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«Les agriculteurs en Suisse et dans le monde sont en état de légitime défense»

Pendant le Sommet social, swissinfo vous propose dans cette rubrique le point de vue d´un participant ou d´un observateur sur l´un ou l´autre des thèmes discutés.

John Dupraz est un agriculteur qui fait de la politique. Il siège au comité directeur de l’Union suisse des paysans et préside la Fédération suisse des producteurs de céréales. Député radical, il s’investit également beaucoup dans les travaux parlementaires, ceux du Grand Conseil à Genève et ceux du Conseil national à Berne.

La pauvreté (et les moyens de la combattre) est l’un des thèmes majeurs du sommet social. Ce mot s’applique-t-il vraiment, en Suisse, à des situations du monde rural? «Les paysans de ce pays – John Dupraz en est convaincu – disposent de peu de moyens et de peu d’argent, mais ils sont très heureux. Ils font un métier qu’ils aiment. Mais il leur faut tout de même investir, assurer la formation de leurs enfants et tout cela coûte de plus en plus cher».

Le sommet social parle aussi d’intégration sociale. Or les agriculteurs, en Suisse, ne représentent plus qu’un infime pourcentage de la population active. Est-ce à dire qu’il se sentent marginalisés? John Dupraz ne le pense pas, d’autant, dit-il, que «ce petit pourcentage est bien la preuve que nous vivons dans un pays riche». N’empêche. L’agriculteur suisse se doit sans cesse d’expliquer son rôle à ses compatriotes.

«Nous n’avons pas seulement pour fonction d’assurer la nourriture de ce pays. Nous devons aussi entretenir le territoire, protéger les paysages, maintenir les qualités vitales de l’eau, de l’air et du sol». En clair, la multifonctionnalité de l’agriculture est la première grande mutation du monde rural. La seconde, ce sont les nouvelles règles du commerce mondial.

Le problème avec ces réformes successives et rapides, explique John Dupraz, «c’est qu’on oublie que nous vivons dans un milieu qui évolue lentement, au rythme des saisons. Les exploitations agricoles se modifient au rythme des changements de générations. Il nous faudra bien vingt ans pour digérer ce qu’on a dû engranger en si peu de temps».

Dites mondialisation et vous verrez John Dupraz défendre la cause paysanne avec beaucoup de cœur et autant de véhémence. «Les agriculteurs en Suisse et dans le monde sont en situation de légitime défense», dit-il en s’impliquant encore plus directement: «Nous sommes littéralement agressés par cette mondialisation qui actuellement ne concerne pratiquement que les règles du commerce. Nous souhaitons que tout soit mondialisé, y compris les règles sociales et celles qui ont trait à la protection de l’environnement».

«Dans l’agriculture, nous avons deux composantes essentielles à notre profession et à notre revenu, c’est le climat et la topographie du sol. Cela n’est ni exportable ni ‘mondialisable’. Nous luttons contre cette mondialisation ‘stupide’ qui veut imposer une règle unique et uniforme pour tout le monde en faisant fi des conditions spécifiques à chaque pays, des traditions, des coutumes et des volontés politiques locales».

«Il faut savoir quelle société on veut construire. Nous ne voulons pas d’un monde où le profit immédiat est une priorité absolue et le moteur essentiel de l’économie. L’économie est au service de l’homme et non l’inverse. Tant que nous aurons un système qui comme aujourd’hui privilégie le rendement du capital au détriment du travail des hommes et des femmes, nous irons vers un krach».

De toute évidence, John Dupraz, homme de la terre et homme politique, n’attend pas de révélations ni de décisions spectaculaires de ce sommet social. Pourvu, dit-il, que les décideurs politiques se préoccupent avant tout de l’avenir de leurs concitoyens et ne se fassent pas les commis voyageurs des multinationales. «Car depuis Seattle, rien n’est plus comme avant. Nous n’accepterons plus jamais une libéralisation effrénée qui ne prenne pas en compte les aspirations à la dignité des hommes et femmes de cette planète.»

Propos recueillis par Bernard Weissbrodt

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