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Quand la poésie balance…

La Bernoise Elsa Fitzerald, en allemand dans le texte. swissinfo.ch

Le Salon du Livre de Genève a été samedi le théâtre d'une première rencontre nationale de «Slam Poésie»... «Poetry Slam» dans la langue de Chicago, où le mouvement est né.

Ou quand la poésie quitte les ouvrages poussiéreux et les tirages confidentiels pour devenir un art vivant, ludique et public.

Samedi 16h00, Café littéraire. La salle est pleine comme elle l’est rarement, prête à assister à une rencontre nationale de «slameurs». Comprenez des jeunes gens qui, plutôt que de se limiter à griffonner leurs états d’âme sur un carnet à spirales, osent le pari de la déclamation en public.

Le «slam» est apparu à Chicago dans les années 80, sur l’initiative de Marc Smith, un jeune auteur local. Dans un bar nommé le Green Mill, il organise des compétitions de poésie arbitrées par le public… Derrière ce renouveau d’une littérature orale, il y a notamment l’envie de faire se rejoindre les poètes de la rue et les autres, les «académiques».

Participer

A Genève, c’est le valaisan FMR qui ouvre le bal, hip hop jusqu’à la caricature. Il est suivi du Vaudois ‘L’optimiste’, plutôt sage, et pâtissant d’un phrasé pour le moins scolaire. Premier frisson avec le Genevois Christophe, qui avec une bouille de jeune adolescent, balance un texte au propos social affuté et bourré d’images fortes.

Puis les filles entrent dans la danse… Deux Bernoises d’abord: Elsa Fitzerald la longiligne, et Bettina, qui ne lésine pas sur le mot cru. Le public ne comprend pas vraiment l’allemand? Qu’importe, c’est l’esprit qui compte, affirment les slameurs. Viendra encore la Lausannoise Pascale, habitée par son beau récit de piraterie. Puis d’autres encore.

Le public est attentif, participe, applaudit. Des jurés ont été choisis au hasard, qui notent avec rigueur les slameurs. Car le slam, en général, revêt la forme d’un concours. Même si comme aux JO, l’important est surtout de participer. Comme aux JO, sauf que là, c’est vrai.

Enthousiasme au rendez-vous

L’événement a été mis sur pied par Martin Otzenberger, qui organise des soirées de Slam Poésie au Schiffbau du Schauspielhaus de Zurich. «Il y a une scène Slam en Suisse allemande depuis cinq à six ans. En Romandie, depuis deux ans», dit-il.

Quel est le public de ces soirées? «Ce sont des jeunes, mais aussi un public littéraire plus traditionnel, et des parents… En Suisse alémanique, certaines soirées rassemblent 400 ou 500 spectateurs… C’est important. Il faut dire que les médias nous soutiennent beaucoup», constate Martin Otzenberger.

Signalons qu’en France, le slameur ‘Grand corps malade’ a vendu 100.000 exemplaires de son album «Midi 20» en quelques jours…

On sent une véritable passion chez les jeunes slameurs présents à Genève. «J’écris depuis que j’ai 15 ans et j’ai toujours recherché un format de lecture qui ne soit pas aussi conservateur que les anciens formats. J’ai rencontré le Slam en 2000, lorsque cela commençait en Suisse alémanique. J’y suis collé depuis!» explique le Saint-Gallois Etrit Hasler.

«Je suis tombé dedans dans le cadre d’un centre d’animation où je travaille. Et je n’arrive pas à en sortir, mais je n’en ai pas envie, alors ça va bien» rigole Antoine, dit ‘L’Optimiste’.

Qui ajoute: «En Suisse romande, le phénomène a pris un peu plus tard, mais il commence à se développer. Les approches varient d’un lieu à l’autre. La scène genevoise est plus hip-hop que celle de Lausanne, où il y a un public peut-être un peu plus estudiantin. En Suisse alémanique, il me semble que la tendance plus littéraire l’emporte aussi…»

Sans frontières

Hors – parfois – de la chanson ou du rap, on croyait la poésie en état de mort clinique. Pas parce qu’on n’en écrit plus, mais parce que plus personne ne l’achète et ne la lit.

Et voilà que soudain elle quitte les officines spécialisées pour s’éclater sous les projecteurs, abandonnant du même coup l’élitisme dans laquelle elle était confinée. «Chacun peut monter sur scène et partager ses textes avec d’autres personnes qui les écoutent. On est axé sur le texte uniquement. Pas besoin de mise en scène, ou de musique. Il y a un côté très accessible, qui permet à tout le monde de participer» constate ‘L’Optimiste’.

Alors bien sûr, le résultat est inégal. Baudelaire ne sommeille pas dans chaque slameur, loin de là. Et les planches nécessitent un charisme qui n’est manifestement pas inscrit dans le patrimoine génétique de chacun. Mais peu importe: au public de dénicher les perles.

Car il y en a, dans ces mots que l’on balance et qui balancent. Dans cet art qui s’affiche comme la résultante de plusieurs traditions. Comme si la poésie européenne avait partouzé avec le rap américain et le conte africain pour donner naissance à un bébé sans frontières.

Mieux: on se souvient soudain que la littérature européenne, avant que d’être écrite, relevait aussi de l’oralité, comme le rappelle Etrit Hasler. La Slam Poésie, peut-être simplement un retour aux sources…

swissinfo, Bernard Léchot à Genève

Le 20ème Salon international du livre et de la presse de Genève a lieu jusqu’au 1er mai.
Il se tient à Geneva Palexpo, ainsi que plusieurs salons parallèles: Europ’Art, le Salon de l’étudiant SwissUp.
Hôtes d’honneur: l’Algérie et la Franche-Comté.
Parmi les expositions: «Chagall et la femme», «100 ans de Robert Hainard, 100 ans de nature à Genève», «Swiss Press Photo 2005», «Suisse romande: terre du livre», «La BD, une histoire belge».

– La rencontre nationale de «Slam Poésie» (‘Poetry Slam’) a réuni des slameurs de Suisse alémanique et de Suisse romande au Café littéraire du Salon du livre de Genève.

– Née au milieu des années 80 à Chicago, la Slam Poésie passionne depuis quelques années un public de plus en plus large en Suisse alémanique. Depuis quelques temps, ce genre fleurit également en Suisse romande où des Slams ont lieu notamment à Lausanne, Genève et Fribourg.

– Performance scénique en direct, la Slam Poésie, fusion du mot, du rythme et du tempo, est aussi une compétition dont le public est le juge.

– Accessoires, musique, mise en scène sont interdits: seul le mot compte.

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