Crossair sous la loupe des experts: sécurité garantie, structures à revoir

Crossair reste une compagnie sûre. Keystone

Après l’accident qui avait causé la mort de dix personnes en janvier dernier, Crossair avait commandé deux expertises indépendantes. Leurs conclusions sont connues: il n’y a pas de problèmes de sécurité, mais la compagnie doit revoir son organisation

Crossair, la plus grande des compagnies régionales européennes, a ces derniers mois traversé plusieurs turbulences. Celle d’abord que connaissent tous les transporteurs aériens qui doivent faire face à la forte hausse des prix du carburant. Celle ensuite d’un conflit intérieur entre sa direction et son syndicat de pilotes (mais on sait maintenant que les deux parties ont trouvé un terrain d’entente). Celle enfin des questions posées suite à l’accident du 10 janvier, lorsqu’un Saab 340 s’était écrasé peu après son décollage de l’aéroport de Zurich. Dix personnes y avaient trouvé la mort.

Quelques semaines plus tard, un hebdomadaire alémanique publiait un dossier très critique sur la gestion de Crossair. Plusieurs dysfonctionnements, incidents de vol ou autres anomalies y étaient recensés. Leurs causes, disait-on, devaient être cherchées dans les pressions exercées sur le personnel pour maintenir des coûts d’exploitation aussi bas que possible. Du côté de la direction de la compagnie, la réponse était alors qu’un audit complet de ses opérations de vols et de ses services techniques avaient été commandés à des experts indépendants.

On connaît maintenant les conclusions et les recommandations auxquelles sont parvenus Karl Ledeboer, ingénieur en aéronautique et ancien membre de la direction de la compagnie néerlandaise KLM, et Klaus Nittinger, ancien directeur des services techniques de la compagnie allemande Lufthansa. Leurs analyses sont convergentes: d’un côté, ils soulignent la haute qualité et la fiabilité des prestations de Crossair; de l’autre, ils mettent le doigt sur le fait que les structures de l’entreprise n’ont pas suivi son rythme de croissance.

S’agissant de la sécurité, la compagnie suisse basée à Bâle dispose désormais pour sa défense d’arguments supplémentaires. Le rapport sur les opérations de vol dit clairement que celles-ci sont sûres: «Il n’y a aucun indice de prestations insuffisantes de la part des équipages de cockpit. Ils travaillent de manière professionnelle et respectent les procédures imposées par les impératifs de sécurité et d’économie.»

Par contre, la planification stratégique a pris du retard, provoquant des tensions et des instabilités de personnel qui se sont traduites par des «conséquences négatives sur le bien-être et la vie sociale des équipages». D’où plusieurs recommandations en matière de sélection et de formation du personnel naviguant technique, pour la création d’un véritable département du personnel et l’amélioration de l’information interne. Crossair, à cause de son succès sur le marché, a connu une croissance «disproportionnée». Il lui faut aujourd’hui repenser fondamentalement son organisation et ses procédures de travail.

La direction de Crossair dit partager les avis des deux experts qui rejoignent ses propres constats. Début avril, elle avait déjà mis en place une nouvelle structure d’entreprise comprenant entre autres un département de «ressources humaines». La compagnie a certainement grandi trop vite. C’est peut-être la fin du temps des pionniers. Mais l’avenir est loin d’être sombre. Crossair, qui mise cette année sur une bénéfice d’une quarantaine de milllions, a passé commande de 85 appareils brésiliens Embraer.

Bernard Weissbrodt