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La solidarité pour vaincre la violence domestique

Pour la Journée internationale contre la violence sur les femmes 2010, un chaîne de parapluies s’était formée à Bâle, sous le slogan «ne laissons pas les femmes sans protection sous la pluie». cfd-ch.org

Les maisons de femmes restent une bouée de sauvetage pour beaucoup de victimes de la violence domestique. Mais redonner une autonomie à ces femmes devient toujours plus difficile, estime la responsable de Solidarité Femmes pour la région de Bienne.

«La violence est la première cause de mortalité des femmes entre 16 et 44 ans en Europe». C’est d’une voix chaude et sur un ton calme que Claire Magnin nous fait prendre conscience des dimensions du phénomène.

La responsable de Solidarité Femmes (SF) de la région de Bienne (canton de Berne) est confrontée chaque jour depuis 18 ans à la brutalité de la violence contre les femmes. C’est en effet depuis 1993, date de sa création, qu’elle est active dans cette structure d’aide aux victimes de violence conjugale et à leurs enfants. L’organisme dispose d’une salle de consultation et d’une maison.

Il n’y a pas de profil type pour les femmes qui arrivent à la maison. Il y en a de tous les âges, de toutes les couches sociales, de toute les nationalités, de toutes les professions, avec ou sans formation. «Dans cette gamme extrêmement vaste, il y a cependant un groupe légèrement dominant, celui des femmes sans ressources», observe Claire Magnin.

Le nombre de femmes et d’enfants qui trouvent refuge dans la maison de SF ne se compte plus. La maison, qui dispose de douze lits, affiche pratiquement toujours complet. «Nous devons souvent répondre que nous n’avons pas de place, mais nous n’abandonnons jamais celles qui se tournent vers nous à leur propre sort. Nous cherchons toujours une alternative», précise Claire Magnin.

C’est au moment de la consultation que les femmes font une demande pour obtenir aide et protection. Chaque situation est examinée minutieusement avec la personne intéressée, afin de trouver la meilleure solution possible. Si, par exemple, il existe un risque que le mari puisse déterminer où elle se trouve, SF la place dans un autre canton.

Un lieu sûr

«Nous ne pouvons pas permettre qu’il y ait un danger dans la maison, car la première chose que nous offrons, c’est justement la sécurité», explique la responsable. C’est pour cette raison que les personnes qui y demeurent ou qui y travaillent ont l’obligation de garder l’adresse de la maison secrète. SF fournit par ailleurs une aide matérielle, des conseils, un accompagnement juridique, social et psychologique.

Des collaboratrices spécialisée s’occupent des enfants, pour lesquels on organise aussi des après-midi d’animations. Les activités sont conduites par un homme. «De cette manière, les enfants ont encore une image masculine positive», déclare Claire Magnin.

Dans la maison de Bienne, les collaboratrices travaillent dans l’optique d’une réappropriation de leur autonomie par les femmes elles-mêmes. Chaque femme a l’obligation d’accomplir à tour de rôle certaines tâches pour le groupe: faire les courses, cuisiner, s’occuper du ménage.

La violence à l’encontre d’enfants et d’autres femmes n’est par ailleurs pas tolérée. «Nous ne pouvons pas admettre non plus dans notre maison des femmes souffrant de problèmes psychiatriques, d’addiction aux drogues ou d’alcoolisme, d’une part parce que ces personnes exigent une présence et un encadrement plus intense que ce que nous pouvons offrir et d’autre part, parce que nous hébergeons également beaucoup d’enfants et de jeunes et que le mélange de ces deux populations n’est pas adapté», souligne Claire Magnin.

Le séjour dans la maison de Bienne n’est pas limité dans le temps. «Les femmes peuvent rester tant qu’elle en ont besoin. En principe, dès que la tension est retombée, les femmes se cherchent un logement», affirme la responsable. Et même une fois qu’elles quittent la maison, les femmes peuvent y retourner pour quelques heures d’accompagnement.

Autonomie entravée

Mais pour beaucoup, le chemin vers la liberté est extrêmement dur. «Le sens de notre travail est de protéger les femmes et de leur redonner de l’autonomie. Aujourd’hui, nous réussissons à les protéger, mais il devient de plus en plus difficile de leur redonner de l’autonomie, en raison de la mauvaise conjoncture économique», regrette Claire Magnin. Pour une grande partie d’entre elles, retrouver un travail est désormais devenu une entreprise ardue.

«Elles passent ainsi d’un travail temporaire à un autre, avec des salaires de misère, dénonce-t-elle. Si nous avions l’égalité des salaires, un bon tiers des femmes qui dépendent aujourd’hui de l’aide sociale n’en auraient plus besoin et disposeraient de leur autonomie. Un salaire minimum serait essentiel pour leur permettre d’être autonomes; pas comme aujourd’hui avec des rémunérations de 13 francs de l’heure.»

La détérioration de la situation économique et la diminution des prestations sociales préoccupent la responsable de SF Bienne, qui craint un appauvrissement de la population. «La pauvreté est l’un des facteurs de risque de la violence. C’est donc un danger qui augmente», avertit-elle.

En attendant, SF multiplie ses efforts d’information, afin que toute victime de violence conjugale échappe au joug de son agresseur. Au cours de ses 18 années d’existence, l’organisme a mené différents programmes de sensibilisation en impliquant d’autres partenaires.

«Notre politique a toujours été de nous ouvrir, de participer à des activités externe, souligne Claire Magnin. Cela nous a permis de nous intégrer dans la cité et d’ouvrir les portes pour de nombreuses femmes.» Et ces portes resteront ouvertes pour de nombreuses autres femmes encore, car SF reste en pleine activité.

Les Nations Unies ont décrété le 25 novembre Journée internationale pour l’élimination de la violence contre les femmes.

Cette date a été choisie pour commémorer la mort, en 1960, des sœurs Mirabal à Saint-Domingue. Les trois sœurs, qui militaient pour leurs droits face à la dictature, avaient été torturée, violées et assassinées.

La campagne «16 jours d’activisme contre la violence envers les femmes» a lieu toutes les années depuis 1991 dans le monde à l’initiative du Women’s Global Leadership Institute (WGLI).

Les promoteurs ont choisi la période du 25 novembre au 10 décembre pour lier symboliquement la Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes et celle des Droits de l’homme, afin de provoquer une prise de conscience.

En Suisse, c’est la quatrième fois que cette campagne est organisée. Plus de 50 organisations y participent.

Traduction de l’italien: Olivier Pauchard

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