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Avant les législatives, le ton monte entre Erdogan et la presse

(Keystone-ATS) A quelques jours des élections législatives de dimanche, le président islamo-conservateur turc Recep Tayyip Erdogan s’est lancé dans une nouvelle et violente croisade contre la presse d’opposition. De quoi alimenter un peu plus les critiques sur son autoritarisme.

Depuis quelques jours, c’est le quotidien d’opposition Cumhuriyet qui concentre les attaques de l’homme fort du pays. Il est coupable d’avoir publié des images suggérant que son gouvernement a bel et bien livré des armes aux rebelles djihadistes syriens, malgré ses dénégations répétées.

Embarrassé et furieux, M. Erdogan a d’abord menacé le journal et son rédacteur en chef Can Dündar en promettant à la télévision qu’ils paieraient un “prix très lourd”.

Sans se contenter de l’enquête officielle pourtant promptement ouverte par le parquet, il a ensuite personnellement porté plainte mardi contre M. Dündar, accusé d’avoir “publié des images et informations contraires à la réalité” et agi “contre les intérêts nationaux”. Le chef de l’Etat a même réclamé contre lui une peine de prison à vie.

Soutien d’Orhan Pamuk

Fort du soutien de nombreux intellectuels, des ONG internationales de défense de la presse et de l’opposition au régime, Cumhuriyet a relevé le gant. En janvier, ce quotidien avait déjà défié les autorités en publiant, malgré les menaces, des caricatures du prophète Mahomet extraites du magazine français Charlie Hebdo paru après l’attentat djihadiste qui a décimé sa rédaction.

Mardi, Cumhuriyet a publié sur sa première page des photos des membres de sa rédaction sous le titre “nous assumons”. Mercredi, il a récidivé en publiant une tribune signée par trente intellectuels turcs sous le titre “Nous sommes derrière vous”.

“La démocratie et la liberté d’expression ne devraient pas être sacrifiées à la frénésie des élections et la haine qu’elle génère”, y écrit le prix Nobel de littérature Orhan Pamuk, dont les prises de position lui ont souvent valu les foudres du régime actuel. Ce soutien a été relayé sur les réseaux sociaux, où la campagne “Can Dündar n’est pas seul” (#CanDundarYalnizDegildir) s’est rapidement propagée sur Twitter.

Les ONG internationales sont elles aussi montées au créneau. Human Rights Watch (HRW) a dénoncé la “tendance alarmante du gouvernement à réprimer toute critique”. Le Comité de protection des journalistes (CPJ) a exhorté M. Erdogan à arrêter “de menacer les journalistes et les médias”.

Controverses habituelles

L’actuel chef de l’Etat est un habitué des vives controverses avec les médias. Avant les municipales de l’an dernier, il avait menacé ceux qui rapportaient des accusations de corruption qui pesaient contre lui et ses proches, et bloqué les réseaux Twitter et YouTube pour empêcher leur diffusion.

Il y a deux semaines, il s’en est de même pris violemment au New York Times, qui avait déploré les “nuages noirs” qui pèsent sur la Turquie à la veille des élections législatives.

Relayé par la presse progouvernementale, le chef de l’Etat a qualifié le quotidien américain de “torchon” et lui a reproché une longue histoire de dénigrement des dirigeants turcs. “Ce n’est pas nouveau pour le New York Times (…) maintenant c’est moi qu’ils visent”, a-t-il déclaré à la télévision mardi.

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