Des perspectives suisses en 10 langues

Nouveau standard d’intégration à l’école

A Littau, les élèves d'origines différentes cohabitent sans problème. swissinfo.ch

Certaines études démontrent qu'avoir trop d'étrangers dans une classe fait baisser le niveau. Mais l'école primaire de Littau prouve que c'est l'inverse.

L’endroit n’a pourtant pas bonne réputation et passe pour une sorte de ghetto. La plus grande partie de ses habitants sont des immigrés.

L’école est située en bordure d’un quartier à haute densité démographique. La plupart des immeubles de cette banlieue de Lucerne sont de hautes tours, peuplées par des familles à bas revenus. La proximité de l’autoroute inonde l’atmosphère de cette zone bruyante de gaz d’échappement.

De nombreuses familles suisses ont préféré abandonner le quartier. Elles craignaient pour la qualité de l’éducation de leurs enfants, en raison de la forte présence de jeunes étrangers dans le milieu scolaire.

Pourtant, à y regarder de plus près, la réalité ne correspond pas vraiment aux préjugés qui collent à ce lieu. Les portes des habitations ne comportent qu’une seule serrure, les graffitis brillent par leur absence et les rayons du soleil baignent des vitres de fenêtres intactes. Aucune trace de violence raciale n’est perceptible dans le quartier.

Et, la même atmosphère de paix se dégage de l’école primaire de Fluhmühle. Sa directrice, Regula Kuhn, explique que ses élèves sont profondément motivés et désireux de poursuivre une formation scolaire, qui n’a jamais été à la portée de leurs parents.

Doper les efforts

Plusieurs études tendent à démontrer l’existence d’un lien entre une forte présence d’élèves étrangers et une régression de la qualité de l’enseignement.

A la fin de l’année dernière, le Saint-Gallois Hans Ulrich Stöckling, président du Département cantonal l’éducation, n’hésitait pas à affirmer que le phénomène de l’immigration provoquerait à terme, une baisse du niveau scolaire en Suisse.

Pourtant, les résultats enregistrés à la Fluhmühle sont les mêmes que ceux des autres instituts primaires dans la région et ce, malgré que 67% de ses 300 élèves soient étrangers, provenant de 21 nationalités différentes.

Cilla Schläfli, institutrice de la classe 5B, estime que quatre de ses propres élèves devraient pourraient même être acceptés à l’école cantonale pour élèves doués; un taux, deux fois supérieur à la moyenne habituelle.

Pour elle, ce succès est le fruit d’une bonne intégration: «De grands pas ont été accomplis grâce à l’apprentissage de l’allemand et de la tolérance réciproque. J’ai rarement eu l’occasion de travailler aussi harmonieusement dans d’autres écoles où j’ai enseigné auparavant.»

Le «bon allemand»: différence déterminante

L’école de Littau a été récompensée par un prix cantonal au début de l’année dernière pour le mode d’enseignement de la langue allemande, unique en son genre, pratiqué dans cet établissement.

Contrairement à d’autres écoles primaires alémaniques, c’est le «hoch Deutsch», où allemand standard, qui est d’usage à la Fluhmühle. Trois instituteurs sont même spécialement chargés de dompter leurs réflexes linguistiques et de peaufiner les connaissances d’allemand des enfants.

De plus, les nouveaux élèves arrivant de l’étranger doivent se soumettre à six heures hebdomadaires d’enseignement intensif du «bon allemand». Tant que le niveau linguistique requis n’est pas atteint, les efforts de ces mêmes élèves dans les autres branches ne sont pas notés.

Les maîtres d’allemand participent également à l’enseignement général des autres matières, ce qui leur permet de suivre leurs élèves de plus près et les épauler dans l’apprentissage de la langue.

Le petit Kenyan Byan Mabu et le Kosovar Lendita Rexhepi, tous deux âgés de douze ans, sont arrivés récemment en Suisse. Pour les deux enfants, l’apprentissage de l’allemand représente un véritable défi mais, ils apprécient l’aide et le soutien qui leur est apporté par les enseignants et les élèves, dans leur nouveau parcours scolaire.

La classe 5B

Des 21 élèves que compte la classe 5B, seuls trois enfants sont suisses. Pour Cilla Schläfli, les classes multiethniques comportent plusieurs avantages: «Ces enfants sont ouverts à tout. Leur apprentissage des autres cultures et d’autres langues se fait automatiquement. Ils sont aussi plus tolérants», explique l’institutrice.

Au cours de ses expériences de remplaçante, la maîtresse affirme avoir rencontré davantage d’enfants en proie à des problèmes scolaires dans les classes où les élèves de nationalité suisse sont plus nombreux.

Elle relève aussi que les jeunes d’origine étrangère, provenant de milieux défavorisés, fournissent de plus grands efforts que leurs compagnons helvétiques. «Ils ont une plus grande conscience de la nécessité de fournir un effort, que les petits Suisses. Ils paraissent avoir compris qu’une bonne formation scolaire favorisera leur future vie professionnelle et leur donnera davantage d’opportunités.»

Querelles

Les élèves de la classe 5B ont établi leurs propres règles de comportement et, ce système semble bien fonctionner.

Ainsi, seul l’usage de l’allemand standard est autorisé en classe, les bagarres sont prohibées, les élèves sont tenus de s’entraider et le vol est strictement interdit.

Dans le préau de l’école, les jeunes d’origine serbe jouent en toute quiétude avec les enfants d’Albanie du Kosovo. Armin Sehovic de Serbie et Besfort Gaxherri, un petit réfugié du Kosovo, affirment que les luttes et les disputes sont très rares pendant les récréations.

Regula Kuhn relève que les membres du corps enseignant sont unanimes quant aux règles de discipline adoptées au sein de l’établissement; une cohérence qui porte ses fruits dans les résolutions de conflits.

«Si une bagarre éclate, les instituteurs interviennent immédiatement et tentent de discuter avec les enfants, afin de comprendre les causes à l’origine de leur différend», explique-t-elle.

Malgré tout, Littau a aussi ses problèmes. Stefanie Schorno, élève de 5B, en a fait l’expérience. Des élèves plus âgées qu’elle, avaient menacé de la rudoyer.

Son père, un entraîneur de football, lui a indiqué comment résoudre son problème. «Il m’a dit, si tu t’inscris dans l’équipe de football locale, tu apprendras comment te comporter avec des personnes provenant d’autres pays et, ces élèves ne t’ennuieront plus.»

Et, force est de constater que Stefanie est une joueuse talentueuse. Elle sait parfaitement comment se défendre dans l’équipe de garçons dans laquelle elle évolue.

swissinfo, Julie Hunt, Littau
(Traduction de l’anglais: Nicole della Pietra)

– 67% des 300 élèves de l’école de Fluhmühle proviennent de 21 nations différentes.

– Cette école primaire de Littau a remporté un prix cantonal au début de cette année. L’institut a été récompensé pour sa méthode d’enseignement particulière à la langue allemande.

– Trois enseignants d’allemand, ont pour tâche d’optimiser les connaissances linguistiques des élèves.

En conformité avec les normes du JTI

Plus: SWI swissinfo.ch certifiée par la Journalism Trust Initiative

Vous pouvez trouver un aperçu des conversations en cours avec nos journalistes ici. Rejoignez-nous !

Si vous souhaitez entamer une conversation sur un sujet abordé dans cet article ou si vous voulez signaler des erreurs factuelles, envoyez-nous un courriel à french@swissinfo.ch.

SWI swissinfo.ch - succursale de la Société suisse de radiodiffusion et télévision

SWI swissinfo.ch - succursale de la Société suisse de radiodiffusion et télévision