Les éditeurs mènent campagne pour la liberté de la publicité
L’Union européenne va bannir la pub pour le tabac d'ici à 2003. Les éditeurs organisent leur système de défense en communiquant: des annonces paraissent dès vendredi dans les médias de 17 pays, dont la Suisse.
De la pub en faveur de la publicité, il y en aura beaucoup ces prochains jours. Le Conseil européen des éditeurs (EPC) a, en effet, décidé de ratisser large en Europe. Et en Suisse également où il passe par le canal de Ringier, l’un des plus grands groupes suisses de médias (Blick, Cash, L’Hebdo, L’Illustré, dimanche.ch ou Edelweiss) pour délivrer son message: «personne n’est jamais devenu ivre en regardant une pub de bière».
L’ampleur de l’offensive est sans doute à la mesure des menaces qui visent, ici et là, à restreindre ou même à interdire la publicité. Des croisades contre la pub pour le tabac et l’alcool sont menées un peu partout. Aux Etats-Unis, mais aussi en Europe. L’Union européenne (UE) s’apprête à bannir la publicité pour le tabac d’ici à 2003. La Suède entend mettre à profit son statut de président des Quinze – au premier semestre 2001 – pour interdire dans l’UE la publicité destinée aux enfants.
Et la Suisse dans tout ça? Pour l’heure, elle n’est pas prête à emboîter le pas à ses voisins européens. Le peuple avait rejeté, en 1993, à une majorité de trois quarts, les «initiatives jumelles» réclamant l’interdiction publicitaire pour l’alcool et le tabac.
Pourra-t-elle se soustraire longtemps encore aux impératifs d’une incontournable eurocompatibilité? L’année dernière, Pascal Couchepin a invité le secteur de la publicité à s’autoréguler. «La Suisse, a dit de conseiller fédéral, ne pourrait que difficilement se soustraire aux décisions prises aux Etats-Unis ou dans l’UE.
Justement pour Ueli Locher, sous-directeur à l’Office fédéral de la santé publique (OFSP), la Suisse devra logiquement s’adapter aux mesures qui se prennent en Europe, y compris sur la question du tabac. Et le verdict du tribunal de Luxembourg, prévu pour cet automne, amènera immanquablement la Suisse à prendre position. L’Allemagne et les milieux de l’industrie du tabac avaient recouru devant cette instance contre le projet européen d’interdiction totale de la pub.
Par ailleurs, les éditeurs craignent un effet de contagion. Des attaques visent aussi la publicité pour les aliments gras ou les voitures rapides, a relevé Francisco Balsemão, président de l’EPC. «Allons-nous tous devenir minces grâce à ces interdictions? N’aurons-nous plus jamais d’accident de voiture?», s’est-il interrogé.
Pour l’EPC, ces restrictions sont des solutions illusoires et «politiquement correctes» à des problèmes de société. Elles relèvent d’une conception paternaliste, selon laquelle les citoyens seraient irresponsables et incapables de décider ce qui est bon pour eux.
Les éditeurs relèvent en outre que la publicité est vitale pour le financement des médias indépendants et donc pour la diversité des opinions. Les annonces pour le tabac et l’alcool génèrent 18 pour cent des revenus nets de la presse écrite en Europe et même 40 pour cent si on ne considère que les magazines.
En Suisse, les publicités pour le tabac sont certes interdites à la télévision et à la radio. Et le droit fédéral interdit les campagnes visant spécialement les jeunes de moins de 18 ans.
Jugurtha Aït-Ahmed
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