Les galériens suisses de l’Ancien Régime en France

Des centaines de prisonniers ont été en effet envoyés aux galères françaises du XVIe au XVIIIe siècle.
Benoît Dumas, licencié ès lettres de l’Université de Fribourg, lève le voile sur une page méconnue de l’histoire suisse.
Il faut dire que les contrées helvétiques des XVIè au XVIIIè siècles, limites temporelles de la recherche, étaient peut-être aussi verdoyantes qu’aujourd’hui, mais certainement déjà surpeuplées.
Cette situation entraînait deux conséquences humaines lourdes : le désœuvrement et l’expatriation. Beaucoup partaient s’enrôler à l’étranger dans les armées des grands princes, certains en profitaient pour développer l’import-export.
Mais la classe des malchanceux venait grossir les rangs des sans métier, vagabonds et autres errants.
La chasse aux vagabonds
La criminalité atteignait ainsi des sommets difficiles à contrôler. Aussi les autorités, poussées par les ambassadeurs des puissances maritimes, se sont mises dans le courant du XVIè siècle à donner la chasse aux vagabonds et à les envoyer aux galères étrangères.
L’avantage de cette situation était que les frais de détention n’incombaient pas aux cantons, bien heureux en cela.
Si tous les pays méditerranéens collaborèrent avec les cantons suisses, c’est bien la France qui a institutionnalisé le procédé de la façon la plus systématique.
A la demande du canton de Zurich, débordée de vagabonds allemands et indigènes, l’ambassadeur Français à Soleure, Méry de Vic, a accepté de prendre en charge les rôdeurs et autres mendiants en 1601.
Aussi pour des motifs politiques
Dès cette date, des Suisses ont été régulièrement envoyés aux galères de France, pour divers motifs, parfois politiques.
Cette peine avait l’avantage de permettre aux autorités des cantons de se débarrasser de personnes encombrantes sans en faire des martyrs de la justice. Aux yeux de l’opinion publique, on a remplacé simplement la peine de mort par celle des galères
Une fois enchaînés, les malheureux prisonniers quittaient la Suisse par Besançon ou Belfort. De là, ils rejoignaient les chaînes de condamnés français qui partaient vers les ports de Marseille, Brest ou Rochefort.
Souvent, l’épuisement de la marche tuait ces misérables avant même leur arrivée à la mer.
Les prisons du siècle des Lumières
Une fois sur place, certains tentaient de s’évader, mais leur cavale était hasardeuse : habillés de manière reconnaissable, casaque et bonnet rouges, le crâne rasé et l’épaule gauche marquée au fer rouge, ils étaient poursuivis par la maréchaussée dans tout le pays.
Repris, leur peine était doublée. C’est donc souvent en captivité que ces pauvres êtres périssaient des privations et des coups reçus. Près de la moitié d’entre eux sont morts aux galères.
La peine des galères en Suisses a disparu lors de la Révolution française. Pour des raisons politiques, certains députés de l’Assemblée nationale avaient intérêt à les représenter comme des victimes de l’absolutisme d’Ancien Régime.
Le message a payé puisque plusieurs lois permettant l’élargissement des étrangers furent alors votées et appliquées.
Désormais, les cantons suisses garderaient leurs prisonniers dans les nouveaux établissements pénitentiaires que le siècle des Lumières avait fait pousser.
swissinfo, Benoît Dumas
Petite bibliographie
ZYSBERG, André, Les Galériens, Paris, Seuil, 1897
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MEAUTIS, Ariane, Le Club helvétique de Paris (1790 – 1791) et la diffusion des idées révolutionnaires en Suisse, Thèse, Neuchâtel, Attinger, 1969.
CZOUS-TORNARE, Alain-Jacques, Vaudois et confédérés au service de France, 1789-1798, Morges, Cabédita, 1998
CARLEN, Louis, « Die Galeerenstrafe in der Schweiz », in : Zeitschrift für die gesamte Strafrechtswissenschaft, 88, 1976
FOREL, F.A., Le Léman, Lausanne, Rouge, 1901.

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