Aujourd’hui en Suisse
Suisses du monde, bonjour,
Les privilèges dont bénéficient les conseillers fédéraux continuent à agacer. Après les abonnements de ski payés par le contribuable et les hausses de salaire, ce sont les rentes de veufs ou de veuves qui fâchent. Le Conseil fédéral veut supprimer les rentes à vie touchées par les veuves, mais ne compte pas s’appliquer les mêmes règles. À moins que le Parlement n’en décide autrement…
Dans cette sélection, nous parlerons aussi de la réputation des Helvètes en matière de respect du climat et de la triste histoire des adoptions illégales d’enfants sri lankais en Suisse.
Excellente lecture et bon week-end,
Le sort du loup continue à captiver l’attention médiatique en Suisse. Le projet d’abattage préventif du canidé élaboré par le Conseil fédéral a certes été partiellement suspendu par la justice, mais l’approche de la Confédération pourrait être reprise par l’Union européenne.
Pour lutter contre la propagation rapide du prédateur et les attaques contre le bétail, le gouvernement suisse a autorisé en novembre l’abattage préventif de jusqu’à 70% de la population de loups. La décision a fait polémique, et les milieux de protection de la nature se sont tournés vers la justice, parvenant à obtenir le gel partiel de certains abattages.
Il ne faut cependant pas perdre de vue le caractère transfrontalier du problème. Les effectifs de loups en Suisse (environ 300 spécimens l’an dernier) sont bas comparés au total européen. Après un recul au milieu du 20e siècle, plus de 20’000 loups vivent aujourd’hui dans l’Union européenne, selon la Commission européenne.
Le passage de Berne à une approche proactive et préventive pourrait pourtant préfigurer ce qui va se passer ailleurs en Europe. Juste avant Noël, la Commission européenne a proposé de réviser le statut du loup de «strictement protégé» à «protégé». Comme en Suisse, cette décision assouplirait les conditions selon lesquelles le prédateur peut être chassé.
- Lire l’article de mon collègue Domhnall O’Sullivan
- Quel serait le nombre idéal de loups en Suisse? – swissinfo.ch
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Les rentes à vie que perçoivent les veuves vont bientôt être supprimées. Il n’en va toutefois pas de même pour les partenaires des membres du gouvernement suisse, a révélé jeudi le journal alémanique Tages-Anzeiger.
Si le Conseil fédéral veut supprimer les rentes à vie pour les femmes, c’est pour mettre fin à une inégalité de traitement. En effet, une femme qui perd son mari bénéficie d’une rente jusqu’à la fin de ses jours, alors qu’un homme qui perd sa femme arrête de toucher de l’aide dès que tous ses enfants sont majeurs. La suppression de cette rente pour toutes les personnes qui n’ont pas d’enfants à charge permettra en outre de générer 720 millions de francs d’économies pour l’Assurance vieillesse et survivants (AVS).
Les rentes versées aux partenaires des ministres décédés ne sont pas régies par l’AVS, mais par l’ordonnance sur les traitements et la prévoyance professionnelle des magistrats. Lorsque l’une de ces personnes décède, même si elle n’est plus en exercice, son ou sa partenaire reçoit une rente de survivant de plus de 140’000 francs par an. Comme il n’y a pas d’inégalité de traitement, la Chancellerie fédérale estime que le système ne doit pas être changé.
Le Parlement, qui est compétent pour changer ces règles, pourrait toutefois vouloir serrer la vis, car d’autres privilèges du gouvernement ont été critiqués ces dernières semaines. En décembre, les médias ont notamment révélé que la Confédération payait aux conseillers fédéraux un abonnement général de ski à plus de 4000 francs. En adaptant les salaires de l’administration au renchérissement, les ministres se sont aussi octroyé une hausse de salaire de 1%, gagnant désormais plus de 470’000 francs par an.
Une étude illustre le décalage entre ce que l’on dit et ce que l’on fait réellement. Si les Suisses ont l’impression d’être particulièrement respectueux du climat, leur perception est faussée, révèle une enquête de Sotomo, publiée jeudi par la Radio Télévision alémanique SRF.
Plus de la moitié des Suisses (56%) pense que son mode de vie est plus respectueux du climat que celui de la population suisse dans son ensemble, selon le sondage. Seuls 10% pensent avoir un impact négatif sur le climat. Les jeunes adultes – de 18 à 35 ans – représentent le groupe d’âge qui a la plus grande empreinte écologique. Ils émettent chaque année plus de 11 tonnes de CO2 par personne, dépassant la moyenne qui se situe à 10,5 tonnes.
«Les jeunes consomment plus en moyenne, mais surtout prennent davantage l’avion. Le fait de prendre l’avion a tout simplement un impact tel sur l’empreinte climatique individuelle que tous les autres domaines, comme le fait de vivre dans un appartement plus petit ou de manger moins de viande, n’ont plus aucune influence sur le résultat», a expliqué à la RTS Gordon Buehler, qui a analysé les données de l’enquête.
C’est toutefois pour les hauts revenus (plus de 16’000 francs par mois) que l’écart entre l’auto-évaluation et le comportement réel est particulièrement important. Seul un quart d’entre eux déclarent émettre plus de CO2 que le reste de la population. La réalité est différente: 79% des personnes aux revenus les plus élevés émettent plus de CO₂ que la moyenne.
- Le sujetLien externe de RTS sur l’enquête
- «Les Suisses ne sont pas prêts à changer radicalement leur quotidien pour le climat» – notre débat Let’s Talk sur le réchauffement climatique
- La COP28 brasse-t-elle plus d’air qu’une éolienne? – swissinfo.ch
La doctorante Surangika Jayarathne revisite une page sombre de l’histoire récente de la Confédération. Elle a étudié les conséquences des centaines d’adoptions illégales d’enfants sri lankais en Suisse entre les années 1970 et 1990.
«Aujourd’hui encore, de nombreuses personnes adoptées ont du mal à nouer des amitiés ou des relations amoureuses», constate Surangika Jayarathne. Pour son étude, elle a pu interviewer douze personnes d’origine sri lankaise qui ont été adoptées en Suisse lorsqu’elles étaient enfants. Ces entretiens ont révélé beaucoup de souffrance.
Les familles adoptives ont caché à ces enfants les conditions de leur adoption, en leur disant qu’ils venaient de familles défavorisées, qui ne pouvaient pas s’occuper d’eux. La réalité est différente: des nouveau-nés ont été volés dans des hôpitaux ou des homes, des mamans étaient forcées à se séparer de leur enfant, des «fermes à bébés» où les femmes étaient contraintes à enfanter pour autrui ont été créées.
«Beaucoup d’enfants étaient très reconnaissants envers leurs parents adoptifs blancs et se considéraient comme ‘sauvés’», explique l’auteure de l’étude. Certaines personnes ont ainsi subi un traumatisme lorsqu’elles ont appris qu’elles avaient été adoptées illégalement. «Beaucoup suivent aujourd’hui une thérapie», relève Surangika Jayarathne.
- Lire l’article de ma collègue Janine Gloor
- «Mes parents m’ont aimée comme leur propre enfant» – swissinfo.ch
- Les «regrets» du Conseil fédéral sur les adoptions illégales au Sri LankaLien externe – RTS
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