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La Suisse, laboratoire des robots de demain

Des drones qui volent et qui se posent comme des oiseaux

Aile de drone
Avec ses plumes rouges et ses ailes à géométrie variable, le drone-faucon essaie d’approcher l’agilité en vol des oiseaux. EPFL/Alain Herzog

Un drone-hélicoptère, c’est agile et maniable, mais un drone-oiseau pourrait voler bien plus longtemps, et même se poser sur un fil pour recharger sa batterie. Au Laboratory of Intelligent Systems (LIS) de l’EPFL, on s’inspire de la nature depuis plus de 15 ans.

«S’inspirer de la nature, ce n’est pas forcément faire des machines qui lui ressemblent. Les nôtres sont plutôt une transcription de la nature en machines – autant pour le corps que pour le cerveau», explique Dario Floreano, directeur du LISLien externe et du Centre de compétence national en recherche (NCCR) RobotiqueLien externe.

Des machines que l’on teste d’abord dans les sous-sols du labo. Un local haut comme une salle de gymnastique et vaste comme la moitié d’un terrain de basket, avec des filets souples formant une vaste cage et des capteurs contre les murs qui donnent à l’ensemble des airs de volière transposée dans un studio d’effets spéciaux hollywoodiens. Et dans un coin de la salle, une soufflerie à hélices multiples, qui permet de simuler à peu près toutes les conditions de vent que l’on trouverait dehors.

Au départ, les chercheurs ont commencé par s’inspirer des insectes. Afin de faire voler leurs micro-drones en essaims et de manière autonome, ils les ont munis d’yeux à facettes et d’un cerveau électronique, leur permettant d’éviter les obstacles sans qu’un pilote humain doive s’en mêler.

«Mais nous avons réalisé que même avec le meilleur système de vision, on avait des collisions», poursuit le professeur. En fait, les insectes et les oiseux aussi se heurtent parfois aux obstacles. Mais ces collisions ne les font pas tomber, car leurs corps sont capables d’absorber les chocs. Les exosquelettes des insectes sont souples, et leurs ailes aussi.

Dario Floreano
Dario Floreano aime les belles machines, et pas seulement robotiques, à l’image de sa Telecaster. NCCR Robotics

Fais comme l’oiseau…

Dario Floreano et ses équipes se sont alors concentrés sur les matériaux. Développer des matériaux souples est de toute façon un des grands chantiers de la robotique – et pas seulement pour les drones. Une main de métal par exemple, ne pourra jamais saisir un objet, ni interagir avec une personne avec autant de douceur et de précision qu’une main humaine, qui est à la fois rigide et souple.

À partir de 2018, au LIS, les oiseaux se sont ajoutés aux insectes comme source d’inspiration. Le drone-faucon, un des projets principaux du laboratoire, est fait de matériaux ultralégers et ses ailes peuvent modifier leur surface, se replier et s’incliner comme celles des oiseaux, car elles sont faites de plumes. Des plumes artificielles. «Utiliser des naturelles impliquerait de tuer des oiseaux, ce qui n’est pas acceptable», précise Dario Floreano. Mais l’oiseau-robot ne bat pas encore des ailes, il est mû par une petite hélice dans son nez.

«Une chose après l’autre», tempère le professeur. Il faut savoir en effet que les muscles qui permettent aux oiseaux de battre des ailes sont parmi les plus efficaces que l’on trouve dans la nature. Pour l’heure donc, l’hélice fournit plus de puissance. Mais grâce à la possibilité qu’il a de modifier la forme de ses ailes et de sa queue en vol, le drone-faucon est plus agile que les autres drones ailés et son autonomie est jusqu’à deux fois plus élevée que celle d’un drone-hélicoptère du même poids.

Le prochain défi sur lequel travaillent Dario Floreano et ses équipes, c’est le vol dans des conditions météo défavorables. «Certains oiseaux sont capables de rester en vol même par fort vent en adaptant la forme de leurs ailes pour ne pas être déstabilisés. Nos recherches actuelles visent à exploiter la morphologie adaptative de nos drones avec un système de contrôle intelligent pour voler dans des conditions ou aucun autre drone ne pourrait voler», explique le professeur.

Des serres de métal

Après le vol, une étape suivante est venue assez logiquement. Si le drone vole comme un oiseau, ne pourrait-il pas aussi marcher et se poser comme un oiseau? Le LIS a donc commencé à développer des serres robotiques, capables à la fois de se mettre à plat pour marcher au sol et de s’arrondir pour saisir des objets.

Et ce n’est pas tout. «Ces pinces lui permettront aussi de se poser sur une branche, et plus loin, nous envisageons de lui apprendre à se poser sur un fil électrique pour y recharger sa batterie», explique William Stewart, post-doctorant du LIS. Pour l’instant, lui et ses collègues se débattent encore avec ces serres artificielles passablement capricieuses, surtout lorsqu’il s’agit de faire sautiller l’oiseau au sol. Normal, on en est au stade de la recherche.

La recherche qui comporte aussi un important travail sur le software. «Avec l’hélice, les ailes et la queue qui peuvent s’orienter sur plusieurs plans et encore les serres, on imagine à quoi va ressembler la télécommande de nos drones. Nous devons donc développer des solutions d’intelligence artificielle pour simplifier tout ça», détaille Dario Floreano

Faucon en mission

>> Avec son fuselage noir effilé, sa queue et ses ailes aux plumes rouges, le faucon a fière allure, surtout en vol.

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Mais à quoi va-t-il servir? «Ses missions principales seront dans le domaine de l’agriculture et de la surveillance de l’environnement», répond Dario Floreano. «Puis viendra peut-être la livraison à longue distance. Encore une fois, une chose après l’autre. Pour l’instant, nos drones servent surtout à regarder».

Des drones qui sont depuis longtemps sortis du laboratoire. En 2009 déjà, le LIS avait créé SenseFlyLien externe, devenue un des leaders mondiaux des drones de reconnaissance et de cartographie. L’entreprise se trouve désormais dans le giron du groupe américain AgEagleLien externe, mais reste toujours basée dans le canton de Vaud.

Puis en 2014 est néé FlyabilityLien externe, devenue elle aussi leader, pour l’inspection de sites inaccessibles, avec ses drones qui se laissent facilement manier à l’intérieur d’une citerne, sous un pont ou dans une grotte, sans avoir besoin d’une licence de pilote.

>> Un drone de Flyability explore une crevasse sur le glacier de Zermatt

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