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Jonas Hiller, le Canard qui plane sur la NHL

Avec Mark Streit, Jonas Hiller est l'autre Suisse qui a brillé en NHL cette saison. swissinfo.ch

La saison prochaine, Jonas Hiller deviendra le deuxième sportif suisse le mieux payé après Roger Federer. L’Appenzellois de 28 ans s’est imposé comme le gardien numéro un du club californien des Anaheim Ducks, au sein de la meilleure ligue de hockey au monde, la NHL.

Bien malin celui qui, il y a 7 ans, aurait prédit pareil destin à l’ancien junior du SC Herisau, club phare du demi-canton d’Appenzell Rhodes-Extérieures. En 2003/2004, après deux exercices passés dans l’ombre de l’international Lars Weibel, Hiller est prêté par le HC Davos au Lausanne HC.

Loin de prendre ce transfert comme une punition, l’actuel titulaire de l’équipe de Suisse voit au contraire ce séjour en Suisse francophone comme une bénédiction. «A Lausanne, j’ai obtenu davantage de temps de jeu, et j’ai pu acquérir la certitude que j’avais le niveau de la Ligue nationale A (LNA). Mais j’étais sûr de pouvoir faire encore mieux», se souvient-il.

Une ascension fulgurante

S’ensuit alors une ascension fulgurante. Weibel parti à Zoug, Hiller hérite du job de gardien titulaire dans les Grisons en 2004/2005. Avec un certain bonheur. Non content de briller lors de la Coupe Spengler gagnée par Davos, il devient également champion de Suisse.

La présence à ses côtés de vedettes comme Joe Thornton et Rick Nash, débarqués en LNA suite à la grève faisant rage en NHL, attire les projecteurs de la meilleure ligue du monde sur lui. «Des recruteurs sont venus me parler. Le rêve «NHL» devenait soudain réel», raconte Hiller.

Après un autre titre de champion deux ans plus tard, ce sont sans doute davantage ses performances au Mondial 2007 dans les buts de l’équipe de Suisse qui poussent Anaheim à lui donner sa chance outre-Atlantique. En Russie, Ralph Krueger, le sélectionneur national de l’époque, le préfère à David Aebischer, pourtant sociétaire du prestigieux Canadien de Montréal. Les résultats donnent raison à Krueger, puisque Hiller contribue grandement à l’accession de la Suisse aux quarts de finale tout en se classant 5e meilleur gardien du tournoi avec 91,02% d’arrêts.

Anonyme en NHL

Devenue une vedette en Suisse, l’Appenzellois prend tout de même peu après le risque de repartir de zéro et de tenter sa chance dans l’anonymat au sein du club alors champion de NHL en titre. «Personne ne connaissait Jonas quand il est arrivé», narre Scott Niedermayer, le capitaine des Ducks. Pire, le portier titulaire de l’équipe, Jean-Sébastien Giguère, est un monument. On ne la fait pas au Québécois, l’un des meilleurs du monde à son poste à cet instant.

Et pourtant, comme lorsqu’il rongeait son frein derrière Weibel, Hiller ne se démonte pas. Après une première année d’apprentissage au contact des meilleurs hockeyeurs du monde, il s’affirme peu à peu lors de la deuxième saison comme un sérieux prétendant au rôle de numéro un, jusqu’à recaler son expérimenté rival sur le banc lors des playoff (séries finales).

Face à San Jose, favori au titre et meilleure équipe de la saison régulière, le Suisse, sur un nuage, fait notamment le désespoir de Thornton, son ex-coéquipier à Davos. «Il a joué à un niveau incroyable lors de cette série», renchérit Niedermayer.

Alors que les suiveurs commencent à leur prédire le Graal, Detroit met toutefois fin aux rêves des «Canards» au tour suivant, non sans avoir dû recourir à un 7e match pour les noyer. «Ca m’a pris quelques semaines pour oublier cette élimination, et même maintenant j’y pense encore parfois», confesse Hiller.

«Un challenge motivant»

Le 31 janvier dernier, le départ de Giguère à Toronto laisse la voie libre pour l’international helvétique. Dans l’enchaînement, Hiller signe une prolongation de contrat lui assurant le jackpot – 18 millions de dollars – jusqu’en 2012. «Je suis chanceux que le hockey génère beaucoup plus d’argent que le ski, par exemple. Je considère ce qui m’arrive comme une récompense pour tous les sacrifices auxquels j’ai consenti jusqu’ici», dit-il.

Cette entente dorée pourrait-elle se transformer en oreiller de paresse? «Non, rétorque le Suisse. J’ai plus de pression désormais, car je dois prouver que je mérite un tel salaire. Je serai obligé de toujours me montrer sous mon meilleur jour pour protéger mon statut, car les jeunes talentueux désirant mon job sont nombreux. Mais c’est un challenge motivant».

Brillant lors des Jeux olympiques de Vancouver 2010, où la Suisse tombe avec les honneurs au stade des quarts de finale contre les USA (2-0), Hiller franchit encore un palier supplémentaire. Sa prestation exceptionnelle contre le Canada lors du tour préliminaire – 44 arrêts lors d’une défaite 3-2 aux penalties -, où il dégoûte les superstars Sidney Crosby et Patrick Marleau, force le respect des observateurs en Amérique du Nord. «Je suis sûr que nous pourrons faire encore mieux dans quelques années», dit le portier des Ducks.

Le retour à la «réalité» du championnat de NHL ne s’est toutefois pas fait dans la douceur pour Hiller, qui a contracté une blessure au dos au début du mois d’avril. De nombreux Ducks ayant participé aux Jeux, une certaine fatigue handicape l’équipe, qui ne participera pas aux playoff pour la première fois depuis 2004. Il en faudra sans doute plus pour décourager Hiller, qui a un objectif précis en tête. «Je veux gagner la Coupe Stanley à Anaheim», clame-t-il.

Michaël Taillard, de retour d’Anaheim, swissinfo.ch

Vacances. Pour Jonas Hiller, le rêve «NHL» ne va pas forcément de pair avec le rêve américain. Appréciant de rentrer en Suisse durant l’été, il avoue qu’il ne serait pas venu aux Etats-Unis si le hockey ne l’y avait pas amené. «Les USA, c’est bien pour les vacances. Je trouve les gens un peu superficiels ici. En fait, je n’ai jamais rêvé de vivre en Amérique, mais plutôt de jouer avec les meilleurs hockeyeurs du monde», dit-il.

Discrétion. Mais la Californie a tout de même ses charmes. «Bien sûr, le climat est agréable, et je peux aller partout sans être importuné, car on ne me reconnaît presque jamais, le hockey n’étant pas le sport le plus médiatisé dans la région», reconnaît-il.

Mark Streit. Seul autre Suisse évoluant régulièrement en NHL en 2009/2010, Mark Streit est l’un des leaders des New York Islanders, formation également éliminée des playoff cette saison. Arrivé dans la ligue nord-américaine en 2005, à Montréal, le capitaine de l’équipe de Suisse a connu des débuts difficiles avant de devenir peu à peu l’un des meilleurs défenseurs du monde.

Eloges. «Deux Suisses en NHL, cela ne suffit pas. Chaque junior du pays doit se fixer cette ligue comme objectif et davantage de joueurs doivent tenter leur chance en Amérique du Nord. C’est de cette manière qu’on améliorera le hockey helvétique», dit le défenseur. Au sujet de Jonas Hiller, le Bernois de 32 ans ne tarit pas d’éloges: «Il mérite d’avoir reçu ce nouveau contrat de 4 ans, je suis content pour lui. C’est un bon gardien et il réalise une saison exceptionnelle».

Candidats. Les défenseurs Yannick Weber (21 ans) et Luca Sbisa (20) pourraient rejoindre Streit et Hiller à temps plein dans un avenir proche. Le Bernois, à Montréal, et le Zougois, à Anaheim, ont respectivement griffé la glace à 5 et à 8 reprises en NHL cette saison, mais évoluent encore majoritairement dans les ligues mineures. D’autres candidats? «Roman Wick, Romano Lemm et Mathias Seger ont démontré durant les Jeux olympiques de Vancouver qu’ils peuvent jouer à ce niveau. A eux de prendre la décision de faire le voyage jusqu’ici», conclut Streit.

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