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La révolution conservatrice

Un gouvernement plus vieux, plus masculin et plus à droite. swissinfo.ch

Pour la presse suisse, l’élection du Conseil fédéral de ce 10 décembre consacre un très net virage à droite.

La nouvelle «formule magique» marque également un recul des femmes dans un gouvernement élu sur des critères avant tout politiques.

«Merz alors, c’est Blocher.» Pour son titre de première page, 24 heures ne fait guère dans la dentelle. Selon le quotidien vaudois, «le leader charismatique d’un parti autoritaire a contraint les Chambres à l’élire. Par menace et chantage.»

Pour 24 heures toujours, la photo du nouveau Conseil fédéral ne montre qu’une «grisaille masculine vieillissante.»

Guère plus tendre, L’Hebdo voit la Suisse «s’embarquer pour des temps difficiles». «L’élection de Blocher, au lieu de faire avancer le pays, n’aura contribué qu’à le bloquer pendant quatre ans», regrette l’hebdomadaire romand.

Passablement virulente elle aussi, La Liberté estime que la Suisse a désormais un «gouvernement de discordance.» «C’est la droite dure qui commande et va diriger le pays», écrit le quotidien fribourgeois.

Calculs politiciens

Pour Le Temps, la Suisse vient de faire sa «révolution conservatrice». Le quotidien romand voit dans cette élection «un affront à la présence des femmes au gouvernement, qui dit bien le primat absolu des considérations politiques», alors que pendant des années, on a privilégié la représentation par genres ou par régions.

Plus nuancée, la Tribune de Genève parle d’un «triomphe brutal mais sain.» Le quotidien du bout du lac rappelle que le grand vainqueur des législatives est bien l’UDC, et que ce parti devait logiquement obtenir une part de pouvoir conforme à son électorat. Un électorat dont le parti de Christoph Blocher devra forcément décevoir une partie en assumant son bilan gouvernemental.

«Bravo Christoph»

Quant au Matin, il a choisi de féliciter le nouvel élu zurichois. «Bravo Christoph», titre le quotidien orange, sous la photo du premier baiser du couple Blocher après l’élection.

Blocher qui «nous surprendra encore», selon Le Matin, puisque l’UDC est maintenant un vrai parti gouvernemental, qui sera désormais contraint «de prendre congé de son style outrancier et blessant.»

Cette photo de Christoph et Silvia Blocher, on la retrouve également en une du Blick, qui félicite le nouvel élu et sa femme, couple béni dont par ailleurs la fille attend un heureux événement…

Sur un terrain plus politique, le quotidien de boulevard alémanique attend de ce nouveau gouvernement «plus de croissance et moins de chômage.»

L’indispensable compromis

Pour le Tages Anzeiger, l’accession d’un deuxième UDC – qui ne pouvait être que Christoph Blocher – au gouvernement «respecte la volonté populaire.» Mais attention, avertit le quotidien zurichois, «le peuple suisse est moins à droite que Blocher, Merz, Couchepin et Schmid, et ceux-ci devront chercher le compromis.»

Analyse similaire dans le Bund. «Leader de facto d’une droite unie, Blocher doit maintenant assumer ses responsabilités gouvernementales. S’il fait le fou au Conseil fédéral, il est foutu», souligne le quotidien bernois.

La Basler Zeitung se montre plus optimiste. Pour elle, il ne fait «pas de doute que le gouvernement dans sa nouvelle composition sera capable de fonctionner.» Le Parlement s’est donc montré «sage» en refusant d’envoyer l’UDC dans l’opposition.

Enfin, la Neue Zürcher Zeitung se demande si la nouvelle équipe représente une «dream-team» pour le monde de l’économie. «Sans doute, répond le journal, le tandem Blocher-Merz est-il préférable pour les entrepreneurs de ce pays à toutes les autres combinaisons possibles.»

Le ministre milliardaire

Au Tessin, le Giornale del Popolo relève que cette élection constitue «une décision inévitable, conforme aux règles non écrites de la concordance helvétique.»

Parlant de Christoph Blocher, le quotidien italophone évoque «un milliardaire, qui jusqu’à hier actionnait les sirènes d’un populisme souvent hostile au progrès. Charge à lui de démontrer maintenant que ses recettes n’étaient pas que du bavardage», conclut le Giornale del Popolo.

Un ultranationaliste au gouvernement

Cette élection a également retenu l’attention de la presse internationale.

Ainsi, le Financial Times, qui décrit Christoph Blocher comme un «ultranationaliste», estime que le nouveau gouvernement, à dominante conservatrice, va «malmener les relations entre la Suisse et l’Union européenne.»

Une analyse que l’on retrouve dans le Guardian, autre grand quotidien britannique. Pour lui, il ne fait aucun doute qu’avec l’élection de Blocher, «ennemi déclaré de l’intégration européenne, la Suisse ne parlera plus d’adhésion dans la décennie à venir.»

«Le populiste de droite Christoph Blocher entre au gouvernement», titre pour sa part la Süddeutsche Zeitung, soulignant la fin de la formule magique au cours d’une des élections «les plus intéressantes» que la Suisse ait connu.

Le correspondant du quotidien allemand souligne également l’attitude «têtue» des parlementaires suisses, «qui ont élu un patriote missionnaire au gouvernement.»

swissinfo, Marc-André Miserez

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