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«Des vaches ont été amenées par avion au Qatar»

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Depuis plusieurs mois déjà, les drapeaux des pays participant à la Coupe du monde flottent au vent de la capitale qatarie. zVg

La Coupe du monde de football débute dans un mois à peine au Qatar. Comment vit-on en tant que Suisse dans un pays qui a été si fortement critiqué en amont de cette compétition sportive? Quatre Suisses de l'étranger partagent leur expérience. Aujourd'hui nous faisons connaissance avec Andreas Briner, géologue chez Shell Qatar.

Moins de 30 jours nous séparent encore du coup d’envoi. D’ici là, des Suisses de l’étranger, parmi les 219 qui vivent au Qatar, nous parlent chaque semaine de leur vie, de leur travail et de l’ambiance qui règne à quelques semaines du début de la Coupe du monde. Andreas Briner, 53 ans, géologue, marié, trois enfants, ouvre le bal.

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Andreas Briner vit depuis 6 ans au Qatar. Il se réjouit de la tenue de la Coupe du monde de football. zVg

«Je vis à l’étranger depuis mon doctorat en géologie à l’Université de Berne en 1997. J’ai toujours travaillé pour Shell, d’abord en Afrique, puis à Bornéo et enfin au Moyen-Orient. Je suis désormais responsable des études de sol pour l’extraction de pétrole et de gaz.

Depuis six ans, je vis à Doha avec ma famille, presque tous les expatriés vivent ici dans la capitale. Mes deux plus jeunes enfants – une fille et un fils – vont à l’école ici, l’aîné étudie en Europe. Dans le cadre professionnel, on arrive à être en contact avec des Qataris, mais en privé, presque pas. On évolue dans des cercles d’expatriés.

Je n’ai guère de contacts avec d’autres Suisses sur place – de tous les postes que j’ai occupés ces dernières années, c’est au Qatar que se trouve la plus grande communauté suisse. L’ambassade suisse est très active et organise régulièrement des événements.

Comme il fait trop chaud en août et que la plupart des gens quittent le pays à cette période, l’ambassade n’invite généralement que des mois plus tard à la fête du 1er août. Les écoles sont en outre fermées pendant deux mois durant l’été. Vers la fin octobre, le temps redevient plus agréable. Pour l’instant, il fait encore plus de 30 degrés en journée.

Skyline Katar Fussball Weltmeisterschaft FIFA
La Coupe du monde de football a lieu en novembre. Il ferait trop chaud pendant les mois d’été, lorsque le thermomètre dépasse facilement les 40 degrés. Keystone / Robert Ghement

Ces six dernières années, la vie au Qatar a été très marquée par les préparatifs de la Coupe du monde de football. Lorsque nous sommes arrivés ici, il me fallait plus de 50 minutes pour me rendre d’un quartier périphérique au centre-ville en raison du manque de routes et des nombreux chantiers. Entre-temps, le réseau routier a été si bien développé qu’il ne me faut plus que 20 minutes.

Chantiers, poussière, bruit et chaos sur les routes ont marqué les préparatifs en vue de la Coupe du monde. Mais ce qu’ils ont accompli durant ce laps de temps est incroyable. Il y a maintenant un métro, de nouveaux musées. Toute l’infrastructure s’est améliorée.

Le plus grand défi de ces dernières années a été le blocus politique imposé par l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis, Bahreïn et l’Égypte. On ne pouvait plus s’envoler vers ces pays et on ne pouvait même pas les survoler. Chaque voyage prenait plus de temps.

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En réaction à ce blocus qui a duré près de trois ans, le Qatar est devenu plus autosuffisant. Auparavant, il était très dépendant sur le plan des denrées alimentaires. Aujourd’hui, des vaches ont été importées par avion et des légumes sont cultivés – dans des serres réfrigérées. Tout autre pays se serait probablement effondré – mais ici, l’argent est disponible. Il s’agit toutefois un sujet épineux dont il ne faut pas trop parler au Qatar.

À Doha, depuis plus de six mois déjà, l’excitation est palpable en vue du tournoi de football. Des drapeaux sont accrochés partout, des affiches de football surdimensionnées ont été fixées sur les façades des gratte-ciel et le compte à rebours est affiché de partout. Beaucoup se réjouissent de la Coupe du monde de football.

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Mais celle-ci aura également un impact immense sur la vie quotidienne. Les écoles seront fermées pendant quatre semaines, 80% du personnel devra télétravailler et de nombreuses routes seront fermées à partir de 11 heures. Les voyages d’affaires seront presque impossibles pendant le tournoi, les hôtels sont complets. Je sais que certains expatriés quittent le pays pour échapper à ce tumulte. Il y a certainement beaucoup de gens qui parlent négativement du tournoi. Moi je préfère éviter.

Le Qatar est un tout petit pays qui, ces dernières années, a réussi à se faire une place parmi ses grands voisins. Avec la Formule 1 et d’autres événements sportifs, l’émirat prépare également son avenir post-pétrole et post-gaz. Le Qatar veut ainsi se construire une image positive dans le monde et devenir une nation moderne – c’est mon interprétation. Je ne veux pas brosser un portrait trop idyllique, il y a toujours, comme partout ailleurs, un potentiel d’amélioration. Mais la Coupe du monde a rendu plus équitables les conditions de vie dans le pays et beaucoup de choses ont changé de manière positive.

Nous assisterons à tous les matchs de groupe de la Suisse. Nous avons eu beaucoup de chance avec l’obtention des billets – sans doute aussi parce que les matches de l’équipe nationale suisse n’étaient pas très demandés. Ma femme est britannique, mais mon cœur battra clairement pour la Suisse lors de cette Coupe du monde.»

Depuis l’attribution de la Coupe du monde, le Qatar est confronté à de vives critiques. Certes, les conditions des travailleurs migrants se sont améliorées depuis la décision de la Fédération internationale de football (FIFA) d’organiser l’événement. Mais les critiques ne s’arrêtent pas là.

Un mois avant le coup d’envoi de la Coupe du monde de football, Amnesty International a publié un nouveau rapportLien externe (en allemand) dans lequel l’ONG exige des améliorations drastiques de la part du Qatar et de la FIFA avant même le début de la Coupe du monde. Selon Amnesty International, les abus sont loin d’être corrigés: lois homophobes, restrictions de la liberté de la presse et lacunes dans le droit du travail.

Le pays du Golfe persique compte près de 2,9 millions d’habitants, dont seulement 15% sont des Qataris. La majorité de la population est constituée de travailleurs immigrés qui n’ont pas la nationalité qatarie. Le pays a l’un des taux d’étrangers les plus élevés au monde.

Traduit de l’allemand par Emilie Ridard

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