La voix de la Suisse dans le monde depuis 1935

Le chef de l’opposition cambodgienne Kem Sokha a été arrêté

Le leader de l'opposition Kem Sokha détenu au secret dans une prison à la frontière vietnamienne, selon sa fille (archives). KEYSTONE/AP/HENG SINITH sda-ats

(Keystone-ATS) Accusé de trahison, le leader de l’opposition cambodgienne, Kem Sokha, a été arrêté tôt dimanche, a annoncé le gouvernement du Premier ministre Hun Sen. Ce dernier est soupçonné de vouloir se débarrasser de ses opposants avant les élections de 2018.

Publié dans la nuit, le communiqué du gouvernement a évoqué une « conspiration secrète, entre Kem Sokha, son groupe et des étrangers, faisant du tort au Cambodge ».

« Derrière Kem Sokha, c’est toujours la même main, celle de l’Amérique », a martelé Hun Sen dimanche, parlant d’un complot pour « détruire le pays ». Il a par ailleurs menacé de dissoudre le parti « si celui-ci tente de soutenir » son chef.

La fille de Kem Sokha a indiqué en fin de journée sur Twitter que son père était détenu au secret dans une prison à la frontière vietnamienne.

Renversement de Hun Sen

Agé de 64 ans, Kem Sokha est le chef du principal parti d’opposition dont l’autre dirigeant est actuellement en exil en France pour échapper à plusieurs condamnations.

L’interpellation a eu lieu quelques heures seulement après la publication sur Fresh News, site internet pro-gouvernement, d’un article accusant Kem Sokha de discuter du renversement de Hun Sen avec le soutien des Etats-Unis.

L’article était toutefois basé sur un discours prononcé en 2013 en Australie lors duquel il avait évoqué des voyages à l’étranger et notamment aux Etats-Unis pour discuter de son travail d’opposition. Dans ce discours, il avait affirmé que les Etats-Unis le « conseillaient pour changer la dictature au Cambodge ».

Un habitué des menaces

La détention provisoire de Kem Sokha va faire monter d’un cran la tension dans ce pays d’Asie du Sud-Est. A 65 ans, Hun Sen, homme fort du Cambodge depuis 32 ans, est déterminé à rester au pouvoir.

Ex-combattant Khmer rouge et Premier ministre depuis 1985, Hun Sen est un habitué des déclarations fracassantes et des menaces. Il a récemment prévenu qu’il y aurait « la guerre civile » si son parti – le Parti du peuple cambodgien (CPP) – perdait le pouvoir aux prochaines élections.

Ces derniers mois, Hun Sen a également multiplié les attaques contre la presse et notamment le Cambodia Daily, qui s’est fait remarquer pour des enquêtes sur le népotisme du régime.

Liberté de la presse entravée

Après des mois de pressions, le titre a annoncé dimanche que l’édition de lundi serait la dernière car il ne peut pas régler les arriérés d’impôts de 6,3 millions de dollars que lui a soudain réclamé le pouvoir.

« Après 24 ans, un mois et 15 jours, le gouvernement cambodgien a détruit The Cambodia Daily, qui représentait une branche spéciale et singulière de la presse libre au Cambodge », a déclaré le journal dans un communiqué. Le quotidien estime que les demandes du gouvernement sont sans fondement.

D’autres médias sont menacés par la vague de répression lancée par le Premier ministre. Des mesures fiscales ont également été annoncées par le gouvernement contre Radio Free Asia et Voice of America financées par les Etats-Unis, qui affirment de leurs côtés respecter les lois locales.

« C’est une journée sombre pour la liberté de la presse au Cambodge », a estimé auprès de l’AFP la rédactrice en chef Jodie DeJonge. Pour Kingsley Abbott de la Commission internationale de juristes (CIJ), cette fermeture met en lumière « la détérioration rapide des droits de l’Homme dans le pays ».

Les plus appréciés

Les plus discutés

SWI swissinfo.ch - succursale de la Société suisse de radiodiffusion et télévision

SWI swissinfo.ch - succursale de la Société suisse de radiodiffusion et télévision