La députée tessinoise Lisa Bosia sur le banc des accusés

(Keystone-ATS) La députée socialiste au Grand Conseil tessinois Lisa Bosia Mirra a comparu jeudi devant le tribunal de police de Bellinzone. Elle répondait d’incitation répétée à l’entrée illégale sur le territoire suisse.
Durant la crise des migrants de l’été 2016, cette éducatrice sociale connue et primée pour son aide aux réfugiés avait aidé 24 clandestins syriens et érythréens à entrer en Suisse depuis Côme (I). L’accusation a requis une peine pécuniaire assortie du sursis, la défense a plaidé l’acquittement. Le verdict sera rendu ultérieurement.
Le procès a eu lieu car Lisa Bosia Mirra, âgée de 45 ans, s’est opposée au mandat de répression. Celui-ci la condamnait à une peine pécuniaire de 80 jours-amende à 110 francs, pour un total de 8800 francs, et au paiement d’une amende de 1000 francs avec sursis pendant deux ans.
Vu l’affluence du public et de la presse, le procès a eu lieu au siège du Tribunal pénal fédéral. Au terme d’un long interrogatoire durant lequel Lisa Bosia Mirra a parcouru toutes les étapes de son engagement humanitaire et social envers les réfugiés et requérants, aussi bien en Suisse et en Italie que dans les camps de Grèce ou de Serbie, la procureure a requis la confirmation de son acte d’accusation.
Peine réduite pour motifs humanitaires
Elle a souligné que le procès contre Lisa Bosia Mirra n’est « ni politique ni éthique ou moral mais pénal: la prévenue savait qu’elle agissait illégalement et qu’elle violait la loi en aidant des clandestins à entrer et séjourner illégalement en Suisse. Elle ne leur a, en fin de compte, pas rendu service en les abandonnant à leur sort après les avoir fait passer la frontière. »
La procureure a toutefois admis que « les motifs humanitaires invoqués par l’inculpée » ont conduit à une réduction de la peine, assortie d’un sursis de deux ans au vu du casier judiciaire vierge de la prévenue.
L’avocat de la prévenue a plaidé l’acquittement, invoquant l’aspect humanitaire et désintéressé qui a caractérisé les faits reprochés à sa cliente et ses « motifs honorables ». Il a demandé des circonstances atténuantes pour « grave désarroi ».
L’avocat a souligné l’aide offerte aux nombreux mineurs non accompagnés qui avaient été refoulés à plusieurs reprises en douane de Chiasso alors qu’ils voulaient rejoindre leur famille en Suisse ou en Allemagne.
Dans plusieurs cas, Lisa Bosia Mirra a hébergé des clandestins à son domicile durant une nuit avant de les accompagner à la gare de Lugano et de leur payer le billet de train jusqu’en Allemagne. Le défenseur a aussi requis une indemnisation pour les frais légaux et tort moral à hauteur de 33’000 francs.
Cas tragiques
La députée socialiste a admis le contexte des faits qui lui sont reprochés. Elle avait été interpellée le 1er septembre 2016 près de San Pietro di Stabio (au sud du Tessin), peu après son entrée sur territoire suisse alors qu’elle ouvrait la route à une voiture transportant quatre jeunes migrants érythréens désirant se rendre en Allemagne.
Lisa Bosia Mirra s’est cependant opposée au mandat de répression car elle souhaitait faire connaître l’aspect humanitaire de son comportement face aux situations tragiques vécues par de nombreux migrants. Notamment celle des mineurs non accompagnés voulant rejoindre leurs familles en Suisse et en Allemagne, systématiquement refoulés vers l’Italie par les garde-frontière suisses.
La parlementaire socialiste a décrit des épisodes extrêmement tragiques comme ceux de deux jeunes Erythréens torturés en Libye ou celle d’un jeune Syrien de 15 ans, non accompagné, sauvé in extremis après une tentative de suicide.
Grièvement atteint, il avait été hospitalisé pendant deux jours avant d’être reconduit dans le parc de la gare de Côme où 500 migrants refoulés par la Suisse s’étaient amassés dans des conditions précaires durant l’été 2016.
« Je suis une personne normale: ni une héroïne comme décrite par d’aucuns, ni une criminelle comme décrite par d’autres », a dit l’inculpée lorsque le juge lui a donné la parole en fin d’audience. Le verdict sera prononcé jeudi prochain.