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Stéphane Lambiel est de retour en forme olympique

Keystone

Une année après l'annonce de son retrait de la compétition, Stéphane Lambiel a brillé de mille feux lors de son épreuve de rentrée à Oberstdorf le week-end dernier. Le rêve olympique prend désormais forme pour le patineur valaisan. Interview.

Lorsque, la voix tremblotante et les yeux humides, Stéphane Lambiel avait annoncé le 16 octobre 2008 à Berne sa retraite prématurée du sport de compétition, personne n’était vraiment dupe. Tous ceux qui le connaissaient bien savaient que, dès ses ennuis récurrents à un adducteur résolu, on reverrait certainement un jour ou l’autre le patineur valaisan sur le devant de la scène internationale.

Et bien, c’est chose faite depuis le week-end dernier et le Nebelhorn-Trophy d’Oberstdorf, où Stéphane Lambiel a décroché haut la main son ticket pour les Jeux olympiques de Vancouver. Avec un total de 232,36 points, à 7 unités seulement de son record personnel, il a creusé un écart énorme sur tous ses adversaires.

Joint par téléphone en Valais, le double champion du monde, visiblement très détendu, s’est confié sans fard à swissinfo.ch.

swissinfo.ch: Plus d’une année et demie après votre dernière apparition en compétition, vous avez effectué votre «come-back» le week-end dernier à Oberstdorf. Comment jugez-vous votre prestation?

Stéphane Lambiel: Je suis évidemment satisfait du déroulement du week-end. J’ai vraiment présenté deux très bons programmes, aussi bien au niveau technique qu’artistique. Il y avait beaucoup de calme et de sérénité durant les trois semaines qui ont précédé la compétition. Je me sens très en forme, les douleurs ont pratiquement disparu.

Je pense être un peu en avance sur ma préparation par rapport aux années précédentes car j’ai dû me préparer intensément pour ce concours d’Oberstdorf. J’ai donc acquis une marge qui me sera utile en vue des Jeux olympiques.

swissinfo.ch: Le Français Brian Joubert, l’un de vos principaux adversaires, a estimé dans les colonnes de L’Equipe que les juges vous avaient très bien noté à Oberstdorf en raison de votre notoriété et a émis des doutes sur le fait que vous soyez encore capable de gagner de grandes compétitions. Comment réagissez-vous?

S.L.: Je n’ai rien à dire à ce sujet. La concurrence existe dans le patinage, comme elle existe ailleurs dans d’autres domaines de la société. Tout le monde a envie d’être le meilleur. Je pars du principe que si tu as tout donné sur la glace, il ne sert ensuite à rien de critiquer les autres ou la décision des juges. Pendant 4 minutes 40, j’ai les cartes en mains pour montrer ce dont je suis capable. Le reste importe peu.

swissinfo.ch: Qu’est-ce qui vous a poussé à revenir à la compétition, moins d’une année après l’annonce de votre retrait?

S.L.: Le déclic, c’était mon état de santé. J’ai toujours eu envie de me battre, mais il fallait que j’aie les armes pour le faire. Quand j’ai retrouvé la forme, il n’y avait plus aucun doute dans ma tête.

swissinfo.ch: Vos pépins physiques sont-ils maintenant complètement oubliés?

S.L.: La blessure à un adducteur qui m’embêtait depuis plus d’une année est sous contrôle. Les deux mois d’arrêt complet ont été bénéfiques. J’ai ensuite recommencé à patiner gentiment avant de participer à des galas. J’ai eu la chance de pouvoir rencontrer une physiothérapeute canadienne qui m’a beaucoup aidé.

Je pratique à chaque entraînement des exercices spécifiques de renforcement musculaire et de placement du bassin. Comme tout sportif d’élite, mon corps est constamment soumis à des contraintes. Mais maintenant, j’ai appris à travailler avec la douleur.

swissinfo.ch: Vous avez déclaré: «Ce retour, je le fais pour mon seul et unique plaisir». Est-ce à dire que vous vous fichez de ce que pense le public?

S.L.: Je vis une très belle aventure. Que ce soit en gala ou lors des compétitions, je patine toujours pour le public et pour les juges. Mais avant tout, c’est un challenge personnel que je me suis fixé. Ensuite, si les gens apprécient mon travail, je suis bien sûr satisfait.

swissinfo.ch: Certains ne comprennent pas vos revirements à répétition et parlent même d’énième caprice au sujet de votre retour à la compétition. Ces critiques vous touchent-elles?

S.L.: Les critiques existeront toujours. On n’est pas parfait, juste des êtres humains. Moi, ça ne me pose aucun problème. Je connais ma réalité. Peu de personnes ont la possibilité de vivre la situation d’un sportif de haut niveau qui doit chaque jour se battre contre la douleur. De plus, pour avancer, j’ai parfois besoin de remettre en question ce qui se passe autour de moi. Je n’ai pas peur de prendre des risques.

swissinfo.ch: Vous êtes revenu à la compétition dans le but de briller aux Jeux olympiques de Vancouver. Vous arrive-t-il parfois de penser au titre suprême en vous rasant le matin?

S.L.: Je pense tous les jours à me battre, à construire ma vie et à apprendre de nouvelles choses. Bien sûr, le rêve olympique est dans ma tête. Je mets tout en œuvre avec mon entourage pour atteindre cet objectif. Mais ce n’est pas une obsession.

swissinfo.ch: Beaucoup parlent déjà du duel à distance face au Russe Evgeni Plushenko, qui vous avait battu en 2006 à Turin et qui est également de retour aux affaires. Y-a-t-il de la revanche dans l’air?

S.L: Oui, bien sûr, puisque les deux meilleurs patineurs des derniers Jeux se retrouveront face-à-face. Mais j’évite toute comparaison et je me concentre uniquement sur mon travail. Je laisserai ensuite le soin aux juges de déterminer qui est le meilleur.

swissinfo.ch: Avez-vous déjà pensé à l’après-Vancouver?

S.L.: J’ai vraiment envie de continuer à patiner et de pouvoir exprimer la passion qui m’anime. Tant que mon corps le permet, je veux rester sur la glace. Mais pour l’instant, mon objectif, c’est les Jeux. On verra ensuite ce qu’il adviendra.

swissinfo.ch: Au même titre que Roger Federer, vous êtes un ambassadeur du sport suisse dans le monde. Quelle image de votre pays avez-vous envie de donner à l’étranger?

S.L.: J’essaie simplement de représenter au mieux la Suisse et également le Portugal, qui est ma deuxième patrie. Mais je ne vais pas débarquer dans chaque pays avec une fondue et un caquelon (rires). Par ailleurs, je suis conscient de la chance que j’ai à mon âge d’avoir déjà pu autant voyager et découvrir d’autres cultures tout en m’adonnant à ma passion.

swissinfo.ch: Enfant, avez-vous un jour rêvé d’une telle carrière?

S.L.: Lorsque j’ai commencé le patinage à l’âge de 7 ans, j’avais envie d’être le meilleur, de devenir un grand champion, de pouvoir voyager. Aujourd’hui, je me rapproche fortement de cet idéal. Si je devais refaire la même carrière, je signerais sans hésitation. Je n’ai aucun regret. J’ai eu la chance d’avoir des parents qui m’ont toujours soutenu et d’avoir trouvé un entourage en qui je peux vouer une entière confiance. C’est en partie grâce à toutes ces personnes que j’ai pu réaliser mon rêve d’enfance.

Samuel Jaberg, swissinfo.ch

Valais. Stéphane Lambiel est né le 2 avril 1985 à Martigny, de père valaisan et de mère d’origine portugaise. Il a obtenu sa maturité en biologie et chimie en juin 2004 à Lausanne. Il a ensuite déménagé à Lausanne, où il vit depuis plusieurs années.

Genève. Stéphane Lambiel a chaussé des patins pour la première fois à l’âge de 7 ans. Sociétaire du Club des Patineurs de Genève, il a conquis tous ses succès sous la houlette de son entraîneur de toujours, Peter Grütter.

Palmarès. En 2005, il est sacré champion du monde à Moscou. 2006 marque l’apogée de sa carrière. Sacré vice-champion d’Europe à Lyon au mois de janvier, il décroche l’argent des JO de Turin en février. En mars, il parvient à conserver son titre de champion du monde à Calgary.

Arrêt. En 2007, il obtient le bronze des Championnats du monde qui ont lieu au Japon, où une véritable «Lambielmania» s’empare du pays. En octobre 2008, souffrant d’une blessure récurrente aux adducteurs, il décide de mettre un terme à sa carrière. Neuf mois plus tard, il décide de revenir pour tenter de décrocher le titre olympique aux JO de Vancouver.

Oberstdorf. En l’absence de Stéphane Lambiel, la Suisse n’avait pas réussi à décrocher l’un des 24 billets qualificatifs pour les Jeux olympiques lors des Championnats du monde de Los Angeles en mars de cette année. Le patineur valaisan devait donc assurer sa qualification au Nebelhorn Trophy d’Oberstdorf, une sorte d’épreuve de rattrapage. Ses 232,36 points lui ont permis de décrocher la première place et un ticket olympique.

A deux. Le couple valaisan Anaïs Morand, 16 ans, et Antoine Dorsaz, 20 ans, a également obtenu à Oberstdorf l’une des vingt places pour les Jeux olympiques. Neuvième des derniers Mondiaux, la Zurichoise Sarah Meier avait déjà obtenu son passe pour Vancouver au printemps. Elle a dû faire l’impasse sur le concours d’Oberstdorf en raison d’une blessure au tendon d’achille.

Sélection. Avant de pouvoir s’envoler vers le Canada en février, les patineurs suisses devront toutefois encore satisfaire aux critères fixés par Swiss Olympic, l’association faîtière du sport suisse. Stéphane Lambiel devra réaliser à deux reprises des scores de 195 points, Sarah Meier de 153 points et le couple Morand/Dorsaz de 135 points.

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