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La vie comme un grand rictus

Pinter par Rau, 'tonique et humoristique’. Mario Del Curto

Au Théâtre de Vidy-Lausanne, le metteur en scène alémanique Gian Manuel Rau présente son premier spectacle en français.

Cet artiste de 34 ans, encore inconnu en Suisse romande, se révèle bien tonique.

Son allure est un brin dégingandée. Il avance lentement comme s’il était gêné par sa grande taille. Ses cheveux en bataille cernent un visage d’aigle fin.

Gian Manuel Rau porte un physique de saltimbanque nonchalant, tout à l’opposé de son spectacle tonique et radical. Ce metteur en scène alémanique de 34 ans a déjà une vision bien précise de la vie. Ou plutôt de nos vies imaginées comme un grand rictus.

Biographies imaginaires

A Harold Pinter, le célèbre dramaturge britannique, il emprunte trois courtes pièces qu’il présente, au Théâtre de Vidy-Lausanne, en un triptyque: «C’était hier, Paysage, Silence».

«Pinter, confie le metteur en scène, est intéressant d’abord parce qu’il sait faire rire. Ensuite parce qu’il travaille sur le souvenir. Ses personnages se donnent l’illusion d’exister en s’inventant des vies passées. C’est à dire en se fabriquant des biographies imaginaires. Ce qui est, à mon sens, une trahison par rapport à soi».

Une trahison traitée de façon aussi tonique qu’humoristique dans le spectacle. Gian Manuel Rau ne fait pas dans la dentelle. Il y a dans son style une violence larvée qui le rapproche des jeunes metteurs en scène allemands d’aujourd’hui. Et l’éloigne de ses homologues français, plutôt lyriques, même s’il se dit influencé par le travail de Patrice Chéreau et d’Ariane Mnouchkine.

Apprentissage international

C’est en France, en effet, que Rau a eu «la révélation», comme il l’affirme, du théâtre. Mais c’est à Zurich, puis en Autriche et surtout en Allemagne qu’il a fait ses classes. Depuis six ans, il vit à Berlin où il a monté trois spectacles, à la Schaubühne précisément, une des scènes les plus convoitées d’Europe.

Le public romand ne connaît donc pas Gian Manuel Rau. Il le découvre avec les trois pièces de Pinter, un triptyque coproduit par Vidy-Lausanne et le Théâtre de la Bastille (Paris) qui l’accueille du 3 juin au 1er juillet. Ce qui est une consécration.

«Je suis bien content, commente Rau, d’être invité à Paris où d’ailleurs on me propose de monter, en 2006, ‘Les Revenants’ de Henrik Ibsen».

Hors du temps

Mais en attendant, retournons à Pinter et à ses personnages que l’auteur fait surgir du brouillard comme des fantômes. Le metteur en scène, quant à lui, brouille leurs destinées en un spectacle où les existences se confondent.

La représentation s’ouvre avec «Paysage», qui offre un panorama sur le passé d’un couple âgé de 50 ans. Et ce couple va se retrouver, sous d’autres traits, dans la jeunesse très branchée de «C’était hier», dernière pièce du spectacle.

Entre les deux, la vie se sera écoulée hors du temps. Ce qui est le meilleur moyen d’échapper à la réalité.

swissinfo, Ghania Adamo

– «C’était hier, Paysage, Silence», à voir à Lausanne, Théâtre de Vidy, du 17 au 22 mai, puis à Paris, Théâtre Bastille, du 3 juin au 1er juillet.

– Texte de Harold Pinter, dans une mise en scène de Gian Manuel Rau.

– Avec Maurice Aufair, Jane Friedrich, Sasha Rau, Bruno Subrini et Caroline Torlois.

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