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Trafic d’art, corruption et «axe du mal»!

«L’Ivoire de Sheila McKingsley», détail de la couverture. Humanoïdes Associés

Tel est le menu du 11e tome de la série BD «Stéphane Clément, chroniques d’un voyageur» signée par le Genevois Ceppi.

«L’Ivoire de Sheila McKingsley» nous emmène en Syrie, dans un univers particulièrement nauséabond.

Depuis de nombreuses années, Stéphane Clément parcourt le monde et, avec sa compagne Cynthia-Ann, a la fâcheuse habitude de tomber dans des «guêpiers» assez nauséabonds… «Le Guêpier», c’était d’ailleurs le titre de ses toutes premières aventures, en 1977.

En cela, Stéphane Clément est un personnage de BD comme un autre. Mais ce qui différencie ses aventures de celles de nombreuses autres créatures de papier, c’est le désir de réalisme qu’a l’auteur, le Genevois Daniel Ceppi, cette volonté d’impliquer ses personnages dans le monde qui est le nôtre, violent, malhonnête, amoral.

Mieux: même si une intrigue «policière» est présente dans chacun de ses récits, elle sert toujours à mettre en valeur une problématique socio-politique bien précise.

Alors que «L’Or bleu», en 2001, évoquait la problématique de l’eau au Moyen-Orient et celle de la minorité kurde, «L’Ivoire de Sheila McKingsley», suite de l’épisode précédent, s’attaque au trafic de biens culturels et à la corruption généralisée.

Un monde pourri

Stéphane Clément a rejoint Cynthia à Alep, en Syrie, où elle avait été arrêtée pour possession d’objets d’art en ivoire. Car la jeune femme s’est laissé embrigader par un riche collectionneur, Lord Wilkinson.

Collectionneur? Non, trafiquant, comme le couple le constatera suite à l’intervention de Miss MacKingsley, une femme qui travaille au nom de l’UNESCO. Mais attention, les zones troubles sont nombreuses, et la morale une denrée quasiment inexistante. Même Miss MacKingsley joue au poker menteur.

Bref. Un monde pourri jusqu’à la moelle. Une vision particulièrement sombre de Ceppi? «C’est une vision sombre à vos yeux, mais totalement réaliste aujourd’hui. Il n’y a qu’à ouvrir un journal pour savoir que ça ne roule pas bien!» répond le scénariste et dessinateur.

Et Ceppi d’évoquer la corruption des autorités pakistanaises. Le délabrement de l’Afghanistan, qui explique le commerce de la drogue et le trafic d’art. Et surtout le souverain mépris de l’Occident à l’égard du monde musulman.

Le cerveau… et les tripes

Alors, les personnages de Ceppi traduisent sa vision du monde. Ainsi quand l’Afghan Jamshid balaie l’ingénuité de Stéphane Clément: «Vous ne nous offrez que le racisme, le rejet, l’humiliation et l’étouffement économique», constate-t-il.

Ou un peu plus loin, lorsqu’une opération qui mêle trafic d’objets d’arts et émigrés clandestins fait se croiser, sur la frontière turco-syrienne, un mafieux turc et le véreux Scotfield:

«Vous le distingué, moi le truand? Vous me méprisez parce que vous êtes persuadé d’appartenir à un autre monde? En fait, nous sommes les deux faces d’une même pièce… Nous fréquentons les mêmes cercles. Profiteurs et salauds. Moi je l’assume, pas vous!» s’emballe le Turc.

Pour Ceppi, un livre, ce n’est pas qu’une histoire que l’on raconte: «Quand on est auteur, on met aussi ses tripes dans le récit, c’est logique», dit-il. A propos, lui qui connaît bien le Moyen-Orient pour s’y être rendu à plusieurs reprises, comment vit-il période actuelle, cette confuse ‘post deuxième guerre du Golfe’?

«Exactement comme dans ces pages, répond-il. En pensant amener des pseudo-démocraties là-bas, on se plante complètement. Ce qui compte, c’est de partager, de comprendre l’autre, et de comprendre ses motivations et ses besoins. Comment nous, Occidentaux, peut-on essayer d’imposer au reste du monde une prétendue vérité? C’est impossible. Et c’est idiot.»

swissinfo, Bernard Léchot

– «L’Ivoire de Sheila McKingsley», de Daniel Ceppi, est le 11e tome de la série «Stéphane Clément, chroniques d’un voyageur» (Ed. Humanoïdes Associés).

– Fidèle à son registre de «BD journalistique», Ceppi confronte ses héros (ou plutôt ses anti-héros) à une réalité socio-politique précise. En l’occurrence, le trafic de biens culturels et la corruption généralisée.

– Toujours en prise avec l’actualité, Ceppi souligne également vigoureusement l’état des relations entre Occident et Moyen-Orient.

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