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Volker Türk: «Il faut placer les droits humains au centre de nos vies»

Le Haut-Commissaire aux droits de l homme des Nations unies Volker Türk
Volker Türk compare les droits humains aux règles de la circulation: «Elles existent parce que, sinon, des gens mourraient. Il en va de même pour les droits humains, et c’est pourquoi la Déclaration universelle est si importante.» Illustration: Helen James / swissinfo.ch

Actuel chef des droits humains de l’ONU, l’Autrichien Volker Türk a grandi avec une conscience aiguë des horreurs commises par son pays durant la guerre. Pour lui, les droits humains doivent permettre d’éviter de répéter les erreurs passées. Portrait.

Lorsque Volker Türk est entré en fonction en tant que Haut-Commissaire aux droits de l’homme l’année dernière, la Russie avait déjà envahi l’Ukraine, les talibans poursuivaient leur répression des femmes en Afghanistan, et la planète sortait d’une pandémie qui a montré avec une clarté implacable à quel point notre monde reste marqué par les inégalités.

Puis, vinrent s’ajouter la guerre au Soudan, la violence des gangs à Haïti et l’éruption d’un conflit dévastateur au Proche-Orient.

Tout au long de l’année, SWI swissinfo.ch célèbre le 75e anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’homme (DUDH). Cet ensemble de principes révolutionnaires est devenu le document le plus traduit au monde. L’actuel Haut-Commissaire aux droits de l’homme de l’ONU, Volker Türk, le décrit comme «un document transformateur […] en réponse aux événements cataclysmiques de la Seconde Guerre mondiale».

Le tout premier chef des droits humains de l’ONU, l’Équatorien Jose Ayala Lasso, n’est pourtant entré en fonction qu’en 1994. Pourquoi a-t-il fallu attendre si longtemps pour cette nomination, alors que la DUDH a été rédigée en 1948?

Dans notre podcast Inside Geneva, à écouter en anglais, nous vous proposons des interviews avec chacun et chacune des anciens et anciennes hauts-commissaires aux droits de l’homme (un poste parfois considéré comme le plus difficile au sein du système onusien), interviews dans lesquelles ils et elles partagent leurs expériences, leurs succès et les difficultés rencontrées.

On aurait donc pu lui pardonner de mettre de côté son projet – annoncé en 2022 – de consacrer une partie de l’année 2023 à commémorer le 75e anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’homme. Mais pour Volker Türk, le monde violent dans lequel nous vivons (55 conflits en cours) rend au contraire plus importante que jamais la nécessité de se rappeler de nos principes fondamentaux.

Plus jamais

Volker Türk est autrichien et, comme beaucoup d’autres jeunes de sa génération (il est né en 1960), a grandi avec une conscience aiguë de l’histoire de son pays. Les atrocités commises par l’Autriche pendant la Seconde Guerre mondiale l’ont amené à se poser la question suivante: «Comment faire en sorte que le monde arrive à se dire: ‘plus jamais ça’?».

Pour lui, la DUDH doit jouer un rôle déterminant. Dans un tiroir de son bureau, il en garde un exemplaire effiloché que lui a donné un professeur de lycée il y a plus de 40 ans.

Ayant passé de nombreuses années au sein de l’Agence des Nations unies pour les réfugiés (HCR), Volker Türk a pu constater que, très souvent, les personnes fuient car leurs droits humains sont bafoués. C’est ce qui lui a donné envie de se placer «de l’autre côté», pour travailler davantage dans le domaine de la prévention.

Ainsi, contrairement à bon nombre de ses prédécesseurs, il n’a pas hésité une seconde lorsqu’on lui a proposé de prendre la tête du Bureau des droits humains de l’ONU.

Que reste-t-il à fêter?

Mais maintenant qu’il est entré en fonction, a-t-il encore l’impression qu’il y a de quoi fêter cet anniversaire? Est-ce que l’on se préoccupe encore des droits humains?

Volker Türk s’est récemment rendu au Proche-Orient et a condamné sans détour le Hamas et Israël pour ce qu’il qualifie de crimes de guerre. Il espère que cette année ne sera pas qu’une célébration, mais une commémoration et, si possible, une réaffirmation des droits humains.

Il propose une analogie plutôt prosaïque pour souligner le caractère indispensable des normes fondamentales telles que la DUDH. «Nous avons un code de la route, explique-t-il. Et il existe parce que, sans lui, des gens mourraient. Il en va de même pour les droits humains, et c’est pourquoi la Déclaration universelle des droits de l’homme est si importante.»

Il est donc judicieux d’avoir des lois réprimant les actes susceptibles de nous tuer, y compris des lois internationales permettant de nous contenir lorsque nous sommes enclins à nous entretuer.

Volker Türk estime également que 2023 devrait être l’occasion de reconnaître que placer les droits humains au centre de nos vies, plutôt que d’y penser après coup lorsque les choses tournent mal, pourrait être la clé de notre salut.

«Nous ne pouvons pas nous permettre de rester dans le présent, nous devons tirer des leçons des crises que nous traversons… J’espère que s’il y a un seul message à faire passer, c’est celui de la centralité des droits humains», déclare-t-il.

Traduit de l’anglais par Dorian Burkhalter

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