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L’histoire sulfureuse des Bains d’Yverdon

La rotonde du Grand Hôtel des Bains d'Yverdon avec le centre thermal moderne sur la droite. swissinfo.ch

Les constructions se sont succédé depuis 2000 ans près de la source sulfureuse d’Yverdon. Une histoire ponctuée par les hauts et les bas du thermalisme.

A l’occasion des 125 ans de la Société d’histoire de l’art en Suisse, visite guidée dans un ensemble qui conjugue siècle des Lumières, Belle Epoque et design du 20e siècle.

Classés monument historique et protégés par la Confédération depuis 1977, les Bains d’Yverdon sont le produit d’une longue histoire faite des hauts et des bas du thermalisme.

Cet ensemble composé aujourd’hui de la villa d’Entremonts, du Grand Hôtel des Bains et du Centre thermal marque le destin de la cité du bout du Lac de Neuchâtel, officiellement rebaptisée Yverdon-les-Bains en 1981.

Un juste retour des choses, explique Christian Schülé, historien: «Cette ville du Nord vaudois était une véritable île, entourée par le lac de Neuchâtel, plusieurs cours d’eau et un marécage. C’est l’eau qui a déterminé son développement urbanistique.»

Malgré une très faible pluviométrie, cette zone bénéficie d’un double système hydrogéologique. Il est composé d’une part de la source thermale sulfurée (29°) et une source sub-thermale en provenance du Jura. A quoi s’ajoute une source d’eau froide qu’il a toujours fallu empêcher de se mélanger à celle d’eau chaude.

A 100 mètres de cette dernière, jaillit d’autre part l’eau minérale de la Prairie, commercialisée depuis les années 1920 sous la marque Arkina.

Yverdon est donc le nœud d’un réseau hydraulique complexe et ses autorités ont toujours manifesté leur conscience de cette valeur patrimoniale.

Des Romains fous d’eau

C’est peut-être ce qui explique que cette région est habitée depuis 4000 ans: Lacustres, Celtes, Romains, Helvètes s’y sont succédé. «On ignore quand et comment le thermalisme s’est développé, explique Christian Schülé à swissinfo, mais on a des preuves que le culte des sources y était implanté dès le 1er siècle après J. C.»

Il semble que les Romains aient construit une canalisation de 500m. jusqu’aux thermes de leur camp fortifié. «On a retrouvé sur le site des Bains des vestiges d’un temple, des inscriptions à Appollon, dieu guérisseur, ce qui indiquerait que la source sulfureuse de la cité gallo-romaine d’Eburodunum était fréquentée par les Gallo-Romains de l’actuelle région romande», ajoute Christian Schülé.

Ensuite, on ne sait rien faute de documents mais, logiquement, les habitants ont vraisemblablement continué de fréquenter la source, ajoute l’historien. Qui précise encore: «Son accès a toujours été garanti aux petites gens par les édiles, propriétaires animés aussi par le souci constant, au fil des siècles, d’entretenir ce réseau hydraulique complexe.»

Le thermalisme grâce aux Anglais

Christian Schüle, qui va publier prochainement un livre sur la question, raconte qu’il faut attendre 1736 pour concrétiser des siècles de réflexions et de démarches. L’exploitation de la source se professionnalise, avec la construction d’un nouveau bâtiment. La rotonde viendra s’y ajouter en 1896, complétant ce qui est toujours le Grand Hôtel des Bains.

Au 18e siècle, les Anglais, qui redécouvrent le thermalisme, lancent la mode d’aller «prendre les eaux» durant la belle saison, entraînant les classes aisées de toute l’Europe. Parallèlement, des activités culturelles se développent (on est au siècle des Lumières…), et «tout cela crée une dynamique qui est à l’origine de la tradition hôtelière et touristique d’Yverdon comme d’autres régions de Suisse».

Les éclipses de l’histoire

Cet âge d’or a été interrompu par la Révolution française mais la vogue renaît à la Belle Epoque, grâce aux progrès des sciences et de la médecine et à l’essor du chemin de fer. Yverdon-les-Bains se trouve rapidement au cœur d’un réseau qui étend ses lignes en direction de Genève, Neuchâtel, Fribourg et Sainte-Croix.

Le développement des cures combinées associant l’eau thermale des bains et l’eau minérale de la Prairie contribue par ailleurs au succès de l’établissement.

«Yverdon-les-Bains prend des airs de station durant la belle saison et donne naissance à une véritable industrie touristique», s’enthousiasme Christian Schülé.

Mais l’histoire se répète et les deux guerres mondiales donnent le coup de grâce aux Bains, contraints de fermer en 1959. Le Grand Hôtel est squatté, saccagé, un véritable «Titanic». Il faut attendre les années 70 pour que le monde politique donne une nouvelle impulsion au thermalisme, porté aussi par la nouvelle vague de la mode du mieux-être et de la remise en forme.

Parallèlement, les autorités cantonales adoptent une mesure de classement du site et des bâtiments qui assure leur conservation. La valeur historique et architecturale est également reconnue par la Confédération qui place l’ensemble sous sa protection. L’hôtel est reconstitué minutieusement, avec quelques ajouts design.

En 1977, le Centre thermal rouvre ses portes au public, après une éclipse de 16 ans. Outre les cures, il offre toute la gamme habituelle avec trois piscines, jacuzzis, bains de bulles, jets de massages et autres espace japonais ou douche tropicale.

C’est aussi un centre de remise en forme pour sportifs et athlètes ainsi qu’un centre de conférences et de séminaires. Le tout entouré d’un parc aux arbres centenaires et du même paysage entre Jura et Alpes qui enchantait les visiteurs du 18e siècle.

swissinfo, Isabelle Eichenberger

La source thermale sulfurée iodique d’Yverdon-les-Bains jaillissait à la surface du sol. Un puits de 500 m. a été creusé afin d’augmenter le débit à 60 l/s. et la température à 29 degrés.
L’eau est réputée excellente pour les articulations, les voies respiratoires et l’estomac, notamment.
En 2004, les Bains ont reçu 300’000 visiteurs.
A 100 m. de là jaillit la source minérale de la Prairie. En 1920, un industriel arménien la rachète pour l’exploiter et crée l’Arkina, toujours commercialisée. Le nom est celui d’un village arménien et d’une source sacrée près du mont Ararat, en Turquie, détruit par les Turcs lors du génocide de 1915.

– Les constructions se sont succédé depuis 2000 ans aux abords de la source thermale sulfureuse d’Yverdon-les-Bains.

– Le siècle des Lumières, la Belle Epoque et le design de la fin du 20e siècle se conjuguent dans l’ensemble actuel, composé de la villa d’Entremonts, du Grand Hôtel des Bains et du Centre thermal.

– Tout à côté se trouve l’hôpital régional.

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