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Le Schiffbau sous les feux de la rampe à Prague

Le Schiffbau à la tombée du jour quand la Zurich West nocturne s'anime. Niklaus Spoerri

Le Schiffbau de Zurich joue, depuis jeudi, la vedette à la 10e Quadriennale de Prague, consacrée à la scénographie et à l'architecture de théâtre.

La transformation de cet ancien chantier naval en un lieu culturel y est présentée comme un cas d’école.

Pour sa 7e participation à cette exposition internationale de prestige, l’Office fédéral de la culture (OFC) a choisi de présenter la reconversion du Schiffbau en un espace culturel.

Cet ancien chantier naval (Schiffbau) est situé au cœur du quartier Zurich West, essentiellement industriel jusqu’il y peu, entre le Technopark ultra moderne et le hardbrücke, un viaduc qui surplombe tout le quartier.

Autrefois au cœur de la ville, l’industrie s’est déplacée vers les banlieues moins chiches en espace ou carrément délocalisée à l’étranger.

Les milliers de mètres carrés de friches industrielles, aux murs bruts et grandes baies vitrées ont alors attisé les appétits culturels, d’abord alternatifs, puis officiels.

En 2000, le Schauspielhaus (le théâtre de la ville) a donc installé dans la grande halle du Schiffbau une deuxième scène complémentaire au «Pfauen», le théâtre classique à l’italienne du centre ville.

Une scène plus intime (Box), un club de jazz (Moods), des ateliers pour la création des décors, un restaurant chic aménagé dans une cage de verre (La Salle) et des lofts cohabitent en bonne intelligence dans ces murs à la précieuse patine fin 19e siècle. Le lieu est d’ailleurs classé monument historique.

Au cœur de Zurich West

Mais pourquoi avoir choisi le Schiffbau? «Nous voulions montrer comment une grande institution entre dans un ancien quartier industriel», souligne Kathrin Stirneman.

«Ce phénomène se produit un peu partout dans les grandes villes européennes et américaines», poursuit la responsable scientifique de la Section Art et design de l’OFC.

Pour Stefan Jauslin, concepteur de l’exposition et conseiller pour le livre qui l’accompagne, l’intérêt principal du Schiffbau était de pouvoir travailler sur plusieurs niveaux.

«Pas seulement sur son architecture. Mais aussi sur la scénographie et l’intégration du Schiffbau dans ce quartier devenu très à la mode depuis quelques années»

Un quartier mixte

Occupé dès les années 80 par des artistes ou architectes en quête d’ateliers abordables au centre ville, Zurich West s’est aussi rapidement peuplé de bars et autres clubs plus ou moins alternatifs.

Et c’est la réhabilitation du complexe industriel du Steinfels Areal en un cinéma multiplexe à la fin des années 80 qui a initié la reconversion du Kreis 5.

Mais si le quartier est devenu si dynamique, c’est aussi grâce à la politique municipale qui «depuis 15 ans favorise la mixité, des publics comme des activités: consommation, loisirs et habitat», note l’historien d’art Philip Ursprung.

«Au contraire de Berne par exemple. Au centre ville, seuls les commerces sont tolérés, sous prétexte de préserver la tranquillité des habitants». Au risque d’avoir un centre certes pittoresque, mais mort.

Un site à l’histoire étonnante

Cela dit, c’est grâce à un concours de circonstance que le Schiffbau est devenu théâtre. A la fin des années 90, le Schauspielhaus cherchait des ateliers pour créer ses décors et un lieu de répétition.

Les immenses espaces du Schiffbau s’y prêtaient parfaitement. Mais il fallait, pour rentabiliser leur transformation, y inclure d’autres activités. Le Museum für Konkrete Kunst devait s’y installer.

Et ce n’est qu’au moment où ce dernier s’est retiré du projet, que Christoph Marthaler, le directeur artistique du Schauspielhaus et sa scénographe Anna Viebrock ont saisi le potentiel de développement du Kreis 5. Une des salles de répétition a donc été transformée en une scène de représentation.

Fétichisation du passé

Il est actuellement difficile d’imaginer que dans ce Zurich sans ouverture sur la mer, on construisait des moteurs de bateaux à vapeurs qui ensuite sillonneraient les mers du monde.

Et c’est justement cette mémoire d’une production concrète, rayonnant loin à la ronde, qui sied si bien aux ambitions théâtrales.

«Comme la culture travaille avec des valeurs symboliques, avance Philip Ursprung, on charge ces carcasses d’usine d’un nouveau sens, avec la promesse d’un horizon historique plus large».

Il n’empêche qu’on n’est pas loin d’une fétichisation finalement très bourgeoise des traces d’un monde industriel disparu.

«Les codes qui dictent la fréquentation du théâtre n’ont pas pour autant changé. Au Schiffbau on est toujours conduit à sa place par un ou une ouvreuse», ironise le spécialiste en art contemporain.

swissinfo, Anne Rubin

La 10e Quadriennale de Prague a lieu du 12 au 29 juin
La Suisse y participe depuis 1975
Le livre «Schiffbau, Transformation eines Ortes» (Birkhaüser) est disponible en librairie
Le coût du container d’exposition et de la publication est de 150’000 francs

– La reconversion du quartier industriel de Zurich West (Kreis 5) a commencé dans les années 80, quand l’industrie a presque complètement quitté le centre-ville.

– Les premiers occupants de ces friches industrielles furent des photographes, architectes ou plasticiens.

– Très vite des bars illégaux et autres clubs dédiés à la musique électronique y ont bourgeonné.

– La reconversion du Steinfels Areal en un multiplexe de cinémas notamment initia la mouvement de réhabilitation officielle du quartier à la fin des années 80.

– Suivirent le Technopark, la réhabilitation pour Bluewin de l’ancien building années 70 de Escher Wyss, Wets Park et Puls5, sans parler du Löwenbrau Areal, devenu un centre composite pour l’art contemporain, avec Musée Migros et galeries prestigieuses.

– La reconversion du Schiffbau commença en 1996 et se termina en 2000.

– Le Schiffbau était l’ancien chantier naval d’Escher Wyss AG.

– On y construisait des moteurs de bateaux puis des turbines.

– Le changement d’affectation des 170 000 carrés qui appartenaient à Escher Wyss résulta d’un bras de fer homérique entre les industriels et Ursula Koch, alors responsable de l’urbanisme à Zurich.

– La grande halle est classée monument historique.

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