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«Raclette» est un plat, pas un fromage

Même fabriqué en France, un fromage à racler peut se nommer "raclette". Keystone

Le mot raclette désigne un plat et non pas un fromage. Ainsi en a décidé le Tribunal fédéral. Les Valaisans ne peuvent donc pas interdire aux autres de nommer leur fromage «raclette».

Déboutée, la Fédération laitière valaisanne (FLV) se dit déçue de ce jugement de la Haute Cour, qu’elle considère comme «un autogoal, non seulement pour le Valais, mais pour la Suisse».

Le conflit opposant la FLV aux producteurs de fromage du reste de la Suisse s’est envenimé le 9 novembre 2001, lorsque l’Office fédéral de l’agriculture (OFAG) a accepté de faire figurer le terme de «Raclette» au registre des appellations d’origine contrôlée (AOC).

Les fromagers valaisans se voyaient ainsi attribuer l’utilisation exclusive du terme pour leur fromage à pâte mi-dure. La Commission de recours du ministère de l’économie avait alors été saisie par de nombreux producteurs de fromages, des communes et des cantons, ainsi que par l’organisation Raclette Suisse.

Dans une décision étayée sur 80 pages, la Commission avait fini par donner tort à l’OFAG. Pour elle, le seul terme de «raclette» ne pouvait être protégé, contrairement à l’appellation «Raclette du Valais».

La FLV avait alors recouru au Tribunal fédéral (TF) et plaidé que si on ne protégeait pas le mot raclette, n’importe quel fabricant étranger aurait pu inonder le marché avec du raclette à bas prix.

A la demande de la FLV, le TF a retardé l’examen du cas afin de permettre aux parties une ultime négociation jusqu’à fin janvier 2007. Mais les discussions ont échoué.

Règles claires

Dans son arrêt daté du 15 octobre, le TF confirme la décision de la Commission de recours.

Pour la Haute Cour, les conditions requises pour l’inscription du «Raclette» dans le registre des AOC ne sont pas remplies, notamment parce qu’elle ne désigne pas le nom d’une région ou d’un lieu géographique spécifique.

En conséquence, elle ne pourrait figurer que comme IGP (indication géographique protégée) relative à un produit connu de longue date. Or, le terme de «Raclette» n’est utilisé que depuis peu pour désigner le fromage, valaisan ou non, servant à la préparation du met homonyme.

Le TF relève ainsi les failles de l’argumentation des Valaisans. Le terme «raclette», dont l’étymologie française n’est pas contestée, ne s’est imposé dans le langage que dans la deuxième partie du XIXe siècle avec une première attestation écrite en 1874.

«Jusqu’à très récemment, écrivent les juges du TF, il n’a été utilisé que par référence au mets». Ce n’est qu’au début ou vers la fin des années 70 que le terme est parfois utilisé, tantôt au masculin, tantôt au féminin, pour désigner le fromage servant à sa préparation.

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Tribunal fédéral

Ce contenu a été publié sur Le Tribunal fédéral, dont le siège est à Lausanne, a été créé en 1848, lorsque la Suisse est devenue un Etat fédéral. Les compétences de la Cour suprême suisse ont été considérablement étendues lors de la révision constitutionnelle de 1874. Le Tribunal fédéral est essentiellement une autorité de recours chargée de surveiller l’application du droit…

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«Autogoal pour la Suisse»

Condamnée à verser quelque 25’000 francs suisses à titre d’émoluments et d’indemnités diverses (notamment aux producteurs concurrents), la FLV a déploré ce jugement. Selon elle, il est dommageable «non seulement pour le Valais, mais également pour la Suisse».

Dans une prise de position publiée mardi, elle y voit un «autogoal» et une «grande perte» pour le pays, car ce sont avant tout les fabricants étrangers de fromage industriel qui se réjouissent de vendre du raclette.

Malgré cela, les Valaisans relèvent que l’inscription définitive comme AOC du «Raclette du Valais» est un succès. Ils invitent les consommateurs à choisir ce fromage fabriqué à partir de lait crû dans des fromageries de village et d’alpage.

L’association Raclette Suisse, quant à elle, ne partage pas les craintes de la FLV. Selon son responsable Markus Tschumi, la Suisse ne sera pas envahie de fromage à raclette étranger. La France par exemple en produit depuis des décennies et en vend aussi en Suisse.

Pour Markus Tschumi la décision du TF a le mérite de clarifier la situation. Le terme raclette peut être utilisé par tous les producteurs suisses. Raclette Suisse comptait sur un jugement dans ce sesn.

swissinfo et les agences

Le marché du fromage est totalement libéralisé depuis le 1er juin 2007 entre la Suisse et l’Union européenne.

Pour favoriser la reconnaissance et la protection des produits agricoles suisses, la Suisse a introduit ces dernières années des AOC et IGP.

L’Appellation d’origine contrôlée (AOC) garantit que toute la production se fait dans une même région géographique avec des matières premières de cette région, comme le Gruyère.

L’Indication géographique protégée (IGP) atteste qu’au moins une étape de production se fait dans une région géographique définie. La matière première peut provenir de l’étranger, comme pour la viande des Grisons.

La Suisse compte 21 spécialités AOC ou IGP. Elles sont protégées dans le pays mais leur reconnaissance au niveau européen est faible.

Les Suisses consomment en moyenne 14’000 tonnes de fromage à raclette par année.
1500 tonnes viennent de l’étranger, 2000 tonnes du Valais, et le reste d’autres régions du pays.

Traditionnellement, la raclette se prépare à partir d’une demi-meule de fromage à pâte mi-dure, que l’on pose sur une pierre devant un feu de bois. Lorsque la surface du fromage commence à fondre, on racle la couche supérieure dans l’assiette avec une spatule en bois.

Aujourd’hui toutefois, la raclette se prépare aussi souvent dans un four électrique.

Le fromage s’accompagne de pommes de terre cuites à l’eau et de cornichons et d’oignons au vinaigre. On trouve aussi des fromages au poivre, à l’ail ou au paprika, ou encore à base de lait de chèvre.

Comme le fondue, la raclette n’est plus exclusivement un plat d’automne et d’hiver. On peut en manger toute l’année, ce que ne se privent pas de faire les touristes qui visitent la Suisse.

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