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Le milliardaire Prakash Hinduja et son fils poursuivis pour «traite des êtres humains»

Prakash Hinduja
Prakash Hinduja (à droite) figure régulièrement dans la liste des riches suisses publiée par le magazine Bilan. flickr creative commons/ABLF

Prakash Hinduja, multimilliardaire d’origine indienne, est actuellement aux prises avec l'Administration fiscale de Genève. Selon deux arrêts du Tribunal fédéral, cette procédure fiscale a été déclenchée par des informations recueillies dans le cadre d'une autre enquête pénale visant le milliardaire et son fils Ajay Hinduja pour «usure» et «traite des êtres humains».

L’important litige fiscal touchant Prakash Hinduja, l’un des quatre frères régnant sur le conglomérat Hinduja Group, aurait été déclenché en 2018 à la suite d’une perquisition du Ministère public de Genève au domicile du milliardaire à Cologny dans le cadre d’une enquête pour «infraction à la loi sur les étrangers, usure et traite des êtres humains». L’information ressort de deux arrêts du Tribunal fédéral rendus publics le 31 août 2021.

Ces jugements indiquent que le Ministère public de Genève avait informé l’Administration fiscale cantonale de l’existence de cette enquête ouverte à l’encontre de Prakash Hinduja et de son épouse, ainsi que de leur fils Ajay Hinduja et de son épouse, le 4 juillet 2018. Six mois plus tard, le fisc ouvrait une «procédure en rappel et soustraction d’impôt pour les années 2008 à 2016 et en tentative de soustraction d’impôt pour l’année 2017». 

140 francs par mois

Deux arrêts du Tribunal fédéral (TF), datés du 17 août 2021, donnent quelques détails sur cette procédure pénale conduite à Genève: «Depuis l’année 1997 en tout cas, mais très vraisemblablement depuis bien plus tôt, pour entretenir cette propriété, ainsi que subvenir aux soins et aux besoins de ses occupants, les prévenus avaient mis sur pied un système de recrutement d’employés de maison étrangers».

La presse avait évoqué cette affaire de traite des êtres humains en octobre 2018. Le Temps et swissinfo.ch avaient en effet rapporté qu’une perquisition avait eu lieu au domicile d’une «famille milliardaire indienne» à Cologny. Selon les deux médias, ces employés indiens étaient payés entre 140 et 520 francs suisses par mois et devaient travailler jusqu’à 18 heures par jour, sept jours sur sept. L’un d’entre eux n’aurait pas quitté la maison depuis dix ans.

Interrogée par Gotham City, une porte-parole du Ministère public de Genève indique que «la procédure à l’encontre des quatre prévenus est toujours en cours».

Monaco ou Cologny?

Le dossier fiscal, lui, concerne la résidence de Prakash Hinduja, 76 ans. En 2018, Le Temps et swissinfo.ch écrivaient en effet que lors de la perquisition, «des employés de la famille avaient affirmé que le patriarche, officiellement domicilié à Monaco, passait presque toute l’année en Suisse».

Les autorités reprochent aujourd’hui à Prakash Hinduja d’avoir continué à séjourner à Genève au moins jusqu’en avril 2018, alors qu’il s’était domicilié fiscalement à Monaco depuis 2007. Le milliardaire habitait dans la villa de Cologny avec son fils Ajay et sa famille.

Père et fils sous enquête 

En parallèle de la procédure fiscale cantonale, l’Administration fédérale des contribution (AFC) a également ouvert une enquête pénale en mai 2019 sur des soupçons de «graves infractions fiscales». Un des arrêts du Tribunal fédéral publiés le 31 août précise que cette enquête vise non seulement Prakash Hinduja, mais également son fils. L’Administration fiscale cantonale et l’AFC estiment que les montants soustraits par Ajay Hinduja se montent à cinq millions de francs.

Le Tribunal fédéral se prononçait sur des recours de Prakash Hinduja et de son fils qui contestaient le montant des séquestres prononcés par le fisc pour garantir le versement éventuel d’arriérés d’impôts et d’amendes.

Dans le cas du patriarche, le Tribunal fédéral a partiellement accepté la demande du patriarche, réduisant le montant de ces sûretés de 157 millions de francs à 127 millions.

Ajay Hinduja, qui contestait également les sûretés réclamées par le fisc, a totalement obtenu gain de cause. Le Tribunal fédéral annule en effet une décision précédente de la Chambre administrative de la Cour de justice de Genève qui validait des séquestres à son encontre. Selon le Tribunal fédéral, Ajay Hinduja disposerait de suffisamment de biens immobiliers en Suisse pour faire face à l’ardoise fiscale qui pourrait lui être réclamée.

Faux dans les titres

Ajay Hinduja fait par ailleurs l’objet d’une autre enquête du Ministère public de Genève, cette fois pour faux dans les titres. Le parquet avait prononcé une ordonnance pénale à son encontre en janvier 2020, mais le prévenu s’y était opposé.

Les soupçons portent sur un compte ouvert en 2008 auprès de la banque familiale Amas, renommée depuis Hinduja Banque (Suisse) SA, dont Ajay Hinduja était à l’époque administrateur. Il devrait comparaître prochainement devant un tribunal dans cette affaire.

Interrogée par Gotham City, la défense de Prakash et Ajay Hinduja précise qu’à ce stade, «la discussion ne porte que sur le montant des sûretés». Le contrôle fiscal n’a pas commencé, et ni Prakash Hinduja ni l’Administration fiscale n’ont fait valoir leurs arguments sur le fond. Prakash Hinduja conteste formellement les allégations du fisc sur sa résidence suisse.

Concernant l’enquête pénale pour traite des êtres humains, les faits sont également contestés par Prakash Hinduja. Ses conseils font valoir que «quatre ans après l’ouverture de l’enquête, aucune charge n’a été retenue et personne n’a été renvoyé en jugement».

Au sujet de l’accusation de faux dans les titres reprochés à Ajay Hinduja, son équipe de défense se dit «très confiante sur l’issue de cette procédure, qui est dépourvue de fondements tant juridiques que factuels».

Gotham City

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