Une Genevoise au secours des enfants palestiniens
Anne Grandjean a fait de la protection des droits de l'enfant un quasi-sacerdoce. Elle œuvre en tant que cheffe de section de l'UNICEF à Jérusalem-est.
Cette Genevoise brosse un tableau véritablement calamiteux de la situation parmi la population palestinienne.
Depuis trois ans, Anne Grandjean assume les responsabilités de cheffe de section au siège de l’UNICEF (Fonds des Nations Unies pour l’enfance) à Jérusalem-est. Plus précisément à la section «protection de l’enfance» qui couvre la Cisjordanie, la bande de Gaza, ainsi que les camps palestiniens du Liban, de Jordanie, de Syrie.
Agée de 34 ans, cette jeune femme, au visage souvent éclairé de l’intérieur par un sourire, donne le sentiment de se donner à fond à sa mission.
Elle avoue d’une voix douce: «J’ai toujours voulu promouvoir les droits de l’enfant… J’avais particulièrement à cœur de venir ici parce que j’avais l’impression que ces droits y étaient particulièrement bafoués».
Chômage et la pauvreté
Dans le contexte actuel, les enfants palestiniens sont en effet les premiers à pâtir de la situation économique catastrophique, notamment à Gaza, ainsi que des violences israélo-palestiniennes et inter-palestiniennes.
Selon un rapport du Bureau international du travail (BIT) publié à Genève, on assiste dans les Territoires palestiniens à «un effondrement socio-économique presque total».
Une étude de la Banque mondiale souligne aussi que «la moitié de la main-d’œuvre palestinienne est au chômage et que la pauvreté (deux dollars de revenu journalier par habitant) touche 66% de la population». Parmi les pauvres, on trouve surtout des familles qui ont une nombreuse progéniture.
Appauvrissement dramatique
Anne Grandjean a constaté dans ses déplacements sur le terrain «un appauvrissement de la population vraiment dramatique durant les 9 premiers mois de l’année».
Et d’ajouter d’une voix soudain nerveuse: «70% des habitants de la bande de Gaza dépendent de l’aide extérieure pour pouvoir simplement se nourrir. On peut imaginer les retombées d’une telle situation sur les enfants, en termes de santé, d’éducation…».
«Dans la vie quotidienne de ces enfants, poursuit Anne Grandjean, même aller à l’école devient problématique dans la mesure où les parents n’ont pas suffisamment d’argent pour leur acheter le matériel scolaire ou payer le transport jusqu’au lieu de leur scolarité. En plus de cette pauvreté croissante, il y a la violence au quotidien».
«Juste pour vous donner une idée: depuis le début de l’année, 91 enfants ont été tués alors qu’ils n’étaient que 47 pour la même période en 2005. Les petites victimes ont donc presque doublé. Rien qu’en juillet dernier, 39 enfants ont trouvé la mort. C’est là l’indice d’une hausse en spirale de la violence!», illustre-t-elle.
Un tableau sinistre
Elle en vient à dresser un tableau sinistre des vacances d’été des enfants de la bande de Gaza. «La plupart de ces enfants sont restés chez eux pour des raisons de sécurité, isolés, sans contact avec d’autres enfants, souvent dans des maisons surpeuplées, à dormir à plusieurs par chambre. A cause de la cessation de l’aide financière des pays donateurs aucun camp d’été n’a été organisé à Gaza, alors qu’il y en avait eu plusieurs centaines en 2005».
Par ailleurs, le système éducatif est paralysé en raison de la grève de beaucoup d’enseignants. Certains n’ont pas reçu de salaire depuis des mois.
A Gaza, il y a dysfonctionnement du système éducatif, mais également les systèmes de distribution d’eau, d’électricité, fonctionnent irrégulièrement.
«La plupart des centres de santé, précise-t-elle, ne peuvent se passer d’un générateur et continuent à manquer de médicaments. L’UNICEF apporte son assistance en leur fournissant l’ensemble des vaccins destinés aux enfants palestiniens».
Signes d’angoisse
«Les travailleurs sociaux et les professionnels de la santé ont pu remarquer chez nombre de ces enfants des signes d’angoisse, des résultats scolaires à la baisse, de l’agressivité, une tendance à faire des cauchemars», déplore-t-elle.
Anne Granjean met aussi le doigt sur un phénomène qui va en s’amplifiant: «La violence extérieure attise les violences familiales. L’UNICEF dispose dans la bande de Gaza de 3 centres de défense sociale et légale. Les demandes d’aide ne font qu’augmenter chaque mois. Par exemple en juin on traitait une soixantaine de cas, en août 200. Finalement les enfants de Gaza n’ont plus aucun endroit où se sentir en sécurité, ni chez eux, ni à l’école.»
«Ce qui me frappe, conclut Anne Grandjean, passionnée par ce qu’elle dit et fait, est que ces enfants ont encore des rêves en tête. Si une partie rêve de s’expatrier, les autres – la majorité – parlent plutôt de construire l’Etat palestinien».
swissinfo, Serge Ronen à Jérusalem
Anne Grandjean est née à Genève en 1972.
Elle a fait des études universitaires à l’Institut des hautes études internationales de Genève.
Elle travaille depuis 10 ans dans la protection des droits de l’enfant, dont 7 ans à l’UNICEF.
Elle a été en poste dans les Balkans, en Iran, au Liban, avant d’être nommé à son poste actuel à Jérusalem-est.
L’UNICEF (United Nations Children’s Fund), le Fonds des Nations Unies pour l’Enfance, s’engage dans le monde entier au service du bien-être des enfants et des femmes.
L’UNICEF est représenté en Suisse par le Comité suisse pour l’UNICEF.
Organe indépendant du point de vue politique et religieux, il s’appuie sur près de 60 ans d’expérience dans le domaine de la coopération au développement et de l’aide d’urgence.
Le Comité suisse pour l’UNICEF a été fondé en 1959 en tant qu’association dont l’objectif est de rassembler des fonds et de s’engager pour la cause des enfants.
Tout comme les 38 comités nationaux des pays industrialisés, le Comité suisse contribue au financement des programmes de l’UNICEF dans les pays en voie de développement.
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