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La canicule a favorisé le retour du bostryche

Le bostryche est particulièrement friand de l’écorce des sapins (source: ethz.ch) WSL

A la sortie d’un été particulièrement chaud et sec, les forêts suisses doivent faire face à une nouvelle attaque du bostryche.

Trois mois de canicule et de sécheresse ont rendu les sapins particulièrement vulnérables face à l’appétit de ces coléoptères ravageurs.

Qu’on le nomme bostryche, ou plus savamment «ips typographus», le petit insecte bien connu des forestiers avoue un net penchant pour le bois de sapin.

Dans un canton comme Berne, dont la moitié des forêts sont peuplées de sapins, la situation est jugée «critique». Sur 170’000 hectares de surface boisée, près de 10% sont désormais classées «à risques».

«Les enjeux sont énormes. Si nous ne gagnons pas ce combat, des routes et des villages vont se trouver davantage exposés aux risques d’avalanches et de chutes de pierres», explique Adrian Meier, de l’Office des forêts du canton de Berne.

Chef de la Division forestière 2, qui regroupe les régions de Frutigen, du Haut-Simmental et du Saanenland, Christian von Grünigen a pu mesurer l’avance rapide du bostryche.

«Lorsque l’insecte arrive sur l’écorce, l’arbre est normalement protégé par sa résine. Mais s’il est trop faible, il est alors sans défense», note l’ingénieur forestier.

«Et cette année, avec la floraison précoce et le manque d’eau, les arbres n’ont simplement pas assez de résine», poursuit Christian von Grünigen.

Course contre la montre

Sur le territoire de la Division forestière 2, ce ne sont pas moins de 100 personnes qui travaillent à enrayer l’invasion du bostryche. Alors qu’un été normal n’en mobilise pas plus d’une vingtaine.

Leur tâche: repérer les arbres atteints, les abattre à la tronçonneuse et les évacuer au moyen de tracteurs, voire parfois d’hélicoptères.

Les équipes doivent travailler vite. En effet, il ne se passe pas plus de six semaines entre l’arrivée d’un bostryche adulte sur un arbre et le moment où la génération suivante pourra s’envoler à la recherche de nouvelles proies.

L’œil habitué reconnaît facilement les arbres attaqués par le bostryche à la poussière brune que les insectes produisent en mangeant l’écorce. Celle-ci s’accumule au pied de l’arbre, sur les aiguilles ou sur l’écorce elle-même.

Deux à trois semaines après la première attaque, les sapins commencent à perdre leurs aiguilles. Ce qui signifie que les hommes de Christian von Grünigen ont une «fenêtre» d’à peine trois semaines pour éliminer les arbres atteints.

La facture sera salée

Au pied du Niesen, une montagne qui domine le lac de Thoune, deux forestiers s’activent à éliminer 200 arbres malades.

«Nous les abattons et nous retirons l’écorce au moyen d’une machine prévue à cet effet, explique Urs Imbaumgarten. Il nous faut environ une heure pour traiter un mètre cube, ce qui veut dire qu’à deux, nous pouvons arriver à presque 30 mètres cubes à la journée.»

Ce travail revient à près de 75 francs par mètre cube de bois. A la fin juillet, la facture frisait déjà les sept millions de francs, qui seront pris en charge par la Confédération et le canton de Berne.

Les arbres abattus ne sont pas tous évacués. Certains sont laissés sur place. Au bout de 20 à 30 ans, ils seront complètement décomposés et transformés en humus.

Quant au bois qui sort de la forêt, il est mis en vente. Mais le problème est que la demande est faible, tant en Suisse qu’en Autriche, en Allemagne ou en Italie, les pays vers lesquels la Suisse exporte traditionnellement son bois.

De plus, les prix de ce bois rongé par le bostryche sont bas, à peine 40 francs suisses le mètre cube.

L’invasion était attendue

Pour Christian von Grünigen, la canicule de cet été n’est pas seule responsable de cette situation de crise.

Après les ravages causés aux forêts par l’ouragan Lothar en 1999, les professionnels s’attendaient à une explosion de la population de bostryches dans les années suivantes. Mais malgré cela, l’ampleur de l’invasion les a surpris.

Et il n’est pas question d’envisager l’extermination des insectes à grande échelle.

«En Suisse, les pesticides chimiques sont interdits en forêt, explique Christian von Grünigen. Certes, nous avons des pièges, mais ils ne servent qu’à contrôler la population des bostryches au printemps.»

«De toute façon, poursuit l’ingénieur forestier, en été, les bostryches sont d’avantage attirés par les arbres que par les pièges.»

Des forêts mal entretenues

Pour Christian von Grünigen, la politique forestière menée en Suisse depuis des décennies est probablement aussi responsable de l’invasion que l’on observe aujourd’hui.

«Peut-être n’avons nous pas assez coupé de bois durant les cinquante dernières années. Nous avons pas mal de vieilles forêts et nombres d’entre elles sont maintenant la cible du bostryche», estime le chef de la Division forestière 2 du canton de Berne.

Et la région dont Christian von Grünigen a la responsabilité n’est de loin pas la seule concernée. A Lucerne, à Bâle, à Fribourg, dans le Jura et en Valais, on signale également une recrudescence d’activité des coléoptères mangeurs d’écorce.

Certains estiment même que le pire est encore à venir. Le bostryche en effet ne laissera aucun répit à la forêt avant les premiers froids de l’hiver.

swissinfo, Faryal Mirza
(traduction, Marc-André Miserez)

– Les bostryches mâles s’installent dans un arbre, de préférence un sapin affaibli, où les femelles les rejoignent.

– En se développant, les larves et les jeunes bostryches dévorent l’écorce, en y creusant un réseau de petits canaux.

– Ce «minage» de l’écorce bloque la circulation de la résine et l’arbre dépérit rapidement.

– Les jeunes insectes quittent ensuite le nid pour s’installer sur un autre arbre.

– Le bostryche adulte peut mesurer jusqu’à 5 mm de long pour 1 mm de large.

– On compte un mâle pour deux femelles et chacune pond quelque 50 œufs.

– Un arbre infecté peut contenir jusqu’à 200’000 bostryches.

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