l’on fait, puisqu’il faut en parler de manière plus ou moins cohérente, et d’autre part, ça nous fait sortir de nos ateliers ultra-cloisonnés, où on bosse tout seul! Il y a donc un bénéfice social qui n’est pas négligeable.

swissinfo: Etes-vous parfois étonné par le regard que les gens vous renvoient?

J.H.: J’ai eu parfois des commentaires très étonnants. Mais pourquoi pas? Il ne faut pas oublier que lorsqu’on réalise une œuvre, on y met notre propre part, mais les gens amènent beaucoup de choses avec leur regard à eux. Et ça, c’est quelque chose qu’on ne contrôle pas.

swissinfo: L’actualité de John Howe?

J.H.: Un gros bouquin en cours; les textes sont écrits, mais je dois finir les dessins. Un livre d’histoires, pour un jeune public, consacré aux mondes perdus. 24 «mondes», une moitié archéologiques, une moitié mythologique. Cela va d’Avalon aux civilisations aztèques, et on les aborde de la même façon…

swissinfo: On vous imagine dans votre atelier avec crayons, peinture et autres fusains. Quel est votre rapport personnel au numérique?

J.H.: Je sais l’employer, je connais le matériel, je l’ai à la maison, mais j’ai un attachement au côté physique du dessin, sur un support réel.

De manière plus générale, une œuvre numérique a un fichier original. Mais cela reste un peu abstrait, quand même. Si on imaginait que les grands peintres avaient pu bénéficier de l’informatique, que Leonard de Vinci par exemple avait fait la Joconde en numérique et que dans chaque musée du monde, il y avait une Joconde exactement pareille, on n’aurait aucun intérêt à aller la voir!

Le fait que l’original soit unique, c’est une possibilité de provoquer une rencontre entre une personne et une œuvre. Personnellement, j’ai à la maison un répertoire, une très longue liste d’œuvres, de bâtiments, de lieux que j’aimerais bien voir un jour: pour moi, c’est à chaque fois prétexte à une rencontre. Le numérique remet cette dimension en question. Puisqu’on a accès à tout… mais à rien!

Ceci dit, je ne suis pas un dinosaure, je trouve que le numérique est un outil extraordinaire, qui a changé ma vie: je numérise tous mes dessins, j’ai mon site FTP, je n’ai plus besoin de courir à la Poste avec des CD, plus besoin d’envoyer mes originaux, je peux retoucher mes dessins… Pour nous autres, indépendants qui travaillons à la maison, c’est extraordinaire. Mais pour mon travail, je reste attaché à l’idée des originaux.

Interview swissinfo, Bernard Léchot à Neuchâtel

Ouvert aux professionnels et à tous les festivaliers, le symposium «Imaging the Future», qui s’est tenu les 2 et 3 juillet, proposait pour la 3e année consécutive un regard pluridisciplinaire sur la production et l’utilisation d’images digitales, à travers diverses conférences.

Le public a pu rencontrer le designer du «Seigneur des Anneaux», John Howe, mais aussi celui de «Matrix», Christian Lorenz Scheurer lors du vernissage de l’exposition «Swiss Design in Hollywood». Une exposition virtuelle montée par la Fondation Pro Helvetia, destinée à être présentée à l’étranger, dans différents centres culturels en particulier.

Le ‘Neuchâtel International Fantastic Film Festival’ se termine ce dimanche.

En 2009 sera introduite la version suisse des «Animago Awards» dédiés aux meilleurs créateurs de contenus digitaux de Suisse.

A l’origine, le Prix «Animago» a été lancé en Allemagne. Il est devenu la plus importante récompense du genre en Europe.

Il est né en 1957 à Vancouver, Canada. Il vit aujourd’hui à Neuchâtel.

Formé à l’école supérieure des arts décoratifs de Strasbourg, il est un passionné de fantastique avec une prédilection pour l’univers médiéval.

Parmi les ouvrages qu’il a illustrés, «La Guerre du feu» de J.-H. Rosny (1982), «Cathédrale» (1994), «Dragons» (1997).

Le réalisateur Peter Jackson entend parler de ce champion du «réalisme fantastique»: avec Alan Lee, John Howe est chargé de la conception visuelle de la trilogie cinématographique «Le Seigneur des Anneaux».

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