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Israël fouille l’hôpital al-Chifa malgré les civils présents

Palestiniens blessés à l'hôpital al-Shifa. KEYSTONE/AP/Abed Khaled sda-ats

(Keystone-ATS) L’armée israélienne a mené jeudi des fouilles dans l’hôpital al-Chifa, qu’elle présente comme un repaire du Hamas, malgré la présence de malades et de civils piégés. Avec l’hiver qui vient, le PAM a mis en garde contre « un risque immédiat de famine » pour la population

Le gouvernement du Hamas a affirmé que les soldats israéliens avaient « détruit » plusieurs services de l’hôpital, un immense complexe situé dans l’ouest de la ville de Gaza, au coeur des combats qui font rage depuis des jours entre l’armée et les combattants islamistes.

Tel Aviv a juré « d’anéantir » le mouvement, au pouvoir dans la bande de Gaza en 2007, depuis l’attaque qu’il a lancée sur le sol israélien le 7 octobre, et bombarde depuis sans répit le petit territoire palestinien assiégé.

Hôpital encerclé, tirs

Jeudi, des centaines de soldats encerclaient l’hôpital al-Chifa, pris d’assaut la veille, interdisant toute sortie et tirant sur les bâtiments, a raconté un correspondant de l’AFP sur place.

Des soldats sont entrés dans les services des grands brûlés, des urgences, des dialyses et dans les chambres frigorifiées de la morgue, a-t-il ajouté.

L’armée a annoncé avoir découvert près de l’hôpital le corps d’une otage « assassinée par les terroristes dans la bande de Gaza » après avoir été enlevée par le Hamas le 7 octobre dans le kibboutz de Beeri, dans le sud d’Israël.

Appels à protéger la population

Le raid lancé mercredi, dans un hôpital privé d’eau et d’électricité, abritant des malades, du personnel soignant et des civils qui espéraient fuir la guerre, a suscité des appels pressants de la communauté internationale à protéger la population.

Selon l’ONU, 2300 personnes se trouvent actuellement dans l’hôpital al-Chifa. Un responsable de l’armée a annoncé que les soldats procédaient « à la fouille de chaque étage, bâtiment après bâtiment ».

Des « images relatives aux otages » capturés par le Hamas ont été trouvées sur du matériel saisi au cours du raid, a ajouté ce responsable. Mercredi, l’armée avait déclaré avoir découvert des armes et des munitions du Hamas dans l’hôpital.

Le ministère de la Santé du Hamas avait démenti. Jeudi, il a affirmé que l’armée israélienne avait frappé plusieurs services de l’hôpital, « détruit le service de radiologie et bombardé le service des grands brûlés et des dialyses ».

Milliers de personnes menacées de mort

« Nous n’avons ni électricité ni eau potable ni nourriture (…) Des milliers de femmes, d’enfants, de malades et de blessés sont en danger de mort », a affirmé à l’AFP le porte-parole du ministère du Hamas, Ashraf al-Qidreh.

Depuis plusieurs jours, l’armée resserre son étau sur la ville de Gaza et plus particulièrement ses hôpitaux, accusant le Hamas de les utiliser comme des bases et de se servir des malades comme de « boucliers humains ».

Israël affirme que l’hôpital al-Chifa abrite des infrastructures stratégiques du Hamas, notamment dans des tunnels creusés sous le complexe, ce que dément le mouvement islamiste.

« Violente attaque » sur un autre hôpital

Le Croissant-Rouge palestinien a par ailleurs annoncé jeudi après-midi qu’une « violente attaque » était menée par des chars israéliens sur un autre hôpital de la ville de Gaza, Ahli Arab, et que celui-ci était « assiégé ».

Les bombardements israéliens menés dans la bande de Gaza ont jusqu’ici fait 11’500 morts, majoritairement des civils, parmi lesquels 4710 enfants, selon le ministère de la Santé du Hamas. Cinquante-et-un soldats israéliens auraient aussi péri, selon Tel Aviv.

Israël, après avoir pris ces derniers jours le contrôle de bâtiments gouvernementaux, « vides » selon le Hamas, a annoncé jeudi la prise du port de Gaza, affirmant que ce petit port de pêche était utilisé par le mouvement islamiste comme centre d’entraînement. L’activité du port est très limitée par le blocus qu’impose Israël à la bande de Gaza depuis 2007.

Enquête internationale exigée

Le Conseil de sécurité de l’ONU a appelé à des « pauses humanitaires urgentes et prolongées » dans la bande de Gaza. Israël a jusqu’ici refusé tout cessez-le-feu sans libération préalable des otages.

Mais pour le chef en exil du Hamas, Ismaïl Haniyeh, Israël « n’a atteint aucun de ses objectifs » et n’obtiendra « la libération de ses prisonniers qu’au prix que la résistance fixera ».

Le Haut-Commissaire de l’ONU aux droits de l’homme, Volker Türk, a lui demandé jeudi une enquête internationale pour vérifier les « allégations extrêmement graves » de violations du droit international, « quels que soient leurs auteurs ».

« Risque de famine »

En représailles à l’attaque du Hamas, Israël a imposé depuis le 9 octobre un « siège complet » à la bande de Gaza, coupant les livraisons d’eau, d’électricité, de nourriture et de médicaments.

« Avec l’hiver qui approche à grands pas, les abris précaires et surpeuplés, ainsi que le manque d’eau potable, les civils sont confrontés à un risque immédiat de famine », a averti jeudi le Programme alimentaire mondial (PAM) des Nations unies.

L’aide internationale arrive au compte-gouttes par camions depuis l’Egypte, en quantité insuffisante selon l’ONU, qui réclame notamment la livraison de carburant pour faire fonctionner les générateurs dans les hôpitaux.

Selon l’ONU, 1,65 des 2,4 millions d’habitants de la bande de Gaza ont été déplacés par la guerre. Plusieurs centaines de milliers d’entre eux ont fui le nord, où les combats sont les plus intenses, vers le sud, près de la frontière égyptienne.

Communications coupées

Malgré une première livraison d’un peu plus de 23’000 litres de carburant mercredi, l’ONU a averti que ses opérations d’aide à Gaza étaient « au bord de l’effondrement ».

Le directeur de l’agence de l’ONU pour les réfugiés palestiniens (Unrwa) a affirmé jeudi à Genève que les communications étaient à nouveau « totalement coupées » avec la bande de Gaza, faute de carburant. Philippe Lazzarini a dénoncé « une tentative délibérée d’étranglement ».

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