A Strasbourg, les écologistes divisés face à l’union avec LFI

(Keystone-ATS) « Erreur politique » de refuser l’union? Ou risque de s’allier avec un parti « dogmatique »? A Strasbourg, ville verte, un possible accord avec la France insoumise (LFI) aux législatives divise militants et électeurs.
Le parti de gauche radicale, dont le leader Jean-Luc Mélenchon est arrivé troisième (21,95%) le 10 avril, les écologistes d’EELV et les communistes ont entamé des négociations pour faire front commun aux législatives. Mais les pourparlers se sont tendus cette semaine, notamment autour des questions européennes.
Sans refuser l’alliance, le candidat écologiste à la présidentielle Yannick Jadot refuse également de se ranger derrière l’Insoumis. A Strasbourg, capitale européenne gérée depuis deux ans par la Verte Jeanne Barseghian, il était arrivé quatrième du premier tour, plafonnant à 6,41% des voix (4,63% au niveau national), quand M. Mélenchon en a rassemblé 35%.
« Le verdissement tardif de Mélenchon », en fin de campagne, « a dû agir pour fusionner les deux sensibilités, sociales et écologiques », présentes de longue date à Strasbourg, analyse le politologue strasbourgeois Richard Kleinschmager. Le candidat LFI a aussi cartonné dans d’autres villes écologistes, comme Bordeaux, Lyon ou Grenoble.
– « Erreur politique » –
Militant EELV dans la métropole alsacienne, Bruno Dalpra relativise le score décevant du candidat vert: « Dans une région (l’Alsace) globalement tournée à droite, Strasbourg est restée à gauche ». Cet habitué des luttes sociales et écologiques dit nourrir « un grand espoir » que son parti fasse alliance avec LFI.
A ses yeux, « ça serait une erreur politique de ne pas arriver à trouver une entente et un accord pour les législatives ». Le quadragénaire plaide pour « une alliance la plus large possible » afin d’avoir « un maximum de députés et la majorité à l’Assemblée ».
Lors de la primaire écologiste qui avait désigné Yannick Jadot, il avait préféré soutenir le maire de Grenoble Eric Piolle, chantre d’un « arc humaniste » rassemblant les forces de gauche et qui a prôné l’union derrière Jean-Luc Mélenchon aux législatives.
Mais attention: l’union oui, mais pas à n’importe quel prix. « Chacun doit trouver sa place », insiste M. Dalpra. Premier parti de gauche, LFI « a une grande responsabilité », celle « de faire de la place sans humilier » ses partenaires.
– « Losers qui font 3% » –
Electeur de Yannick Jadot, Olivier Laurent, voit en revanche d’un oeil sceptique une possible union avec une formation dont il doute de la capacité de « compromis ». Pour ce fonctionnaire de 49 ans, les questions européennes et internationales constituent les « principaux clivages » entre les deux formations.
« Je ne sais pas si LFI pourra par exemple faire des compromis » sur les questions liées à l’Europe, s’interroge le Strasbourgeois. Selon lui, « l’effet vote utile » en faveur de Mélenchon « ne permet pas » de « mesurer le niveau d’adhésion (…) au programme et surtout à la personne » du leader Insoumis – tout comme « le vote Macron au second tour ».
Selon lui, une alliance avec les Insoumis risquerait de faire fuir « une partie de l’électorat » EELV, « moins attiré par le dogmatisme », « la virulence » ou la « logique de parti antisystème » de LFI.
Votera-t-il aux législatives pour cette union de la gauche si elle se concrétisait? « Avec un programme de gouvernement bien défini et clair, pourquoi pas? Mais avec des garanties sur les libertés fondamentales et les acquis européens », prévient le quadragénaire.
S’allier à LFI, « c’est l’espoir de quelque chose qui peut se faire à gauche », s’enthousiasme Luna Bossuet, 22 ans, militante aux Jeunes écologistes. Pour elle, les bons scores de M. Mélenchon n’ont rien d’étonnant, beaucoup d’électeurs ayant opté « en dernière minute » pour l’Insoumis. Même « certains militants ‘jeunes écolos' », dont la plupart sont plutôt favorables à l’alliance avec LFI, glisse-t-elle.
M. Jadot « n’a pas réussi à rassembler », analyse l’étudiante en philosophie qui, sans complètement apprécier la « personnalité » du leader Insoumis, dit ne pas comprendre « pourquoi on bloquerait une union qui ferait peut-être avancer les choses ».
« A un moment donné, il faut accepter un changement », tance Luna, lassée des querelles d’appareils, d’états-majors et « d’égos ». « On en a marre de voter pour des ‘losers’ qui font 3%, c’est déprimant… »