Des perspectives suisses en 10 langues

L’excellence de Nestlé s’enracine en Gruyère

nestle

Inauguration en grande pompe lundi à Broc dans le canton de Fribourg, non pas d'une usine en chocolat, mais de son nouveau Centre d'excellence du chocolat. Après Nespresso à Avenches (300 millions de francs), Nestlé continue d'investir massivement en Suisse.

En traversant la «verte Gruyère», en ce beau matin de septembre, la radio annonce: «Nestlé a ouvert sa 21e usine en Chine. D’un coût de 49,6 millions de francs, elle emploie 1500 personnes pour fabriquer 100’000 tonnes de bouillon».

Un joyau de plus sur la couronne de cette multinationale qui fait partie des 30 plus gros mastodontes industriels de la planète… et de l’identité collective de la Suisse.

Interrogé un peu plus tard par un journaliste, le grand patron de Nestlé, Paul Bulcke, répondra avec sa décontraction caractéristique que «c’est un bon timing» mais que cette info n’a rien à voir avec l’événement du jour: l’inauguration du «Chocolate Centre of Excellence» dans l’usine Cailler de Broc, la plus ancienne marque suisse de chocolat.

Dix-huit mois de travaux et 25 millions de francs pour transformer l’usine construite en 1898 par Alexandre-Louis Cailler, petit-fils de François-Louis Cailler, qui s’est lancé en 1819. Associé à Henri Nestlé, Daniel Peter (inventeur du chocolat au lait) et Charles Amédée Kohler, il fut l’inventeur du chocolat «made in Switzerland».

Broc, un lieu symbolique

Le choix de Broc n’est pas étranger à cette «success story» puisque cette région était déjà réputée pour la qualité de son lait et sa richesse en énergie hydroélectrique. Avec l’arrivée du chemin de fer, tous les ingrédients étaient réunis pour conquérir le monde.

Depuis lors, ce petit village a vécu sous l’aile de son usine, comme autrefois le petit peuple gruérien sous l’aile du comte du Château de Gruyère (dont Nestlé est aujourd’hui le sponsor…).

Et Paul Bulcke a surfé joyeusement sur ce créneau, lundi, en inaugurant le nouveau joujou de la multinationale, avant de rappeler que Nestlé, numéro un du chocolat noir, a inventé 200 nouvelles sortes de chocolat en 2008 et que, en général, celui-ci est bon pour l’âme (antidépresseur) et pour le corps (antioxydant) de l’être humain.

L’ADN de notre société

«Sur cette drôle de planète, le chocolat fait partie de l’ADN de notre société depuis 1819 et, quand Nestlé veut être numéro un, elle s’en donne les moyens. Broc est destiné à être le fer de lance du chocolat haut de gamme et de luxe, car il est indispensable d’offrir de la diversité», a lancé l’administrateur-délégué de Nestlé SA, devant un parterre d’invités et de journalistes conquis.

Produit de luxe? Avant le chocolat, le cacao fut, il est vrai, un produit de luxe dès l’époque pudiquement appelée «coloniale». Aujourd’hui, il fait partie de la vie quotidienne et Nestlé s’enorgueillit de son «partenariat avec les fermiers locaux» du Venezuela, d’Equateur et d’Afrique de l’Ouest.

Comme pour le café, Nestlé achète «la meilleure matière première et utilise les meilleures technologies», explique encore M. Bulcke. Et si le groupe est en tête de ce marché, c’est parce que, en trente ans, il a cherché constamment à maîtriser la chaîne de production de A à Z.

De la recherche et développement à l’emballage, en passant par la matière première. Une façon d’absorber les fluctuations parfois brutales de la matière de base – le cacao – dont les prix caracolent actuellement à des niveaux historiques très élevés.

Que de mots

Emotion, passion, créativité, innovation, technologie, saveurs, excellence, savoir-faire, expertise, recherche, qualité, talent, inspiration, échange, partage, plénitude, magie, émoi. Ces mots ont émaillé les discours prononcés par les diverses personnalités politiques et économiques invitées à cette inauguration très «classe».

Doris Leuthard, ministre de l’Economie, a saisi l’occasion de défendre le principe du cassis de Dijon avec l’UE et d’évoquer la fin des subventions à l’exportation pour 2013 prévues par l’Organisation mondiale du commerce, avant de souhaiter un «avenir tout en chocolat» au personnel du nouveau centre d’excellence.

Après les discours, la cérémonie du «casser de fève de chocolat» avec un marteau doré, l’ouverture de la porte (en chocolat) menant aux installations high tech, les invités se sont vus offrir un «buffet dinatoire» des plus raffinés, avec des mets aussi délicats et mystérieux que les dernières inventions chocolatières.

Etudier les comportements

De son côté, Petraea Heynike, directrice générale de Nestlé, a expliqué tout le travail d’analyse qui sera la tâche du centre en matière de comportement des sens, avec l’intervention de psychologues et de sociologues.

«Il y a des gens qui dégustent le chocolat lentement (surtout les femmes) et ceux qui le mangent plus vite. Nous procédons à des études de comportement pour comprendre comment le goût est perçu différemment par chacun selon sa façon de manger», explique-t-elle.

Il y a aussi les différences culturelles. «En Suisse, le chocolat est considéré comme une nourriture et on en donne aux enfants qui vont à l’école. Par contre, en Asie, c’est la notion de cadeau qui prévaut et l’emballage est très important. La manière de découvrir le produit joue un grand rôle dans le plaisir de le déguster.»

De même, le chocolat au lait reste le favori des Suisses comme des Anglo-Saxons, «mais les Italiens adorent le chocolat très noir et amer».

Les leçons du passé

Nestlé aura aussi tiré les leçons du passé en associant à son nouveau centre l’expertise d’artisans chocolatiers. Comme le Belge Pierre Marcolini qui a pignon sur rue à Bruxelles, à Paris au Japon, à Londres et à New York.

«Un grand groupe est un peu enfermé. Je peux l’aider à élargir son champ de créativité tout en gardant mon indépendance et, moi, j’ai accès à son expertise et c’est plus facile que de me trouver un partenaire.»

De même pour un autre élu de Nestlé, Tristan, artisan chocolatier vaudois. «Pour moi, cette collaboration est unique. Moi, je n’ai aucune machine et je fais tout à la main. Nestlé m’offre une technique très pointue et j’ai l’impression d’être à l’université du chocolat».

Isabelle Eichenberger, swissinfo.ch

Fondée en 1866 à Vevey, la compagnie fait partie de 30 plus grosses entreprises du monde et est active dans 130 pays et emploie quelque 280’000 personnes..

Elle fabrique environ 10’000 produits différents dans l’alimentation, les boissons, les produits pour animaux de compagnie, la nutrition et les produits pharmaceutiques.

Le chocolat représente 10% du chiffre d’affaires et, en 2008, les ventes ont atteint 10 milliards de francs. Les marques mondiales comme Kit Kat génèrent plus d’un milliard de francs te et les marques locales représentent 70% des activités de Nestlé dans le chocolat.

Nestlé est leader du marché du chocolat noir avec des marques haut de gamme telles que Nestlé Noir, Perugina et Cailler, ou pour ses chocolats de luxe Nespresso.

Sis à Broc (Fribourg), en pleine Gruyère, dans l’ancienne usine construite en 1898 par les inventeurs du chocolat au lait.

Dernier né du réseau de recherche et développement de Nestlé (qui comprend 28 centres et emploie 5’000 personnes dans le monde), il complète les centres chocolatiers d’Abidjan (Côte d’Ivoire), York (Grande-Bretagne) et Tours (France).

Il emploie 30 personnes: chocolatiers, analystes sensoriels, designers (Californian Art Center et Ecole cantonale d’art de Lausanne) en emballage et spécialistes de la consommation ainsi qu’un groupe d’artisans indépendants, comme le Belge Pierre Marcolini, le Japonais Takagisan et les Suisses Tristan Carbonatto et Roger von Rotz.

En conformité avec les normes du JTI

Plus: SWI swissinfo.ch certifiée par la Journalism Trust Initiative

Vous pouvez trouver un aperçu des conversations en cours avec nos journalistes ici. Rejoignez-nous !

Si vous souhaitez entamer une conversation sur un sujet abordé dans cet article ou si vous voulez signaler des erreurs factuelles, envoyez-nous un courriel à french@swissinfo.ch.

SWI swissinfo.ch - succursale de la Société suisse de radiodiffusion et télévision

SWI swissinfo.ch - succursale de la Société suisse de radiodiffusion et télévision