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Il faut une «nouvelle approche» contre les addictions

Un homme fume un cigarette électronique
Ces dernières années, de la palette des produits nicotiniques s'est élargie. Leurs effets sur la santé ne sont pas toujours connus. ostancoff/123RF

Cannabis pauvre en THC, cigarettes électroniques ou sans combustion, jeux en ligne. On assiste à une multiplication des produits susceptibles de provoquer des addictions, dont la diffusion est facilitée par internet, met en garde le Panorama Suisse des Addictions 2018.

La créativité dans le domaine des produits qui présentent des risques de dépendance est sans limite. Si le nombre de consommateurs a peu varié au cours des dernières années, les produits à leur disposition sont toujours plus nombreux. Une évolution qui s’accélère avec l’avènement des nouvelles technologies.

C’est le constat que dresse Addiction Suisse, qui publie son Panorama annuel. La fondation déplore le manque de données scientifiques et appelle à une meilleure réponse politique, explique sa porte-parole Corine Kibora. Interview.

«Les alternatives à la cigarette comportent le risque de simplement élargir le marché» 
Corine Kibora

swissinfo.ch: Le paysage des addictions est marqué aujourd’hui par l’apparition de nouveaux produits sur le marché, quelle réponse la Suisse doit-elle apporter à ce phénomène?

Corinne Kibora: Premièrement, il faut donner des moyens à la recherche pour mieux connaître les risques de ces produits. Les seules données dont nous disposons sur les cigarettes sans combustion (ndlr.: le tabac est chauffé sans être brûlé) émanent de l’industrie elle-même. Nous pouvons ainsi remettre en cause leur fiabilité. Ensuite, il faut mettre en place un cadre légal pour appréhender les nouveaux produits. Malheureusement, le nouveau projet de loi sur le tabac, mis en consultation en décembre dernier, a été édulcoré, notamment en ce qui concerne les restrictions de la publicité et du marketing.

Si la cigarette électronique présente une alternative à moindre risque pour les fumeurs, il reste important de mieux encadrer les produits du tabac classiques, en limitant ou en interdisant la publicité, voire en adoptant le paquet neutre ou encore en augmentant les prix. Sinon les alternatives comportent le risque de simplement élargir le marché, sans pousser la population à adopter les produits les moins nocifs.  

Avec 86% d’utilisateurs réguliers, internet joue-t-il un rôle croissant dans le développement des addictions?

Internet influence le domaine des addictions, comme tous les domaines de la vie. C’est un nouveau champ pour le marketing et la publicité, dans lequel les industries du tabac et de l’alcool se sont évidemment engouffrées. Les médias sociaux offrent, par ailleurs, la possibilité d’utiliser les internautes comme porte-parole de produits, parfois à leur insu.  

Pour faire face à cela, il faut mieux encadrer la publicité, entre autres sur internet. De l’autre côté, il faut miser sur l’éducation des jeunes aux médias, en leur permettant d’acquérir les armes pour décoder les messages de l’industrie.

Contenu externe

Internet est aussi source d’addictions; en Suisse, quelque 70’000 personnes en ont une utilisation problématique. La Suisse est-elle préparée à faire face à ce problème?

Pas tout à fait, car c’est un domaine compliqué qui évolue très vite. Il n’y a pas si longtemps, nous n’avions pas de smartphone. Aujourd’hui, ils sont dans les mains de tout le monde, y compris des plus jeunes. L’observation, la description des usages à risque et les techniques pour y faire face prennent du temps. Nous commençons toutefois à avoir plus de recul. Le fait que l’Organisation mondiale de la santé reconnaisse depuis cette année les troubles liés aux jeux vidéo comme une maladie est un signe positif. On reconnaît que l’usage d’internet n’est pas toujours anodin. Cela dépend toutefois des personnes. Souvent, les utilisateurs excessifs présentent peut-être une faille narcissique, un besoin de reconnaissance plus grand ou une faible estime d’eux-mêmes, des choses qu’il faut peut-être régler par d’autres moyens mais dont internet est un symptôme.

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