Rohingyas de Birmanie: 87’000 réfugiés au Bangladesh en dix jours

(Keystone-ATS) Les Rohingyas de Birmanie sont chaque jour plus nombreux à fuir au Bangladesh: ils sont près de 87’000 à avoir pris la route de l’exode après dix jours de violences qui ont isolé la Birmanie, a annoncé lundi le bureau de coordination de l’ONU au Bangladesh.
Les violences ont commencé avec l’attaque le 25 août d’une trentaine de postes de police par les rebelles de l’Arakan Rohingya Salvation Army (ARSA), qui dit vouloir défendre les droits bafoués de la minorité musulmane rohingya. Depuis, l’armée birmane a lancé une vaste opération dans cette région pauvre et reculée, l’Etat Rakhine.
Les combats ont poussé des dizaines de milliers de personnes sur les routes, au risque d’une crise humanitaire et fait 400 morts, dont 370 « terroristes » rohingyas, selon l’armée.
Depuis le début des violences, 90 affrontements ont eu lieu, plus de 2600 maisons ont été détruites dans des villages non musulmans ainsi que 138 dans des villages musulmans, a affirmé lundi le bureau de la cheffe du gouvernement birman Aung San Suu Kyi dans un communiqué.
« Impossible de les arrêter »
Selon l’ONU, quelque 20’000 personnes restent coincées à la frontière entre la Birmanie et le Bangladesh, dans l’attente d’être autorisées à la franchir. Plus de 2000 d’entre elles, dont de nombreux enfants, qui se cachaient sur une île du Bangladesh ont été renvoyés en Birmanie.
« Ils nous disaient ‘où devrions-nous aller? Ils nous tuent là-bas, nos maisons sont incendiées' », a témoigné un responsable bangladais, Farid Ahmed. « Si ça continue, nous allons avoir de gros problèmes. Mais c’est impossible d’arrêter ce flux, ces gens sont partout », s’inquiétait un garde-frontière bangladais dans la ville frontalière de Cox’s Bazar.
Les violences interethniques sont fréquentes en Birmanie depuis des années, entre la majorité bouddhiste et la minorité musulmane, concentrée dans cette région de l’ouest du pays. La minorité rohingya, entassée dans des camps de fortune côté birman aussi, est sans accès aux écoles, aux hôpitaux, au marché du travail.
Un mot tabou
La Birmanie est sous l’emprise d’un nationalisme bouddhiste considérant les musulmans comme une menace. Les autorités birmanes considèrent le million de Rohingyas comme des immigrés illégaux du Bangladesh voisin, même s’ils vivent en Birmanie depuis des générations.
Le mot même de « Rohingya » est tabou en Birmanie, où on parle de « Bangladais ». Victime collatérale de la crise: le service birman de la BBC ne sera plus diffusé à la télévision en Birmanie pour avoir employé dans ses programmes le mot interdit. La BBC a dénoncé lundi « une censure ».
Critiques internationales
Lundi, c’est la jeune prix Nobel de la paix pakistanaise Malala Yousafzai qui a critiqué Aung San Suu Kyi pour sa gestion du drame des Rohingyas. « Ces dernières années, je n’ai cessé de condamner le traitement honteux dont ils font l’objet. J’attends toujours de ma collègue prix Nobel Aung San Suu Kyi qu’elle en fasse de même », a-t-elle écrit sur son compte Twitter.
Mme Suu Kyi a reçu lundi la cheffe de la diplomatie indonésienne, Retno Marsudi, dépêchée en Birmanie pour tenter de mettre fin aux violences. Cette dernière a aussi rencontré le tout puissant chef de l’armée, le général Min Aung Hlaing.
Le ministre malaisien des Affaires étrangères Anifah Aman s’est lui dit « mécontent » du silence d’Aung San Shu Kyi. « Elle prenait position pour les droits de l’Homme. Maintenant, il semble qu’elle ne fasse rien », a-t-il dit à l’AFP.
Manifestations
Les dirigeants des pays musulmans de la région s’inquiètent de la colère croissante de leur population. Plusieurs pays, dont l’Indonésie, la Malaisie, le Pakistan ou l’Iran, ont plaidé pour les Rohingyas; les talibans afghans dénoncent un « génocide ».
Des manifestations pro-Rohingyas se sont déroulées lundi notamment en Indonésie et en Tchétchénie. Les Maldives ont annoncé rompre toute relation commerciale avec la Birmanie jusqu’à ce qu’elle prenne des mesures pour « prévenir les atrocités envers les Rohingyas ».