Aujourd’hui en Suisse
Chères lectrices, chers lecteurs,
Retour aujourd’hui sur les résultats de ce dimanche de votations qui risquent de nous occuper encore pour un certain temps.
Comme durant la campagne, c’est l’initiative populaire pour une 13e rente AVS qui fait couler le plus d’encre dans la presse du pays. Et au-delà du caractère historique de son acceptation, c’est la question de son financement qui est sur toutes les lèvres.
Bonne lecture,
Au lendemain des votations du 3 mars, la presse helvétique s’accorde à qualifier d’historique la victoire des syndicats et de la gauche avec leur initiative pour une 13e rente AVS, largement acceptée par le peuple suisse.
Plusieurs titres critiquent l’attitude du Parlement et du gouvernement, «qui n’ont pas su se départir de leur dogmatisme pour proposer des contre-projets», martèle Le Temps. Pour une bonne partie des journaux suisses, c’est cette inaction face à la baisse du pouvoir d’achat des personnes retraitées qui explique le succès de ce texte.
«Jamais le peuple n’avait accepté une initiative sur l’AVS, jamais la gauche n’avait réussi à obtenir une majorité dans les urnes avec une extension de l’État social, et jamais elle n’avait convaincu autant d’électeurs bourgeois», souligne le Tages-Anzeiger. De son côté, le Blick romand nuance le tableau et estime que cette «victoire politique» n’est pas une solution au problème de la pauvreté qui touche tous les âges.
Au bord du lac de Zurich, la NZZ s’inquiète du financement de l’initiative, une question cruciale que le texte soumis au peuple ne tranche pas. Selon le quotidien, qui souhaite conserver «un peu d’équité entre les générations», une hausse de l’âge de la retraite à 66 ans permettrait de couvrir une moitié des coûts supplémentaires. Sur les rives du Léman, le média économique l’Agefi déplore que les Suisses «renient le libéralisme et le sens des responsabilités» qui ont fait leur force.
- Lire la revue de presseLien externe de la RTS
- Lire notre analyse du résultat des votations
- Lire notre interview du politologue Urs Bieri
- Voir les réactions des opposants et partisans d’une 13e rente dans leur «stamm» à Berne
Ce n’est pas toujours le cas, mais dimanche, les Suisses de l’étranger et leurs compatriotes au pays ont globalement voté de la même façon.
Les deux groupes ont accepté l’initiative pour une 13e rente AVS et balayé celle proposant un relèvement de l’âge de la retraite à 66 ans. Dans les 12 cantons pour lesquels les chiffres sont connus, l’acceptation du premier objet a été plus marquée du côté de la Cinquième Suisse (65,3% de oui contre 58,2% à domicile).
Un résultat qui démontre un «énorme» soutien de la part des Suisses de l’étranger, explique la politologue Martina Mousson, qui rappelle qu’en général les initiatives sont plutôt rejetées ou alors acceptées de justesse. Selon elle, cet engagement pourrait être dû au fait que les personnes retraitées ou proches de la retraite constituent une part importante de la diaspora helvétique. En 2022, environ 30% de cet électorat avait plus de 65 ans.
Concernant le deuxième objet, la hausse de l’âge de la retraite, la Cinquième Suisse a montré plus de réserve dans son rejet. 65,8% des Suisses de l’étranger ont refusé l’initiative des Jeunes PLR contre 74,7% de la population suisse.
Une différence qui s’explique probablement par le fait que la mesure n’aurait pas concerné directement la diaspora. «Par ailleurs, le relèvement de l’âge de la retraite est déjà une réalité ou fait l’objet de discussions dans de nombreux pays», relève Martina Mousson. «On peut supposer que soutenir le travail jusqu’à 66 ans était pour certains la solution du financement de la 13e rente AVS», avance Ariane Rustichelli, directrice de l’Organisation des Suisses de l’étranger (OSE).
Alors comment les Suisses de l’étranger ont-ils réagi aux résultats de dimanche? Ma collègue Emilie Ridard leur a posé la question.
«Au comble du bonheur», «Parfait», «Bravo!», «C’est gagné!» L’heure était à la fête pour de nombreux Suisses de l’étranger qui, on le rappelle, ont accepté à 65,3% l’octroi d’une 13e rente AVS. «Tout augmente. Il n’est pas juste que des personnes qui ont participé à l’essor économique de leur pays doivent se faire du souci pour leur avenir financier», résume un internaute.
Mais si certaines personnes se réjouissent de voir une Suisse «unie» et «sociale», d’autres considèrent l’issue du vote comme égoïste envers les jeunes générations. Les gens ayant voté oui «demandent le beurre et l’argent du beurre, soit le 13e mois non compensé par l’allongement de l’âge de la retraite», estime un autre internaute.
Enfin, la campagne, qui s’était notamment attaquée aux retraités de la Cinquième Suisse, a laissé un goût amer dans la bouche de certains de ses membres. «L’UDC a tenté de nier les besoins financiers des Suisse à l’étranger. Elle oublie que les Suisses qui s’exilent le font très souvent parce que le montant de leurs rentes ne leur permettrait pas de survivre en Suisse», déclare un troisième internaute.
L’un des grands enjeux de l’acceptation par la population d’une 13e rente de retraite est son financement. Car elle coûtera 4,1 milliards supplémentaires par an dès 2026.
Pour l’instant, aucune décision sur le financement n’a été prise, mais trois solutions sont sur la table. Une augmentation des cotisations prélevées sur les salaires (chez les employés et employeurs), une hausse de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), et un financement supplémentaire de la Confédération.
Mais cette dernière a récemment annoncé des mesures d’économies généralisées. «Les finances fédérales sont dans un mauvais état déjà maintenant», s’inquiète au micro de la matinale RTS la directrice d’economiesuisse, Monika Rühl. Selon elle, l’aspect financier a «peut-être été un peu oublié lors de la décision d’hier».
Les représentants des entreprises, qui s’étaient largement opposés au texte, ont fait part dès lundi de leur inquiétude. «Les entreprises suisses vont contribuer pour trouver une solution. Mais elles ne veulent pas être pénalisées», a affirmé la cheffe de la plus grande faîtière des entreprises suisses.
En conférence de presse dimanche, la conseillère fédérale en charge du dossier de l’AVS, Elisabeth Baume-Schneider, n’a pas précisé où exactement l’argent sera trouvé. Mais elle a déclaré que le gouvernement prendrait une décision cette année encore. Ce sera alors au tour du Parlement de se prononcer sur la question.
- Écouter l’interviewLien externe de la directrice d’economiesuisse par la RTS
- Lire l’article du BlickLien externe sur la question du financement
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