Lausanne: l’assainissement des sols pollués est loin de débuter

Il y a exactement quatre ans, fin mai 2021, Lausanne annonçait la détection de dioxines dans des sols des hauts de la ville. Cette pollution, d'une ampleur inédite en Suisse, semble avoir été causée par l'ancienne usine d'incinération du Vallon. Les travaux d'assainissement ne sont toutefois pas près de commencer. Explications.
(Keystone-ATS) « Nous ne disposons pas d’un horizon pour le début des mesures d’assainissement », indique la Direction générale de l’environnement (DGE) du canton de Vaud dans une réponse écrite à Keystone-ATS. « Les questions sont complexes tant au niveau juridique, législatif et technique pour une pollution d’une telle ampleur (…). Le temps investi pour y répondre est donc à la mesure de la complexité de la situation », souligne-t-elle.
Quelque 240 hectares – environ 343 terrains de foot – doivent potentiellement être assainis sur un périmètre allant d’Epalinges à Ouchy, et du Parc de Valency à l’ouest de Pully. Dans les zones les plus touchées, les concentrations de dioxines dépassent les 115 nanogrammes par kilo de sol, alors que la Confédération exige un assainissement au-delà de 20 nanogrammes.
Environ 3000 parcelles, comme des jardins ou des parcs, sont concernées. Des investigations doivent déterminer si les dioxines y dépassent les valeurs limites et si des enfants sont susceptibles d’y jouer. Si les deux cases sont cochées, un assainissement s’imposera.
Changer la terre…
Les autorités s’activent pour déterminer la meilleure façon d’assainir ces sols, en fonction de l’efficacité, du coût et de l’impact environnemental des méthodes à disposition.
L’une des solutions consiste à excaver les terres souillées par des dioxines pour les mettre en décharge et à les remplacer par des terres non polluées. Le canton y songe sérieusement. Les terres de remplacement seraient prises sur des chantiers de construction où des matériaux terreux excédentaires doivent être évacués. « Les prix sont de l’ordre de plusieurs dizaines de francs par m3 et varient selon l’offre et la demande », précise la DGE.
Cette option comporte cependant des « défis techniques », comme trouver suffisamment de sols non pollués, disponibles pour les remplacements. Elle impacte également la ressource en sol, puisqu’elle implique la mise en décharge d’importants volumes de terre.
…ou la nettoyer
Trois projets pilotes ont été mis sur pied afin d’explorer des alternatives. L’un d’entre eux, dit de « traitement physicochimique », a consisté à injecter de l’eau et des bulles d’air de très petite taille dans les sols touchés par les dioxines, afin de détacher les polluants et de les concentrer en surface. Ce procédé de « lavage de terre » s’est toutefois avéré inefficace.
Un autre projet, dit de « traitement thermique », a permis de confirmer que les dioxines pouvaient être retirées des matériaux terreux à des températures de l’ordre de quelques centaines de degrés. Cette méthode est donc techniquement « envisageable pour traiter les sols excavés lausannois ». Cependant, les experts s’attendent à ce que la qualité du sol soit détériorée par un tel traitement.
Enfin, un projet dit de « biorémédiation » fait encore l’objet de tests. La méthode a consisté dans un premier temps à isoler en laboratoire des bactéries naturellement présentes dans des sols lausannois et capables de dégrader les dioxines, puis de les cultiver en laboratoire pour une éventuelle utilisation sur le terrain.
Dans un deuxième temps, ces bactéries ont été introduites dans trois échantillons de sols issus de parcelles publiques polluées à des degrés divers, afin d’évaluer leur efficacité à dégrader les dioxines qui y sont présentes. Cette phase est toujours en cours. « Aucune conclusion ne peut être tirée à ce stade », précisent les autorités.
Patience nécessaire
Cette dernière méthode aurait l’avantage de « pouvoir être mise en oeuvre directement » sur le terrain sans devoir littéralement déplacer des montagnes de terre. Elle présente cependant des inconvénients. D’une part, son efficacité reste « encore à démontrer », d’autre part, le temps de traitement pourrait s’étaler sur « plusieurs années, voire dizaines d’années », explique le canton.
Au final, quelle que soit l’option retenue, la patience sera de mise. « Les assainissements pourraient s’étaler sur plusieurs années », prévient la DGE.