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CERN/PSI: les substances qui rendent les nuages blancs

Jasmin Tröstl et Urs Baltensperger, chercheurs au PSI, sur la chambre CLOUD du CERN, dans laquelle ils ont étudié la formation des aérosols dans l'atmosphère. Institut Paul Scherrer/Markus Fischer sda-ats

(Keystone-ATS) Outre l’acide sulfurique, deux autres substances jouent un rôle décisif dans l’apparition des aérosols nécessaires à la formation des nuages: certains composés organiques et l’ammoniac. C’est ce qu’indique une étude internationale avec participation suisse.

Les nuages sont faits de minuscules gouttelettes. Celles-ci se forment notamment par “nucléation” lorsque l’eau se condense sur de petites particules en suspension dans l’atmosphère, appelées aérosols. Leurs modalités d’apparition revêtent donc une importance décisive pour mieux comprendre les phénomènes climatiques, a indiqué jeudi dans un communiqué l’Institut Paul Scherrer (PSI).

Des chercheurs de l’Université de Leeds (GB), du CERN et du PSI, avec d’autres instituts de par le monde, ont effectué une simulation numérique de la formation de particules dans l’atmosphère, basée intégralement sur des données expérimentales. Les expériences ont été conduites au fil de nombreuses années dans un laboratoire sophistiqué, la chambre CLOUD du CERN.

Les simulations basées sur ces expériences montrent que les aérosols sont issus d’amas de molécules incluant de l’acide sulfurique, des composés organiques et de l’ammoniac, selon ces travaux publiés dans la revue Science.

On connaissait depuis longtemps le rôle important joué par l’acide sulfurique dans le processus de nucléation à l’origine des particules aérosols. “Mais il n’y a pas que l’acide sulfurique: certains composés organiques et l’ammoniac sont indispensables à la nucléation, nous ne pouvons pas ignorer leur contribution plus longtemps”, relève Urs Baltensperger, directeur du Laboratoire de chimie de l’atmosphère au PSI et coauteur de ces recherches.

Taux de nucléation augmenté

Le Pr Baltensperger et ses collaborateurs ont notamment développé une méthode qui a permis de déterminer les concentrations d’ammoniac bien en-deçà de l’ancien seuil de détection. “Ce point s’est avéré très important”, poursuit le chercheur, cité dans le communiqué.

“Nos tout derniers résultats montrent que certaines concentrations d’ammoniac, que l’on était incapables de détecter auparavant, augmentent nettement le taux de nucléation comparé à l’acide sulfurique seul, suivant les circonstances jusqu’à 100 fois”, ajoute le spécialiste.

La simulation numérique a également montré que les processus d’ionisation déclenchés dans l’atmosphère par le rayonnement cosmique étaient responsables de la formation de près d’un tiers de toutes les particules aérosols.

L”expérience CLOUD

Les chercheurs à l’expérience CLOUD du CERN ont examiné un problème complexe, sur lequel la recherche en sciences atmosphériques bute depuis longtemps: la question des modalités précises d’apparition de nouvelles particules dans l’atmosphère et de l’impact de ces aérosols sur le climat.

La pollution atmosphérique augmente la concentration d’aérosols, ce qui entraîne la formation de gouttelettes supplémentaires et ainsi de nuages plus blancs, ce qui contribue donc à refroidir la Terre. En effet, des nuages plus blancs réfléchissent davantage les rayons du soleil vers l’espace.

On suppose que ce mécanisme a compensé jusqu’ici une grande partie du réchauffement climatique induit par les gaz à effet de serre issus de l’activité humaine.

Formation des particules

Selon les estimations actuelles, près de la moitié des gouttelettes qui composent les nuages se forment sur des particules aérosols qui se sont constituées par nucléation. A l’expérience CLOUD, les chercheurs du CERN ont reproduit la formation de particules, des premiers clusters moléculaires jusqu”aux particules d’une centaine de nanomètres de diamètre, susceptibles d’entraîner la formation des gouttelettes.

La chambre CLOUD présente des niveaux d’impureté extrêmement faibles, ce qui permet aux chercheurs de mesurer la nucléation induite par des quantités contrôlées de gaz sélectionnés, sans que cela soit compliqué par l’impact de gaz inconnus. Autre aspect unique de CLOUD: la possibilité qu’offre cette expérience de mesurer les effets de molécules chargées électriquement, dont l’apparition est induite par le rayonnement cosmique.

Cela fait plus de 30 ans que des chercheurs développent des simulations numériques de la chimie de l’atmosphère sur la base des vitesses de réactions chimiques mesurées en laboratoire. Obtenir des données fiables présente toujours d’énormes défis, conclut le PSI.

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