
Experts internationaux pour énigmes suisses

Parfois désarmée lors d'enquêtes difficiles, la Suisse cherche à l'étranger des experts en psychologie criminelle. Pourquoi et quel est leur rôle?
Deux affaires criminelles alimentent la chronique des faits divers. La double agression au couteau à Berne qui a fait une victime la semaine dernière. Et l’agression, en février, d’un jeune Valaisan de Veysonnaz, désormais handicapé à vie.
Ces deux enquêtes piétinent. Et, pour tenter de sortir de l’impasse, les juges d’instructions n’hésitent pas à faire appel à des experts internationaux. Il s’agit-là d’une nouvelle tendance. En Suisse du moins.
Appelés ‘profilers’ (profileurs), ces spécialistes sont reconnus aux Etats-Unis. Leur travail consiste à établir les profils des scènes du crime ou les caractères des meurtriers.
«Si ces personnes viennent de l’étranger, explique une criminologue souhaitant garder l’anonymat, c’est qu’il n’en existe pas en Suisse».
Pourquoi? Tout simplement, parce que le métier de profileur ne s’apprend pas dans un institut de criminologie. Mais sur le tas.
Et, comme le taux de criminalité est faible en Suisse, il est impossible de s’initier à ce métier très particulier.
Méthode efficace
A Berne, c’est un Autrichien, Thomas Muller, un expert en psychologie criminelle qui est arrivé, lundi, pour aider la police.
«La psychologie criminelle est une méthode nouvelle que nous testons», dit Jurg Mosimann, porte-parole de la police cantonale bernoise.
«Un mode d’action qui a fait ses preuves, ajoute Jurg Mosemann. Et qui a permis de résoudre de nombreuses énigmes, tant en Autriche que dans le reste de l’Europe».
Réaliste, la police bernoise ne s’attend pas à ce que l’expert autrichien lui livre le coupable. Elle espère juste de nouvelles pistes pour faire avancer l’enquête.
L’expert autrichien en question est profileur de lieu. Concrètement, il cherche le moindre indice sur les endroits où se sont déroulés les crimes. Puis, il enregistre toutes ses informations sur une base de données.
Il se dit capable d’établir un «profil psychologique d’un lieu». En revanche, il se défend d’établir le profil psychologique de l’auteur du crime.
Apport intéressant
En Valais, c’est une Belge, Carine Hutsebaut, formée par le FBI, qui a été appelée en renfort.
Elle, en revanche, se définit comme une profileuse, capable de dresser le profil psychologique d’un assassin. Un peu comme dans la fameuse série télé américaine «Profiler».
Elle a aidé à résoudre de nombreuses enquêtes sur toute la planète. Elle est notamment intervenue dans l’affaire Dutroux, le pédophile belge.
La participation à l’enquête de Carine Hutsebaut n’a suscité aucune crispation au sein de la police valaisanne. Bien au contraire.
«Aucune porte n’est fermée», affirme Pierre-Martin Moulin, porte-parole de la police cantonale.
Cela dit, les policiers valaisans n’ont pas eu vraiment le choix. Ils ont obéi aux requêtes du juge d’instruction. Qui a sollicité la profileuse belge sur demande des parents de la victime.
Au bout de quinze jours de travail, Carine Hutsebaut a remis son rapport aux autorités. Reste à savoir s’il sera pris au sérieux par les enquêteurs suisses.
«Bien entendu», rétorque Pierre-Martin Moulin, qui introduit toutefois une nuance dans ses propos.
«Les méthodes d’un profileur ne sont pas une science exacte comme celles de la police scientifique. Mais, nous prenons très au sérieux le point de vue de ces personnes qui ont maintes fois prouvé, notamment aux Etats-Unis et en France, leur efficacité.»
Alors pourquoi ne pas mettre sur pied un service spécial «profiler» en Suisse? Cela ne se justifie pas, affirme Pierre-Martin Moulin. Car le pays est trop petit.
Des méthodes parfois contestées
Si ces profileurs semblent être bienvenus dans le cadre de ces deux enquêtes, la publicité faite autour de leur travail ne plait pas à tout le monde.
C’est, en tout cas, l’avis de l’experte en criminologie de Lausanne qui reproche le tapage médiatique fait autour de ces profileurs.
Et de conclure: «Les vrais profileurs travaillent dans l’ombre. Ils ne sont pas connus du grand public».
«On gagnerait, assure-t-elle, en efficacité en créant de véritables banques de données sur toutes les affaires criminelles».
swissinfo

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