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Le National rejette l’initiative pour une monnaie pleine

Le peuple devra dire s'il veut que la Banque nationale joue un autre rôle pour prévenir bulles financières et faillites bancaires. Le Parlement ne croit pas aux recettes proposées par l'initiative pour une monnaie pleine (archives). KEYSTONE/GAETAN BALLY sda-ats

(Keystone-ATS) Le sort de l’initiative pour une monnaie pleine sera tranché dans les urnes. Suivant le Conseil des Etats, le National a appelé jeudi à la rejeter. Très peu d’élus font confiance aux recettes proposées pour éviter bulles financières et faillites bancaires.

Par 165 voix contre 10, la Chambre du peuple a dit “non” à l’initiative populaire “Pour une monnaie à l’abri des crises: émission monétaire uniquement par la Banque nationale!”, lancée par l’association Modernisation Monétaire (MoMo). Seules quelques voix se sont élevées pour soutenir ce texte.

Dérive financière

Cette initiative dénonce les dérives du monde financier, selon Ada Marra (PS/VD). Il y a un hiatus entre économie réelle et financiarisation à tout-va. L’initiative aurait l’avantage d’instaurer un système financier au service de l’humain. Elle permettra aux autorités politiques de se pencher enfin sérieusement sur le problème, selon Jacqueline Badran (PS/ZH).

Pas question pour autant de se lancer dans une telle aventure, ont estimé la plupart de ses camarades. La Suisse n’est pas confrontée à une situation où tous les clients voudraient retirer ensemble leur argent, a estimé le Vaudois Samuel Bendahan.

Il existe d’autres mesures pour lutter contre la spéculation, a renchéri Jean Christophe Schwaab (PS/VD). La gauche aurait préféré miser sur une alternative: imposer aux banques trop grandes pour faire faillite un ratio de fonds propres non pondéré de 10%.

Ce contre-projet direct, qui aurait été soumis parallèlement au peuple, a été rejeté par 133 voix contre 57. Selon la droite, la législation concernant la problématique des banques d’importance systémique permet déjà d’agir. Les banquiers ne sont pas tous des rapaces, a fait valoir le ministre des finances Ueli Maurer. Le système suisse est bien perçu à l’étranger.

Créer de l’argent

Actuellement, la création d’argent repose sur l’émission de pièces et de billets par la Banque nationale, l’achat de devises ou de papiers valeurs par cette dernière ainsi que l’octroi par la BNS de crédits aux établissements bancaires et les prêts de ces derniers.

Les banques commerciales peuvent quant à elles créer de la monnaie scripturale. Cet argent comptable ne représente pas un moyen de paiement légal. Un compte bancaire constitue une créance des clients, soit la promesse des établissements de leur payer le solde en billets et pièces.

Changer la donne

Les initiants critiquent ce système qui s’accompagne de formation de dettes. Les banques créent plus d’argent que nécessaire. Avec l’initiative, la BNS produirait l’ensemble de la masse monétaire, sans dette. La banque centrale devrait donc transférer cet argent directement aux collectivités publiques ou aux citoyens.

La politique monétaire ne serait plus mise en oeuvre par le biais de taux d’intérêt mais par la gestion de la masse monétaire. Selon les initiants, l’argent de tous les comptes courants serait entièrement sécurisé. L’Etat n’aurait plus à sauver des banques à coups de milliards versés par les contribuables pour assurer le service des paiements.

Saut dans l’inconnu

Ces recettes n’ont pas convaincu. En les appliquant, la Suisse jouerait seule dans son coin les apprentis sorciers. Il n’y a pour l’heure pas d’études scientifiques sérieuses sur l’impact d’une telle réforme, a fait valoir Guillaume Barazzone (PDC/GE) au nom de la commission.

Le texte de l’initiative est soumis à de nombreuses interprétations. On ne sait pas si les banques privées seraient encore autorisées, a relevé Olivier Feller (PLR/VD). De droite comme de gauche, les orateurs se sont succédé à la tribune pour lister les risques que ferait courir l’initiative.

Risques

L’indépendance de la BNS serait menacée. L’incertitude liée à la réforme provoquerait une grande retenue dans l’investissement et la consommation ainsi que d’importants flux de capitaux internationaux. La capacité d’action de la BNS en matière de politique monétaire pourrait diminuer et il serait plus difficile de garantir la stabilité des prix.

La banque centrale ne serait plus en mesure, à long terme, de réduire la masse monétaire en vendant de l’or et des devises. Autre conséquence de l’initiative: les taux d’intérêt du franc et le taux de change seraient soumis à de fortes fluctuations.

Les banques, qui n’auraient plus le droit de financer l’octroi de crédits par des dépôts à vue, seraient obligées de recourir à d’autres sources de financement, éventuellement plus risquées. Les coûts du trafic des paiements pour les clients pourraient augmenter.

Les banques de petite taille seraient particulièrement frappées. Si la demande de crédits ne pouvait pas être satisfaite à l’aide d’autres sources de financement, la BNS devrait consentir des prêts aux banques. Et le volume des crédits serait donc en partie géré de manière centralisée.

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