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L’exclusion scolaire comme ultime solution

Le but de la suspension provisoire est d'amener l'élève à réfléchir. swissinfo.ch

Zurich pourrait se doter dimanche d'une nouvelle loi autorisant l'exclusion provisoire des élèves récalcitrants.

Les nouvelles lois se multiplient dans les cantons, qui doivent faire face à une augmentation des cas d’indiscipline grave à l’école.

Si les Zurichois acceptent la nouvelle loi scolaire ce dimanche, ils donneront aux écoles du niveau obligatoire la possibilité d’exclure provisoirement un élève pour une durée de quatre semaines au maximum.

Actuellement, seule l’exclusion définitive est possible, pour autant que l’élève ait 15 ans ou qu’il ait déjà effectué huit années d’école.

Amener l’élève à se poser des questions

«Les responsables scolaires ont émis le vœu d’avoir des solutions intermédiaires, explique Martin Wendelspiess, chef de l’école obligatoire au Département de l’instruction. Le «tout ou rien» ne résolvait pas grand-chose.

Une suspension provisoire peut en revanche amener l’élève à se poser des questions. On lui montre que ses actions ont des conséquences et lui, de son côté, va peut-être se dire que, finalement, la vie est ennuyeuse sans école…»

Pendant la suspension, les parents – qui devront être informés suffisamment tôt – auront la responsabilité de leur enfant. Pour Martin Wendelspiess, cela ne doit pas poser un problème, puisqu’«ils doivent bien s’en occuper pendant les vacances scolaires.»

Eva Appert, présidente de l’Ecole des parents de Lausanne et enseignante, bondit: «C’est souvent justement parce que les parents ne remplissent pas leur rôle qu’il y a des problèmes. Un renvoi de l’école sans prise en charge organisée est inadmissible.»

Couverts par la LaMAL

Zurich a prévu la parade: «Si les parents ne peuvent prendre leur enfant en charge, le Secrétariat pour la jeunesse devra intervenir.» Cette disposition n’est toutefois pas prévue dans le texte de loi soumis à votation.

En cas de pépin, puisque l’assurance maladie est obligatoire en Suisse, les élèves sont de toute façon couverts, indique encore Martin Wendelspiess: «Les écoles n’ont plus d’assurance ad hoc depuis l’entrée en vigueur de la LaMAL».

Zurich pourrait donc rejoindre St-Gall et Berne dans le lot des cantons ayant récemment édicté des règlements précis sur la question de l’exclusion.

Sauf que le canton bilingue va beaucoup plus loin: depuis le 1er août dernier, la nouvelle loi scolaire autorise jusqu’à douze semaines par année de suspension, sans mesures d’accompagnement.

Plaintes de parents rejetées

Le Tribunal fédéral a rejeté le 12 novembre la plainte de dix-huit parents qui s’en prenaient à la durée de la mesure, mais il n’a pas encore publié ses considérants.

«Il y a des situations où un élève perturbe l’enseignement de façon si massive que l’exclusion est la seule issue, explique Martin Aubert, chef du service juridique du Département de l’instruction. Il faut que la classe et l’élève puissent souffler.»

Aucune mesure d’exclusion, conçue comme tout dernier recours, n’a été prononcée depuis l’entrée en vigueur de la loi. Comme à Zurich, on prévoit quand même d’intervenir en cas d’absence ou de démission parentale.

«La commission scolaire doit surveiller ce qui se passe, détaille Martin Aubert. Elle peut faire appel aux autorités de tutelle. Et nous avons établi des lignes directrices sur des occupations possibles, comme des stages pratiques, des travaux sociaux ou un encadrement thérapeutique.»

Vers un assouplissement dans le canton de Vaud?

Dans le canton de Vaud, un des rares à autoriser l’exclusion définitive durant la scolarité obligatoire, la nécessité d’encadrer la suspension d’un élève est inscrite dans la loi scolaire révisée en 1999.

«Nous n’avons pas prononcé d’exclusion depuis une année, indique la directrice pédagogique du Département de la formation Cilette Cretton. La loi est appliquée avec certaines réticences. Nous essayons toujours de trouver d’abord d’autres solutions.»

Trois postulats déposés au Grand Conseil pourraient amener le Conseil d’Etat à réviser la disposition concernée. Une réponse devrait être rendue prochainement.

Cilette Cretton ne cache du reste pas son scepticisme – à titre personnel – face à la mesure d’exclusion: «C’est un aveu de faiblesse, presque une faillite du système scolaire», estime-t-elle.

Pour l’enseignante Anne Appert en revanche, l’exclusion renvoie plutôt à un échec de la société et de l’éducation familiale. «Il y a des cas où l’école ne peut plus tout assumer. Quelquefois, on ne s’en sort plus. Il faut éloigner un élève pour protéger les autres.»

Autres solutions

Travaillant dans un quartier «difficile» du nord de Lausanne, l’enseignante précise que le simple transfert d’un élève dans un autre établissement peut suffire à casser des dynamiques de groupe et ramener le calme.

Le système vaudois prévoit plusieurs échelons, de trois jours de renvoi à l’exclusion, en passant par une suspension de trois semaines prononcées par la commission scolaire. «L’école peut aussi faire venir un élève chaque jour et lui confier des tâches particulières,» précise Cilette Cretton.

Pour les cas très lourds, un placement en institution fermée est possible. «Ces adolescents, poursuit Anne Appert, ont besoin qu’on s’occupe d’eux avec plus de moyens. Dans certaines institutions, il y a presque un éducateur par jeune! Mais on manque de place. On transfère des jeunes en Valais.»

Redistribuer les cartes

La mesure disciplinaire trouve des partisans jusque dans les rangs des thérapeutes: pour le psychologue valaisan Maurice Nanchen, auteur de nombreux ouvrages sur l’éducation, «l’exclusion peut se justifier si les choses se sont envenimées à un point tel que tout est bloqué.

En Valais, les directeurs d’école négocient des échanges d’élèves. C’est aussi une façon de redistribuer les cartes, de donner une chance de repartir à zéro.»

Surtout, le thérapeute voit dans l’exclusion une manière de briser l’effet boule de neige des problèmes d’indiscipline: un jeune qui se permet tout donne à croire aux autres qu’on peut tout faire. S’il sait de plus que l’école ne peut pas se séparer de lui, cela lui donne un grand pouvoir. Trop de pouvoir, à son détriment.»

«Mais il est très important, ajoute Maurice Nanchen, de ne pas larguer l’élève sans rien. Sinon, le problème revient à la figure, beaucoup plus fort…»

«Task force»

Du côté de la Conférence des directeurs de l’instruction publique, on indique suivre le dossier de près. Une question portant sur l’exclusion de l’école a été rajoutée au vaste questionnaire adressé aux cantons.

Et une task force a vu le jour pour émettre des recommandations concernant les problèmes de discipline. Elle vient de commencer ses travaux.

swissinfo/Ariane Gigon Bormann à Zurich

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