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Le fabuleux destin d’un général libano-suisse

Le député Edgar Maalouf est prêt à rempiler pour un nouveau mandat «si le pays a besoin de moi».

L'histoire d'Edgar Maalouf se confond avec celle du Pays du Cèdre. Durant plus d'un demi-siècle, il s'est battu pour le Liban, même durant ses 15 ans d'exil forcé en terres fribourgeoises. A 74 ans, c'est aujourd'hui en tant que député qu'il poursuit son combat. Portrait

Installé dans son appartement de Mtaileb, sur les hauts de Beyrouth, le député libano-suisse Edgar Maalouf devrait savourer une retraite bien méritée entouré de sa famille après plus de 55 ans passés au service de son pays.

Enfant lorsque la Seconde Guerre mondiale fait irruption au Liban, officier durant les troubles de 1958, ministre à la fin de la guerre dite «civile», condamné à un exil de 15 ans suite à l’invasion syrienne de 1990, Edgar Maalouf a payé le prix fort pour son engagement et ses convictions. Homme de service infatigable, l’ancien général n’est pourtant pas prêt à déposer les armes.

Baptême du feu

Tout a commencé dans la petite échoppe paternelle de fruits et légumes à Forn el Chebak, quartier populaire situé dans l’est de Beyrouth où Edgar Maalouf grandit au milieu de ses quatre frères et de sa sœur.

Agé d’à peine dix ans, l’enfant est fasciné par un général en uniforme d’une rare prestance qui fait ses emplettes chez son père. «Il y avait aussi toute une ambiance, précise le député. Les Anglais bombardaient les troupes de Vichy à Beyrouth. Je lisais les revues sur les grandes batailles. J’ai su alors que je voulais me consacrer au métier des armes et servir mon pays.» Seule concession faite aux angoisses maternelles, il renonce à son projet de devenir pilote et opte pour l’armée de terre.

En 1958, c’est le baptême du feu. L’unité du Liban connaît une première fissure aux relents de guerre froide. Dans l’effervescence nassérienne, le camp de la gauche musulmane acquise aux idées panarabes affronte celui des chrétiens pro-occidentaux. «En tant qu’armée nous sommes restés neutres et on nous respectait pour cela, se souvient Edgar Maalouf. Lorsqu’une de nos jeeps passait sur une ligne de front, les combats cessaient.»

Evacuation vers la Suisse

L’accalmie qui suit cette mini-guerre civile permet au député de réorienter sa carrière vers le Renseignement et de rencontrer sa future femme Chantal, dont la maman est Suisse.

Ils se marient en 1974 et leur première fille Carine vient au monde l’année suivante durant les premières heures de la guerre. En 1978, leur deuxième enfant s’annonce à un moment tout aussi tragique.

«Chantal était enceinte de 7 mois et les Syriens bombardaient Beyrouth, raconte Edgar Maalouf. Finalement j’ai pu la faire évacuer vers la Suisse par le dernier avion avant que l’aéroport ne soit fermé. Lorsque je l’ai rejoint pour la naissance de Joane, même les hôpitaux de la capitale étaient pilonnés.»

Exil combattant à Marly

Dix ans et un cortège d’horreurs plus tard, l’impasse politique est telle au Liban que le président sortant décide de confier le pouvoir à l’armée. Edgar Maalouf devient alors ministre du cabinet intérimaire dirigé par Michel Aoun. Sur ordre de Damas pourtant, le gouvernement démissionnaire est maintenu en place et un blocus est installé autour des «régions libres» du général Aoun.

«On travaillait 18 heures par jour, se souvient Edgar Maalouf. C’était fou. Mais nous sommes arrivés à approvisionner notre région en nourriture et carburant. On tenait bon !»

En 1990, la conjoncture internationale précipite les événements. Pour s’assurer du soutien syrien dans la première guerre du Golfe, Washington donne carte blanche à Damas qui envahit et occupe le Liban en octobre.

D’abord réfugié à l’ambassade de France, le gouvernement Aoun est ensuite contraint à la fuite et Edgar Maalouf rejoint Chantal, Carine et Joane à Marly. C’est le temps de l’exil durant lequel le député obtiendra la nationalité suisse. Un exil combattant que partage Chantal, la plus passionnée des militantes de la cause. «Nous étions en contacts permanents avec le Liban, souligne Edgar Maalouf. Il fallait organiser la résistance à l’occupant et encourager nos partisans qui étaient persécutés au Liban.»

A nouveau au front

Quinze ans de cet activisme plus tard, c’est à nouveau la conjoncture internationale qui bouleverse la donne avec l’évacuation forcée des troupes syriennes du Liban. Et en mai 2005, une véritable marée humaine accueille enfin à Beyrouth l’équipe du gouvernement Aoun de retour d’exil.

«C’était incroyable, se souvient le député encore ému. En une journée, j’ai serré plus de mains qu’en quinze ans en Suisse.»

Le mois suivant, Edgar Maalouf est élu, à 71 ans, député sous les couleurs du Courant Patriotique Libre du général Michel Aoun, devenu la principale figure de l’opposition. Et le combat pour le Liban reprend de plus belle, avec la même foi, la même fougue.

«Nous avons tout donné pour notre pays, conclut le député. Nous nous sommes battus et nous nous battrons encore pour bâtir une vraie démocratie, édifier un Etat fort et souverain, libéré des tutelles étrangères et de la corruption. Tout au long de ce combat nous sommes restés propres et transparents, et c’est là notre force et notre legs aux générations futures.»

swissinfo, Pierre Vaudan, Beyrouth

Michel Sleiman: Après les combats de mai dernier, l’accord signé au Qatar entre les parties libanaises a permis l’élection du général Michel Sleiman à la présidence alors que le poste était vacant depuis 5 mois.

Tension: Un gouvernement d’entente nationale a même été formé le 11 juillet suivant. Prochaine étape prévu par l’Accord: un vote du Parlement sur la modification de la loi électorale. Modification qui pourrait aboutir, lors des élections du printemps prochain, à un basculement de majorité en faveur de l’actuelle opposition conduite par le Courant Patriotique Libre du général Michel Aoun, allié notamment des partis chiites dont le Hezbollah. Reste que malgré l’apaisement apparent, le pays reste sous tension.

Un espoir Des combats sporadiques ont fait une trentaine de morts depuis mai dernier à Tripoli où un attentat contre l’armée à fait 13 morts le mois passé. Signe d’espoir toutefois, un accord de réconciliation entre les communautés musulmanes alaouites et sunnites a été signé lundi dans le but de rétablir le contrôle de l’Etat sur cette ville portuaire.

Réarmement: La rumeur se fait insistante sur le réarmement de certaines milices, plusieurs sources évoquant même une importante livraison d’armes qui arriverait par voie de mer à destination de la montagne druze.

Autre inconnue: quelle sera l’attitude israélienne si la possibilité d’un tel renversement de majorité se confirme en faveur de leur ennemi juré du Hezbollah ? Beaucoup, à Beyrouth, estiment que la période pré-électorale qui s’ouvre pourrait réserver les pires surprises.

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