L’activité judiciaire vaudoise bat des records en 2024

La justice vaudoise a connu une année 2024 record. La barre des 60'000 nouvelles affaires a été dépassée pour la première fois, soit une hausse de 4% par rapport à 2023, selon le rapport de l'Ordre judiciaire vaudois (OJV) présenté mercredi. Une première aussi pour les offices des poursuites et faillites du canton, avec le franchissement de la barre des 500'000 poursuites introduites l'an dernier.
(Keystone-ATS) « Ce sont des chiffres toujours plus impressionnants. L’activité a été très intense en 2024 », a déclaré devant la presse à Lausanne Marie-Pierre Bernel, présidente du Tribunal cantonal. « Même si la situation est maîtrisée et que les délais de traitements ont été remarquablement respectés, la question est de savoir combien de temps tiendrons-nous encore à ce rythme », a-t-elle affirmé.
« Nous ne sommes pas encore en saturation, mais à la limite de nos capacités. Il n’y a plus de mou dans la corde. Nous sommes inquiets pour l’avenir et cette inquiétude est très perceptible dans les offices judiciaires. Nous tirons donc un peu la sonnette d’alarme », a poursuivi la patronne du 3e pouvoir vaudois.
Manque de salles d’audience
Principaux soucis: le « problème aigu des places » avec un manque de salles d’audience pour traiter les causes introduites devant les tribunaux et les justices de paix, 61’262 l’an passé, ainsi qu’un besoin en personnel administratif supplémentaire.
« Les salles d’audience, le nombre de places, ce sera l’un des défis les plus importants de ces prochaines années », avertit Mme Bernel. L’extension des quatre tribunaux d’arrondissement (Est et Nord vaudois, La Côte et Lausanne) n’étant pas possible, il faut imaginer d’autres solutions: nouveaux bâtiments, location d’espaces dans d’autres lieux, réaménagements des locaux existants ou projets de mutualisation des capacités.
S’agissant des besoins en personnel, il concerne surtout l’administratif des 33 autorités et offices judiciaires répartis sur tout le territoire cantonal, et non pas tant les postes de magistrats, selon Mme Bernel. Idéalement, elle estime ces besoins à 1,5 poste supplémentaires en moyenne pour chaque office, soit au moins une quarantaine de personnes.
L’effectif de l’OJV est actuellement de 1920 personnes, dont 146 magistrats professionnels, 960 collaborateurs salariés, 54 apprentis et 760 magistrats non professionnels rémunérés par indemnités.
Reflet de la société
Côté chiffres et statistiques, sur les 61’262 nouvelles affaires enregistrées en 2024 et toutes matières confondues, le 78% de ces causes ont été clôturées en moins de six mois. Un taux presque identique à celui connu en 2023 (79%), et dans 92% des cas en moins d’une année (93% en 2023).
Et même si la majorité des autorités judiciaires sont parvenues à traiter plus d’affaires qu’en 2023 (+6% en moyenne), toutes n’ont pas réussi à absorber entièrement cette hausse, conduisant à une augmentation globale des affaires pendantes en fin d’année (+6%).
L’OJV « n’ayant aucune prise sur ces chiffres vertigineux qui pourraient encore s’amplifier, il n’est pas certain que les délais de traitement actuels puissent être maintenus à l’avenir », ont insisté ses responsables.
Mme Bernel évoque « une hausse générale » des affaires, sans donc pouvoir cibler un domaine en particulier qui serait venu gonfler l’activité judiciaire record de 2024. Elle cite éventuellement une « hausse de la population » dans le canton et, en regard de la situation géopolitique et économique, « une période de vie sociale pas facile et pas sereine, dont la justice se fait le reflet ».
Record de poursuites et faillites
Sur le plan pénal, les autorités de première instance (tribunaux d’arrondissement, Tribunal des mineurs et Tribunal des mesures de contrainte) ont reçu un nombre supérieur de causes comparativement à 2023, respectivement +7%, +3% et +2%. A l’inverse, le Juge d’application des peines et les cours pénales du Tribunal cantonal ont vu leurs entrées diminuer, toujours selon le rapport 2024.
En matière de poursuites, l’augmentation est très marquée, avec là aussi un record: la barre des 500’000 poursuites introduites a été franchie pour la première fois (502’857 poursuites introduites et 349’078 réquisitions de continuer la poursuite, soit +13% dans les deux cas).
« Des sommets vertigineux », a commenté le vice-président du Tribunal cantonal Christophe Maillard. Il a expliqué cette hausse par la conjoncture actuelle, notamment l’inflation, la hausse des loyers, des assurances sociales et des coûts de l’énergie. Record absolu aussi au niveau des faillites déclarées, avec une augmentation de 11% par rapport à l’an passé (2405 cas).