Le personnel soignant était déjà à la limite avant même la crise
Alors que la population remercie le personnel soignant en applaudissant chaque soir sur les balcons, le gouvernement a suspendu sans autre forme de procès les prescriptions en matière de temps de repos et de durée maximale de travail pour le temps de la crise du coronavirus. Mais le problème du manque de personnel soignant n’est pas apparu avec cette crise sanitaire; il existait déjà avant.
Il y a longtemps déjà que le personnel infirmier rend attentif au fait qu’il travaille à la limite de ses capacités. Une initiative populaireLien externe intitulée «Pour des soins infirmiers forts» demande d’ailleurs que davantage de personnel soit formé, que le nombre maximal de patients par soignant soit limité et que les conditions de travail soient améliorées.
Mais lorsque les limites sont déjà atteintes en temps normal, que se passe-t-il ensuite, quand survient une crise?
C’est très rude: pour le personnel hospitalier, toutes les réglementations relatives aux périodes de repos ou aux restrictions du temps de travail (jusqu’à présent 60 heures) ont été suspendues. Dans une ordonnanceLien externe sur les mesures destinées à lutter contre le coronavirus, le gouvernement a suspendu La Loi sur le travailLien externe pour le personnel hospitalier, qui est confronté à une hausse massive de sa charge de travail en raison des infections au COVID-19.
Pétition lancée
Le syndicat SSP et des associations professionnelles ont lancé une pétitionLien externe en ligne demandant au Conseil fédéral de revenir sur la décision et proposant une indemnité de risque pour le personnel soignant. «Plus de 55’000 personnes ont signé l’appel en un peu moins de deux jours», révèle Elvira Wiegers.
«La suspension de la Loi sur le droit du travail crée de l’incertitude et du stress; le personnel soignant n’a vraiment pas besoin de ça maintenant», dénonce la syndicaliste Elvira Wiegers. Son syndicat, le Syndicat des services publics SSPLien externe, ainsi que d’autres associations professionnelles du secteur hospitalier, exigent désormais du Conseil fédéral que la santé du personnel soit préservée ainsi que des périodes de repos suffisantes.
«Le personnel de santé fait des choses extraordinaires pour surmonter cette crise, déclare Yvonne Ribi, directrice de l’Association suisse des infirmiers et infirmières ASILien externe. Il est donc important que la protection de leur santé soit une priorité absolue. Les patients seraient les premiers à souffrir en cas d’absence du personnel de santé.»
swissinfo.ch: N’a-t-on pas tellement épargné dans le domaine de la santé en temps normal qu’il menace maintenant de s’écrouler en temps de crise?
Yvonne Ribi: Bien sûr, les décisions prises récemment dans le domaine des soins infirmiers laissent songeur. Mais ce n’est pas le moment de désigner des coupables. Nous allons maintenant tout mettre en œuvre pour maîtriser cette crise. Nous aurons ensuite besoin d’une analyse appropriée et de mesures efficaces pour garantir que nous pourrons continuer à fournir de bons soins à l’avenir.
Qu’aurait-on pu faire auparavant de manière différente? Par exemple, engager plus de personnel?
Personne n’était préparé à une telle situation. Après la crise, nous devrons procéder à une évaluation à différents niveaux et en tirer des leçons.
La crise du coronavirus constitue-t-elle un vent favorable pour l’initiative populaire sur les soins infirmiers? Ferez-vous de cette crise un argument de campagne?
Nous sommes convaincus que les élus des deux Chambres du Parlement sont désormais mieux à même de comprendre et de cerner les revendications principales de l’initiative. Nous avons l’espoir légitime que le Conseil des États ne se contentera pas de prendre ces demandes au sérieux, mais qu’il élaborera également un projet de loi ad hoc. Si ce n’est pas le cas, les citoyens devront alors voter sur l’initiative. Nous avons bon espoir de gagner ce vote.
Que devrait maintenant faire l’État pour le personnel soignant?
Aux yeux de l’ASI, c’est la préservation de la santé du personnel soignant qui est pour l’heure prioritaire. Cela signifie qu’il faut assez de matériel de protection dans tous les secteurs des soins et suffisamment de périodes de repos, afin de récupérer du stress des tournus.
(Traduction de l’allemand: Olivier Pauchard)
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