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Affaire Fabrice A.: il sera difficile de trouver un nouvel expert

Le procès de Fabrice A. sera suspendu pendant plusieurs mois après la demande d'une troisième analyse (archives). KEYSTONE/FREDERIC BOTT sda-ats

(Keystone-ATS) Le battage autour des deux expertises psychiatriques dans le procès de Fabrice A. à Genève compliquera la troisième évaluation décidée par les juges. Il sera difficile de trouver un psychiatre pour la mener, selon deux spécialistes genevois.

“Dans cette affaire, le troisième expert saura déjà tout du diagnostic posé” par les deux premières analyses, affirme dans un entretien publié samedi par le quotidien Le Temps le responsable de la prison-hôpital à Genève, Panteleimon Giannakopoulos. Il est difficile de considérer que ce spécialiste “ne soit pas influencé”.

Selon l’ancien chef du service de psychiatrie générale des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG), les doutes sur les rapports auraient dû être évoqués puis discutés au procès plutôt que relancer une expertise. D’autant plus que la suspension met encore plus Fabrice A. “dans une position exceptionnelle”.

Pour l’opinion publique et les institutions aussi, il faut se demander “quel est l’intérêt de prolonger” la procédure, dit M. Giannakopoulos. Cette décision constitue un “dysfonctionnement” de la justice genevoise, affirme dans un entretien publié par la Tribune de Genève l’ancien président de la Commission nationale de prévention de la torture Jean-Pierre Restellini.

Belgique, Allemagne ou Canada

Le nombre d’experts psychiatres “n’est pas très grand”, selon M. Giannakopoulos. M. Restellini doute que des psychiatres acceptent en Suisse. Il faudra se tourner vers la Belgique, l’Allemagne ou même le Canada. Les deux premiers spécialistes avaient estimé impossible de se prononcer sur une incurabilité sur une très longue durée, une analyse que partage M. Restellini.

“Si un troisième expert vient affirmer le contraire, les juges se retrouveront avec deux rapports contradictoires et ne seront pas plus avancés”, insiste de son côté M. Giannakopoulos.

Selon M. Restellini, les juges n’auraient jamais renoncé aux deux expertises si elles avaient conclu que Fabrice A. était incurable, condition pour un internement à vie. “L’internement simple suffit pour garder un criminel en prison à vie”, rappelle-t-il.

Discussion visée

Même si le choix d’experts étrangers permettait d'”éviter toute influence”, il dit préférable de partager le même contexte légal que celui de la juridiction où le procès a lieu. Selon M. Restellini, les experts auraient peut-être dû voir à plusieurs reprises le prévenu, comme les spécialistes en Suisse le font habituellement.

Mais de là à estimer que leur rapport est incomplet, “c’est une injure à la psychiatrie”, affirme-t-il. Et il se demande également pourquoi aucun reproche sur leur mode de fonctionnement n’a été lancé avant le procès.

Le procès de Fabrice A. pour avoir assassiné sa thérapeute s’était ouvert lundi devant le Tribunal criminel de Genève. Il avait ensuite été suspendu jeudi pour plusieurs mois après la demande d’un nouveau rapport.

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