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Didier Burkhalter n’était plus en phase avec le Conseil fédéral

L'Assemblée fédérale a fait ses adieux à Didier Burkhalter le 20 septembre, jour de l'élection de son successeur, Ignazio Cassis (archives). KEYSTONE/PETER KLAUNZER sda-ats

(Keystone-ATS) Dix mois après l’annonce de sa démission, Didier Burkhalter revient sur les raisons qui l’ont mené à quitter le Conseil fédéral. Dans une interview sur le site de la RTS, il dit ne plus s’être senti en phase sur des valeurs essentielles comme les exportations d’armes.

Interrogé par Darius Rochebin sur le fait d’avoir été minorisé au sein du collège gouvernemental, le Neuchâtelois répond que “ça arrive souvent d’être minorisé”. Cela devient problématique lorsqu’on “a vraiment l’impression que l’autorité collégiale dans laquelle on travaille n’est plus en phase avec ce que l’on pense fondamentalement”, soit les valeurs essentielles.

A ce sujet, il évoque les questions d’exportations d’armes dans les zones de conflits. “J’estime qu’il faut être très clair et les refuser”. Quant aux questions d’égalité salariale entre hommes et femmes, “si j’avais été une femme, j’aurais eu beaucoup moins de patience”, déclare-t-il dans l’émission “Pardonnez-moi” qui sera diffusée dimanche et qui est déjà disponible en ligne.

Sur ces thèmes-là, l’ex-ministre des affaires étrangères a ressenti qu’il n’était “plus tout à fait sur la même longueur d’onde, mais c’est normal”. Après plus de 30 ans dans la politique, dont 22 dans des exécutifs, “je ressentais vraiment le besoin de pouvoir exprimer librement ce que je pense”.

La liberté est d’ailleurs ce que le libéral-radical apprécie le plus dans sa nouvelle vie. Une liberté qu’il faut réapprendre, car la fonction de conseiller fédéral a “un côté de carcan” et exige de s’exprimer au nom d’une autorité, et non en son nom propre.

Négociations Suisse-UE

Didier Burkhalter répète que ce ne sont pas les négociations Suisse-UE concernant un accord institutionnel qui l’ont poussé à partir du gouvernement. Sa décision reflétait son “besoin de faire autre chose” et la perte du “feu sacré pour être à 200%” au Conseil fédéral.

L’ancien conseiller fédéral ne considère pas sa démission comme une rupture. Tout comme il est difficile d’entrer au sein du gouvernement, il n’est pas facile d’en sortir, souligne-t-il. Il est important de ne pas quitter le Conseil fédéral avec de l’amertume, parce qu’on y est resté trop longtemps alors qu’on n’en a plus la force.

“C’est ce que j’ai ressenti un jour en me réveillant, juste après deux voyages très très forts émotionnellement, donc ça a joué un rôle”, raconte le Neuchâtelois qui se consacre désormais à l’écriture. Il s’était rendu en Ukraine, près de la zone de contact, et en Jordanie, près de la frontière syrienne. Son deuxième livre “Là où montagne et lac se parlent” est paru fin février.

Armes exportées en hausse

Après deux ans de baisse, les exportations suisses de matériel de guerre ont augmenté de 8% en 2017. La Suisse a exporté vers 64 pays. Les principaux destinataires ont été l’Allemagne (117,7 millions), la Thaïlande (87,6 millions) et le Brésil (32,9 millions).

Mais la Confédération a aussi exporté à hauteur de 4,7 millions de francs vers l’Arabie saoudite et 3,2 millions vers les Emirats arabes unis, deux Etats impliqués dans la guerre au Yémen qui tue de nombreux civils, comme l’ont souligné le Groupe pour une Suisse sans armée et Amnesty International Suisse. Engagée dans le conflit en Syrie et dans un conflit interne, la Turquie a elle importé pour environ 700’000 francs de matériel de guerre suisse.

L’an dernier, le Secrétariat d’Etat à l’économie a en revanche refusé 48 demandes d’exportation de matériel de guerre. Elles concernaient 21 pays, dont la Turquie, le Mexique, les Emirats arabes unis, le Koweït et l’Arabie saoudite. Des pièces de rechange et des accessoires pour fusils d’assaut étaient destinées à cette dernière.

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