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Une Suissesse invente le café-couture à Paris

Martena Duss et Sissi Holleis, maîtresses des lieux. swissinfo.ch

Avec l'Autrichienne Sissi Holleis, Martena Duss a ouvert au printemps dernier le Sweat Shop. Un mélange inventif de couture, de café et de cours de tricot. Les Parisiens s’y pressent.

C’est sans doute le seul endroit de Paris où l’on écoute du Mani Matter, le Brassens bernois, du matin au soir. Joliment austère, la devanture ne paye pas de mine. Tea-room? Atelier de couture?

Dans ce quartier du Canal Saint-Martin assez bobo et qui méprise les apparences, le Sweat Shop passerait presque inaperçu. Mais un détail intrigue: ces machines à coudre disposées sagement sur des petites tables où s’affairent quelques jeunes femmes, qui ressemblent à tout sauf à des ouvrières du textile.

La Suissesse Martena Duss et l’Autrichienne Sissi Holleis ont mis au point leur savant concept en début d’année. Au Sweat Shop, pour six euros l’heure, vous pouvez refaire l’ourlet de votre pantalon, vous inventer une chemise ou une robe, fignoler un sac, papoter, apprendre le tricot ou l’anglais tout en savourant un gâteau autrichien ou une tourte aux noix.

Cool!

Pas bête. «En Suisse, la plupart des foyers disposent d’une machine à coudre. En France, c’est plus rare», constate la Lucernoise Martena Duss, une ancienne maquilleuse de 28 ans. Les clients du Sweat Shop ? «Principalement des femmes de 25 à 40 ans, mais aussi des hommes qui viennent s’initier la couture, des professionnels qui profitent de notre matériel performant et des passants intrigués.»

Une dizaine machines à coudre, gracieusement fournies par le sponsor Singer, trônent sur d’anciens pupitres d’école. L’ambiance est décontractée, dans cette ancienne imprimerie rénovée dans un style assez cosy. «Est-ce qu’on peut juste boire un café et prendre quelque chose?», ose un couple en ouvrant la porte, attiré sans doute par le gâteau au chocolat maison. Sylvie, une jeune architecte d’intérieur, achève une pochette et s’attaque gaiement à son petit haut. Le soir, quelques femmes du quartier se réuniront pour le cours patchwork+anglais.

L’aide des pros

Pour Martena et Sissi, le pari n’était pas gagné d’avance. «A Paris, le classicisme domine toujours, constate la Lucernoise. On achète ses vêtements au magasin, puis on s’en débarrasse quand ils sont usés. Faire d’une vieille jupe un pantalon neuf, retoucher, rafistoler: tout cela n’est pas encore ancré dans les mentalités françaises. A Vienne ou à Berlin, le Sweat Shop passerait presque inaperçu. «Mais Berlin n’est pas la capitale mondiale de la mode», remarque Sissi Holleis.

Le Sweat Shop puise allégrement dans cette incroyable concentration de professionnels. Une styliste de Sonia Rykiel vient donner des cours le soir, tandis que des start-up se ruent sur la surjeteuse pour finir certains travaux. Le lieu surfe aussi sur la crise. «Avant, je possédais ma propre marque de vêtements et j’exportais beaucoup en Asie, raconte Sissi Holleis. Avec la crise, j’ai dû fermer boutique. Désormais, face à la baisse du pouvoir d’achat, chacun veut devenir son propre créateur.»

Avec parfois des ambitions démesurées. «Certains clients arrivent avec des projets express de robe en soie ou de robe de mariée. On doit leur expliquer que ce ne sera pas fait en une heure.»

Il y a sweatshop et sweatshop

Les Parisiens ne connaissent guère l’origine du mot sweatshop: ces ateliers anglais du XIXe siècle, souvent liés à l’industrie du textile, où le lumpenprolétariat travaillait douze heures par jour dans des conditions misérables. «Aujourd’hui encore, en Chine, en Inde ou ailleurs, des millions de travailleurs sont exploités dans des sweatshops», rappelle Sissi Holleis. Sans longue pause de midi, gâteaux au chocolat ou limonades bio.

Ouvert depuis avril, l’endroit connait un joli succès. Les clients sont nombreux, les cours du soir bien fréquentés. Le lieu a fait parler de lui dans la presse féminine. A moudre et à coudre, le grand retour du fait main», titre Marie-France. Et même le New York Times: «Une version mode du cybercafé».

De quoi faire école? «Nous avons tenté de déposer l’idée sweatshop, ce mélange de couture à l’heure, de café et de cours du soir, dans les registres de la propriété intellectuelle, note Martena Duss. En vain.»

À défaut, les deux femmes envisagent d’ouvrir d’autres Sweat Shops ailleurs en France. Ou à Milan. Voire à New York?

Mathieu van Berchem, Paris, swissinfo.ch

Le canal Saint-Martin est un canal de 4,55 km de long situé dans les 10e et 11e arrondissements de Paris.

Il relie le bassin de la Villette — et au-delà le canal de l’Ourcq — au bassin de l’Arsenal (le port de plaisance de Paris) qui communique avec la Seine.

C’est un canal de petit gabarit dédié à l’origine à l’adduction d’eau potable dans la capitale.

Inauguré en 1825, il comporte neuf écluses et deux ponts tournants pour une dénivellation totale de 25 m.

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