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Un ex-espion français règle ses comptes avec la justice suisse

Paul Perraudin est le magistrat genevois qui instruit le dossier Elf depuis 1997. Keystone Archive

Le 10 octobre 2000, le juge genevois Paul Perraudin aurait réclamé en catimini 22,5 millions de francs aux avocats de l'ancien espion Pierre Lethier en échange de sa liberté. C'est l´une des «révélations» d´«Argent secret», publié cette semaine à Paris.

Ancien colonel à la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE), l’un des services secrets français, Pierre Lethier n’a guère intérêt à se retrouver un jour dans le bureau de Paul Perraudin, le magistrat suisse qui instruit le dossier Elf depuis 1997. En effet, cet ancien titulaire d’un permis C ne se contente pas de porter des attaques contre les juges de la Cité de Calvin. Il les assassine.

Parlant de Paul Perraudin par exemple, il affirme: «En bon Suisse, ce qui le fascine, c’est mon argent». Bref, les couteaux sont sortis. L’affaire remonte à 1999. Le juge genevois découvre que cet ancien espion, domicilié à Cologny, a perçu 22,5 millions de francs en 1991 lors du rachat de la raffinerie allemande Leuna par Elf.

A quoi correspond cette grasse commission, d’autant que Pierre Lethier a fait transiter l’argent par une discrète fondation basée au Liechtenstein? Le 5 octobre 2000, les autorités françaises demandent à la Suisse de rechercher et d’arrêter cet ancien agent secret en vue de son extradition.

Constatant que Pierre Lethier habite en famille dans le canton de Genève, et possède des chevaux, Paul Perraudin considère qu’il n’y a pas de «risque de fuite» et renonce à l’arrêter. En revanche, il lui demande de rapatrier les 22,5 millions de francs qui ont pris le chemin des Iles Vierges britanniques.

Pas de chance. Le 18 octobre 2000, Pierre Lethier ne se présente pas à la convocation du juge suisse. Depuis, le fugitif, qui fait l’objet d’un mandat d’arrêt international, est signalé en Grande-Bretagne et en Afrique du Sud. «Argent secret, l’espion de l’affaire Elf parle» est un véritable pamphlet non seulement contre les juges suisses, mais contre les Suisses.

Il affirme par exemple que la banque Bordier & Cie de Genève, où il a déposé son argent, l’a trahi en le dénonçant pour «blanchimen», et que ses enfants devront s’armer d’autant de patience que les juifs pour récupérer un jour son argent! Puis, reprenant le moraliste Amiel, il conclut son ouvrage en lançant: «En épousant Genève, j’ai épousé la mort de ma joie».

Ian Hamel

«Argent secret, l’espion de l’affaire Elf parle», par Pierre Lethier, chez Albin Michel, 253 pages

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