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La Suisse ne doit pas être un îlot de fumée

Le marché de la publicité pour le tabac vaut 80 millions de francs en Suisse. Keystone Archive

Pour les associations de protection contre le tabagisme, la Suisse doit aller plus loin que l'Union européenne.

Elle doit prendre des mesures qui vont au-delà d’une interdiction de la publicité dans la presse et dans le cadre de grands évènements.

Avec l’ordonnance approuvée cette semaine et qui entrera en vigueur en janvier, l’Europe a décidé de frapper très fort en matière de lutte contre le tabac.

Dans les faits, la publicité sera entièrement interdite dans les médias, qu’ils soient écrits, radiophoniques ou électroniques.

Mais le gros coup est porté, en l’occurrence, à l’interdiction du parrainage de gros évènements sportifs notamment, tels que la compétition automobile de F1.

Genève a fait un pas

Reste à savoir si la Confédération helvétique va suivre. Car cette interdiction relègue ‘de facto’ la Suisse au rang des mauvais élèves, en matière de lutte contre le tabac.

Depuis 1964, une ordonnance fédérale interdit la publicité pour le tabac à la radio et à la télévision. Et, depuis 1995, dans la presse qui s’adresse aux jeunes de moins de 18 ans et dans les lieux ainsi que les manifestations fréquentés par des mineurs.

En revanche, la publicité par affichage ou dans les salles de cinéma n’est pas prohibée. Cela laisse donc une marge de manœuvre à l’industrie du tabac. D’autant plus que, en la matière, les cantons font un peu ce qu’ils veulent.

Pour exemple, seul celui de Genève a interdit la publicité par affichage et dans les lieux publics. Les autres ne sont pas chauds. A l’image du Valais qui refuse toujours de bannir la publicité dans les lieux publics. Et cela malgré les pressions de son parlement.

La Suisse devra suivre

Quoi qu’il en soit, aujourd’hui, la Suisse se retrouve, une fois de plus, bien isolée au cœur de l’Europe.

A n’en pas douter, elle devra tôt ou tard suivre le mouvement. C’est, en tout cas, l’avis de Philippe Vallat de l’Office fédéral de la santé publique (OFSP).

«C’est l’un des objectifs premier du gouvernement que de restreindre la publicité sur le tabac», précise ce responsable du programme national du contrôle du tabac de l’OFSP. Mais il est encore trop tôt pour savoir quand cette décision sera prise.»

«La tâche ne sera pas facile, commente le directeur de l’Institut suisse de prévention de l’alcoolisme et autres toxicomanies (ISPA). Le gouvernement et le parlement comptent en leur sein de grands défenseurs de l’industrie du tabac.»

«L’évolution prendra du temps à cause des lobbies, ajoute Richard Muller. Mais finalement la Suisse suivra certainement. Car les mentalités et les politiciens changent.»

Plus que la publicité

Cela dit, «l’interdiction de la publicité n’est qu’une goutte d’eau dans un océan», dit le président de Pro Aere, la Société suisse pour un air pur et contre le tabagisme.

«Dans un premier temps, explique Jürg Hurter, la Suisse devra suivre les directives européennes. Mais il faut qu’elle aille plus loin. Car, pour notre société, le problème du tabagisme se trouve ailleurs.»

«Concrètement, précise le président de Pro Aere, nous devons nous occuper des non-fumeurs, en leur préservant le droit à un air pur et en empêchant la société de les inciter à fumer.»

Pour ce défenseur de l’air pur, le plus important reste la mise sur pied de réelles protections contre le tabagisme, qu’il soit d’ailleurs actif ou passif.

Le modèle américain



Ces protections doivent être calquées sur le modèle nord-américain. Qui prône une interdiction totale de la publicité et de la consommation de tabac dans les endroits publics tout en proposant la création d’espaces réservés aux fumeurs.

«Mais, surtout, conclut le président de Pro Aere, le plus important, c’est de faire passer le message comme quoi fumer est anormal et dangereux.»

Ce qui n’est pas vraiment le cas aujourd’hui. Même s’il y a des mises en garde sur les paquets de cigarettes.

Et c’est à ce prix-là seulement que l’on pourra espérer une diminution du nombre de morts (8000 par an) que le tabac cause en Suisse également.

swissinfo/ Jean-Louis Thomas

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