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Kyo joue les métallos

Juste un peu en-dessous de la "kyosphère". Keystone

Trop dur, trop carré: la musique de Kyo aurait mérité un traitement plus en nuances dimanche en clôture du Paléo. Qu’importe: les fans ont adoré.

Ce groupe incontestablement talentueux doit encore apprendre à gérer la démesure s’il veut inscrire son nom quelque part après ceux de Téléphone et d’Indochine au panthéon du rock hexagonal.

Il y a deux ans, c’était R.E.M. et Kyo enflammait le chapiteau. Désormais, les quatre Français (cinq en l’occurrence pour la tournée) sont montés en grade. C’est à eux d’offrir le second feu d’artifice de clôture sur la grande scène du Paléo, après celui tiré dans les airs.

A quelques heures d’entrer en scène, les petits gars sont tout de même un peu tendus. C’est que malgré les plus de deux millions d’albums vendus, les tournées triomphales, les Awards et autres Victoires de la Musique, le groupe n’a peut-être jamais joué devant plus de 30’000 personnes.

«On sent quand même une pression, avoue Benoît Poher, le chanteur. On va aller faire de la gymnastique – parce qu’on ne fait pas de sport autrement – et essayer de ne pas trop y penser. Et de toute façon, le public suisse est clairement un des plus enthousiastes que nous ayons rencontré».

Guitar band

Est-ce une raison pour confondre énergie et rouleau compresseur? Dès les premiers accords, Kyo affiche la couleur: celle d’un pur guitar band, chauffé à blanc et sans fioritures. Ça mouline sec – parfois à trois – et l’avalanche de décibels emporte tout sur son passage. Y compris les nuances.

Ces jeunes auteurs-compositeurs sont pourtant de fins mélodistes, comme l’a confirmé leur troisième album, déjà porteur de nombreux signes de maturité. Mais ici, même les plus beaux titres de ce «300 lésions» – qui forment le gros du répertoire – paraissent noyés sous un déluge de métal.

Pas d’émeute dans le public pour autant. A part les filles en fleur des premiers rangs, toujours prêtes à se pâmer devant les mèches collées de Benoît ou la belle gueule de Florian, la foule reste un peu figée, comme interloquée.

Elle n’entre vraiment dans le jeu qu’avec cette poignante «Dernière Danse», un des rescapés de la tournée précédente, qui avait également ravi le Bex Rock. «Le Chemin»? Fini, il ne le font plus… et plus d’un l’aura regretté. Ils y reviendront un jour, certainement. Car même mille fois entendue, cette chanson reste un hymne. Et Kyo est encore si jeune…

Punk Crooner


A la sortie, certains s’interrogent: le groupe méritait-il vraiment les honneurs du concert de clôture? N’aurait-on pas dû lui préférer le flamboyant Lenny Kravitz, l’envoûtant Faithless, voire le bondissant Jamiroquai?

Ou alors l’impeccable Jamie Cullum… Ceux qui l’ont vu peu avant sur la grande scène ne l’oublieront pas de sitôt. Magnifique pianiste de jazz, crooner à la tignasse rebelle et aux allures de punk, à 23 ans, ce jeune prodige gallois a déjà la voix de Sinatra, la pêche de Robbie Williams et l’humour déjanté des Monthy Python.

Apparemment étonné de se trouver là après avoir fait s’amuser des croisières et swinguer des pubs londoniens (la meilleure école), le bonhomme n’a pas fait long à mettre le public dans sa poche, accompagné juste d’une contrebasse, d’une batterie et d’une guitare.

Jazz, funk, blues, rap, bossa: ses compositions sont éclectiques à souhait, comme ses reprises, qui vont de Jimi Hendrix à Gene Kelly. A n’en pas douter, la maison de disques Verve a eu fin nez en allant dénicher cette perle. Rare et encore si jeune…

Sweet ladies

Beaucoup plus tôt, c’est une Neuchâteloise, de 23 ans également, qui ouvrait les feux de cette dernière journée sous le club tent. Lole – Olivia Pedroli à la ville – a délaissé le violon classique pour la guitare folk (un peu rock aussi) et ça lui réussit bien.

Avec ses mélodies délicates, son groupe très solide et son plaisir évident d’être là, elle récolte bien plus qu’un succès d’estime. Mais pourquoi s’obstine-t-elle à chanter en anglais? Ses textes mériteraient d’être mieux compris.

Autre «belle des champs», la Canadienne Leslie Feist (c’est elle qui veut qu’on l’appelle par son nom) enchante le chapiteau un peu plus tard.

Elle commence seule avec sa voix et sa guitare dont elle tire juste des riffs, très syncopés. Puis la batterie et les claviers s’invitent sur scène et la musique prend de l’ampleur. Une musique follement entraînante, entre jazz, blues et soul, avec en prime, une reprise des Bee Gees, livrée une première fois en version… folk.

Le chant est tantôt acide et tantôt velouté comme pouvait l’être celui d’une certaine Sade. La froideur en moins. Car Feist est à cent lieues de la diva inaccessible. Charmante, charmeuse, la demoiselle qui se dessine des flèches sur les bras séduit par son talent, sa fraîcheur et son français si délicieusement approximatif.

Final rush

Sur le coup de 18 heures, le Paléo s’offre un temps d’envolée lyrique, avec les extraits de Nabucco de Verdi, magnifiquement servis par les chœurs, les solistes et l’orchestre du Festival d’Opéra d’Avenches.

Et tandis que le public communie – comme chaque année – avec la musique classique, on est soudain pris d’une sorte de frénésie. Et s’il était possible, au moins pour ces dernières heures, de tout voir… même en pointillé?

Avec les Moines du Tibet sous le dôme, il y a assurément à voir. Des créatures mythiques aux masques fantastiques se démènent au son des cors qui vagissent comme des cornes de brume, des cymbales et des tambours. Musique sacrée, entêtante et, il faut bien le dire, passablement hermétique.

Avec Shinichi Kinoshita, on est déjà en terrain plus accessible. Ce virtuose japonais frappe son luth à trois cordes avec une sorte de médiator gros comme une spatule de plâtrier et en tire une musique rythmée en diable. Accompagné d’une choriste-flûtiste délicate comme le lotus et d’un percussionniste qui martèle furieusement une sorte de batterie de tam-tams sans cymbales, le maître a la pêche. Et presque l’attitude d’un rocker.

Réjouissant constat: le monde, par bien des aspects, est effectivement un village.

Sous le club tent, il fait encore trop chaud pour supporter longtemps la fougue des Peacocks, trio alémanique au croisement du punk et du ska, qui cogne fort, vite et juste sur sa contrebasse, sa guitare et sa batterie.

Une rasade de Pink Martini pour se rafraîchir? Hélas, pas moyen. Le chapiteau déborde tellement de toutes parts que l’on ne peut que capter au vol quelques accents de cette vivifiante fusion jazz-latino. «Je ne veux pas travailler»? Pas entendu, pas le temps. Ouf !

Epilogue


Il est trois heures du matin sur la grande place du camping, encore bien animée. Sous le chapiteau de la scène FMR, DJ Amina, bien connue des auditeurs de Couleur 3, mixe les saveurs du Maghreb, de l’Afrique et du monde. Et toutes les tribus dansent. Sans distinctions.

Cette 30e édition du Paléo que Daniel Rossellat vient de qualifier de «plus belle de toutes» a vécu. Dans le vaste espace boisé et si joliment éclairé qui constitue les coulisses du Festival, trois groupies éméchées, dans la trentaine, déambulent au bord du ruisseau en hurlant «qui a vu Kyoooo?!»

Euh…. Sais pas moi. Doivent être couchés. Et puis, on ne peut pas tout voir…

swissinfo, Marc-André Miserez au Paléo

– Paroles de Kyo:

– Le succès: ça ne nous empêche pas de faire autant la fête qu’avant. Mais maintenant, si on a envie d’un McDo, on ira plutôt le prendre au drive. De toute façon, les gens nous reconnaissent dans la rue, alors autant continuer à vendre des disques, sinon, ils se foutront de notre gueule. Et on a bien l’intention de durer.

– Les filles qui lancent leur string sur la scène: de moins en moins, maintenant, c’est plutôt des gaines, notre public vieillit. Et puis, on nous a volé notre collection. On soupçonne fortement un ancien chauffeur, qu’on n’a plus revu depuis.

– Une invitation à la Star Ac’: bon, on sait que la promo fait partie de notre boulot. Mais chanter en duo dans un «prime» du samedi soir, ce n’est pas notre truc, les styles sont trop différents. Donc, jusqu’ici, on refuse.

– Les projets: continuer à écrire des chansons, développer notre musique et soigner davantage l’aspect visuel de nos spectacles, avec un enrichissement des images vidéo sur les écrans. Et peut-être le cinéma, Benoît a un scénario de long métrage.

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