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De l’usine au loft, une reconversion difficile

Sur le site ABB à Oerlikon, le Park MFO est une fine structure métallique sur laquelle les plantes se greffent. swissinfo.ch

A Zurich et Winterthour, la réaffectation des sites industriels fait naître de nouveaux quartiers. Mais dans le quartier branché de «Züri-West», des locataires repartent déjà.

Côté bureaux, de nombreuses surfaces restent vides.

Ce sont parmi les plus grands sites industriels de Suisse et ils seront bientôt transformés en nouveaux quartiers: Sulzer à Winterthour, Escher-Wyss Sulzer à Zurich (ouest), ABB à Zurich-Oerlikon (nord).

Des centaines de milliers de mètres carrés occupés par des halles suffisamment grandes pour construire et soulever des bateaux et des locomotives.

Un peu plus de quinze ans après la décision de fermer la plupart de ces usines, les sites abritent déjà, entre deux chantiers, locataires, entreprises, magasins, crèches, bistrots et activités culturelles.

Un mélange des genres qui ne réussit pas partout et qui suscite même, à Zurich, des critiques grandissantes.

Trop bruyant

Car si beaucoup envient à Zurich son quartier Züri-West, ses «lounges», ses boutiques et ses bureaux en verre, sur place, l’enthousiasme a peut-être atteint ses limites.

Les récriminations de locataires sont devenues plus fortes. Des prix surfaits et jamais une minute de silence, disent, en résumé, ces déçus de la «nouvelle urbanité».

Mais il n’y a pas que le bruit: beaucoup critiquent des quartiers «sans âme».

C’est le cas de Stefan Tamò, co-propriétaire de quatre restaurants branchés mais pas snobs, qui, avec d’autres, a fait revivre le Kreis 5 après le Letten (lieu de Zurich qui servait autrefois de scène ouverte de la drogue).

Après quatre ans de location dans un des nouveaux appartements de «Züri-West», où il avait été parmi les premiers à emménager, Stefan Tamò est retourné au cœur du cinquième arrondissement, sa «base», comme il dit.

A sa grande surprise, explique-t-il, il s’est «tout à coup retrouvé dans l’opposition».

Opposé au rachat de chaque millimètre de quartier industriel par des investisseurs qui n’ont qu’une idée en tête, la rentabilité, il fustige aussi la «globalisation d’une certaine manière de s’amuser, ce «mainstream» moyen, ennuyeux et sans âme».

«Car l’ambiance, la qualité de vie, ça ne se copie pas, ça ne se planifie pas», conclut Stefan Tamò.

Long combat de la municipalité

Peter Noser, architecte au Service d’urbanisme de la ville, réfute les critiques avec calme.

«Au début, les gens sont enthousiastes et ne se posent peut-être pas les bonnes questions. Ce type de quartier n’est pas forcément idéal quand on a une famille», déclare-t-il.

De fait, la ville avait bataillé ferme avec les investisseurs pour imposer une certaine proportion de logements, moins rentables que les bureaux, et de parcs, pas rentables du tout aux yeux d’un promoteur.

«Sans affectation mixte, un quartier se transforme en ghetto, soit d’employés, soit d’habitants», poursuit Peter Noser.

Quant à la critique de «manque d’improvisation», l’urbaniste est très clair: «Avec un terrain d’une telle valeur, vous ne pouvez pas vous permettre de ne pas être rentable.»

Nombreux espaces vides

La liste des bureaux vides fait donc penser que beaucoup d’investisseurs perdent actuellement beaucoup de sous… Sur l’ancien site Steinfels, à côté du complexe Cinemax, plus de la moitié des rez-de-chaussée sont vides.

Les appartements sont en revanche tous occupés. Dans le nouveau «Zentrum-Zürich Nord» aussi, tout n’est pas de loin pas encore occupé.

Contrairement aux anciens sites ABB d’Oerlikon, les témoignages industriels sont plus nombreux à l’ouest de la ville. C’est sans conteste ce qui fait la réussite du Schiffbau, devenu dépendance du Schauspielhaus, et dont les structures ont été conservées.

Un contre-exemple: lors des travaux du «Puls 5», un énorme complexe avec appartements, magasins et bureaux, un ancien four, classé et protégé, a été détruit. La ville a déposé plainte.

Comme Potsdamer Platz

Si, dans la zone ouest, la planification entre la ville et les investisseurs bat son plein, elle est en revanche terminée en ce qui concerne le site nord.

Les chantiers sont énormes et rappellent ceux de Potsdamer Platz, à Berlin, il y a quelques années: les grues trouent le ciel, tout comme les avions décollant de l’aéroport tout proche.

ABB et la ville ont ici mis au point leur projet de «ville économique et écologique, pour 5000 emplois et 12 000 habitants» qui nécessitera encore plusieurs années avant d’être terminée.

La ville paye quatre jardins publics (dont l’un, le MFO – Maschinenfabrik Oerlikon – Park, a reçu un prix européen pour son originalité) et les investissements totaux s’étaleraient entre 2 et 2,5 milliards de francs.

Les travaux vont très vite: huit mois pour le premier immeuble locatif, pris d’assaut en octobre 2000.

C’est original, impressionnant, mais le visiteur se sent un peu perdu. A cause du manque de verdure, qui n’a pas encore eu le temps de pousser? Peut-être.

Ou bien alors, comme le critique une habitante dans une lettre de lecteur au «Tages-Anzeiger», parce que cela rappelle Nova Huta, la ville nouvelle des travailleurs communistes tchèques? Charmante comparaison…

swissinfo, Ariane Gigon Bormann, Zurich

– Sulzer et ABB ont décidé de fermer totalement ou partiellement leurs sites de Winterthour, de Zurich, mais aussi de Baden (AG), entre 1986 et 1988.

– A suivi une courte phase d’incertitude (tout raser? tout vendre?), puis une longue phase de négociations avec les autorités municipales pour la réaffectation des zones.

– A Zürich-Nord, ce processus s’est terminé en 1998. A Züri-West, il est en cours, de même qu’à Winterthour.

– Le quartier «Zentrum Zürich-Nord» accueillera, lorsqu’il sera terminé, 5000 emplois et 12 000 habitants.

– A l’ouest, près d’Escher-Wyss Platz, la cohabitation entre cafés branchés et locataires suscite des tensions.

– Autre problème actuel: la récession et les suppressions d’emplois font que des centaines de bureaux flambant neufs restent vides.

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