
La montagne n’est pas un monde à part

La Conférence d'Adelboden demande que le monde accorde plus d'attention aux montagnards. Interview avec l'un de ses organisateurs, Josef Guntern.
Organisée conjointement par la Suisse et la FAO, la Conférence d’Adelboden sur l’agriculture et le développement durable en montagne s’est achevée jeudi par une déclaration qui met en évidence les besoins de reconnaissance des communautés montagnardes.
Cette prise de position, émanant des quelque 200 participants venus d’une cinquantaine de pays des cinq continents, sera transmise au prochain Sommet mondial du développement durable, fin août à Johannesburg.
Rencontre en forme de bilan et d’impressions personnelles avec Josef Guntern, membre de CreaConsult, bureau de consultants délégué à l’organisation de la Conférence d’Adelboden.
swissinfo: Josef Guntern, qu’est-ce qui vous paraît essentiel dans le message de la Conférence?
Josef Guntern: D’abord, que les zones de montagne constituent un réseau très important pour le développement. Il ne faut pas seulement les observer pour elles-mêmes, mais aussi dans un système de relations entre le haut et le bas, entre les montagnes qui servent de réservoir à beaucoup de choses utiles dans les plaines.
Et puisque que tout est étroitement lié, parler d’agriculture durable en montagne implique que l’on aborde aussi, de manière transversale, tous les thèmes traités dans l’Agenda 21 du Sommet de Rio. Par exemple, les thématiques de la pauvreté ou de la satisfaction des besoins essentiels de toute communauté humaine.
Et les 200 participants, quelles découvertes ont-ils faites sur place?
J.G.: Ils ont, en tout cas, fait beaucoup de commentaires, précisément sur une économie, qui fonctionne relativement bien, entre les différentes zones écologiques d’une même vallée, sur la corrélation entre l’alpage d’en haut et la production d’en bas.
Ils ont mieux compris également comment notre système agricole est lié aux écosystèmes, c’est-à-dire aux différentes ressources naturelles de nos régions de montagne. Il faut dire qu’Adelboden offre un réseau impressionnant d’eaux et de forêts.
Les échanges ont été fructueux: les participants venus de tous les coins du monde ont eu beaucoup de possibilités de contacts avec les gens d’Adelboden, ils ont été impressionnés par leur héritage culturel.
On a d’ailleurs eu de la chance, car cette semaine coïncidait avec les montées aux alpages. Des troupeaux de vaches ont pratiquement traversé le village tous les jours. Et chacun avait un tas de questions à poser.
Dans l’ordre du jour de la Conférence, on a parlé entre autres de «bonnes pratiques» de développement durable en montagne. Lesquelles?
J.G.: On pourrait évoquer beaucoup de choses. À commencer par le niveau gouvernemental: les montagnards sont en droit d’attendre des politiques et des lois-cadres qui soutiennent tout ce qui est développement dans leurs régions.
On peut parler aussi des problèmes technologiques: il est important qu’on choisisse, pour l’agriculture de montagne, non seulement de bonnes technologies, mais surtout des technologies réalistes d’un point de vue économique, pratique et écologique.
L’écologie est également un thème important car les montagnes sont des écosystèmes très fragiles. Il faut en être conscient et chercher des méthodes de production et des manières de vivre respectueuses de ces écologies fragiles. C’est un vrai défi.
Il faut se demander aussi comment intégrer tout cela dans un système social, comment faire pour que les gens de toutes conditions et de tous âges soient parties prenantes du développement.
Est-ce à dire que les gens de la montagne se sentent délaissés et se plaignent de conditions de vie et de travail injustes?
J.G.: Oui, on peut le dire, mais il ne faut pas généraliser. On le sent peut-être moins chez nous, mais ce sentiment existe aussi en Suisse. Par contre, c’est beaucoup plus évident dans les pays en développement.
Là, le système économique tourne d’abord autour des capitales et des zones urbaines. Les régions rurales viennent ensuite. Et dans les régions rurales, les montagnes viennent en dernier. Les populations de montagne sont souvent le dernier point de l’agenda politique des gouvernements.
Vous souhaitiez une conférence tournée vers le concret? Cet objectif a-t-il été atteint?
J.G.: J’ai personnellement l’impression que les gens se sont beaucoup impliqués dans le partage des idées et des expériences concrètes. D’ailleurs, quand on a commencé jeudi matin à examiner le projet de déclaration, ce n’était pas une simple formalité. Chacun a voulu discuter sur ce qui était réaliste ou ne l’était pas.
Je rappelle qu’on avait à Adelboden des participants de tous les niveaux. Autour des tables, on trouvait des politiciens et des ministres, mais aussi des paysans et des gens de toutes classes sociales. Cela a créé une dynamique spéciale et ouverte: chacun avait vraiment envie de dire ce qu’il pensait.
swissinfo/Bernard Weissbrodt

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