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Freddy Buache, l’âme de la Cinémathèque suisse, est décédé

L'ancien directeur de la Cinémathèque suisse, Freddy Buache, est décédé mardi. Il avait 94 ans (archives). KEYSTONE/JOEL ESPI sda-ats

(Keystone-ATS) Freddy Buache est décédé mardi à l’âge de 94 ans. Ce passeur de films, ardent défenseur du cinéma d’auteur, a dirigé pendant 45 ans la Cinémathèque suisse à Lausanne. Il a joué un rôle déterminant dans l’essor du cinéma suisse.

Cette “grande figure du cinéma et âme de la Cinémathèque suisse” s’est éteint paisiblement le 28 mai dernier, a annoncé jeudi la Cinémathèque suisse. Né le 29 décembre 1924 à Lausanne, ce cinéphile passionné a marqué durablement l’histoire du 7e art.

Il défendait un cinéma exigeant et mettait une “passion gigantesque dans tout ce qu’il faisait”, se souvient Frédéric Maire, directeur actuel de la Cinémathèque. “Il aimait un cinéma qui cherche d’autres chemins pour raconter le monde, un cinéma novateur”.

Pousser une gueulante

Cette personnalité chaleureuse “pouvait être assez rude dans ses critiques. Il aimait bien pousser une gueulante, mais c’était à bon escient, pour défendre le cinéma, contre la censure notamment”, ajoute M. Maire.

Ecrivain, poète et critique d’art, auteur de nombreux articles et livres de référence, éditeur, programmateur, enseignant, ardent défenseur du cinéma suisse et de la sauvegarde du patrimoine, Freddy Buache a marqué en Suisse mais aussi à l’étranger. C’est entre autres grâce à lui que la Suisse se dote d’une loi sur le cinéma en 1963, une loi qui reconnaît l’importance du cinéma en tant que création artistique.

Cinéma suisse

C’est encore lui qui aide à faire connaître le nouveau cinéma suisse à l’étranger, notamment grâce à ses liens avec les directeurs successifs du Festival de Cannes. Grâce à lui, les premiers films de Tanner, Soutter, Goretta, Reusser et Daniel Schmid y sont montrés.

“A Cannes, longtemps, au premier ou au deuxième rang, un siège lui était réservé lors des projections”, se souvient Lionel Baier, cinéaste et enseignant à l’Ecole cantonale d’art de Lausanne (ECAL).

Directeur de la Cinémathèque

Pionnier de la Cinémathèque suisse, fondée à Lausanne en 1948, il contribue à en faire l’une des plus importantes du monde par la richesse de ses collections. Il dirige l’institution de 1951 à 1996.

Ses premières années à ce poste tiennent de l’apostolat. Il se dépense sans compter et longtemps sans salaire pour faire découvrir un septième art peu connu ou méconnu.

Un réseau incroyable

En parallèle, Freddy Buache a aussi été co-directeur du Festival de Locarno de 1967 à 1970. Il entretenait de solides amitiés avec des personnalités du cinéma et de la culture, parmi lesquelles Charles Apothéloz, Henri Langlois, Georges Franju, Jean Grémillon, Michel Simon, Luis Buñuel, Jacques Chessex, Michel Soutter, Miloš Forman ou encore Daniel Schmid.

“Il a défendu les premiers films de Jean-Luc Godard, de Theo Angelopoulos qui étaient ses amis”, ajoute Frédéric Maire. Godard lui a d’ailleurs dédié un court métrage: “Lettre à Freddy Buache” en 1982.

Buache et Godard

Récemment, en avril, Jean-Luc Godard et Freddy Buache s’étaient croisés à la Cinémathèque, lors de la remise du Prix FIAF, la Fédération internationale des archives du film, au cinéaste. “Ils se parlaient souvent, ils se voyaient un peu moins, en raison des problèmes de mobilité de Freddy Buache”, a dit M. Maire.

Toujours très actif, le Vaudois donnait encore un cours, un mercredi sur deux, sur l’histoire du cinéma à la Cinémathèque en collaboration avec l’Université de Lausanne. “C’était bondé en permanence”, raconte Frédéric Maire.

“Freddy Buache, c’était une mémoire vivante. Il a vécu la naissance des cinémathèques et a rencontré les plus grands réalisateurs du monde. Quand il parle de Milos Forman, de Buñuel et de Godard, en disant qu’il les a rencontrés, c’est unique”.

Hommage cet automne

“Je l’ai eu comme professeur quand j’étais étudiant à l’Université de Lausanne”, ajoute Lionel Baier. Il vivait, il narrait l’histoire du cinéma de l’intérieur et toujours avec rigueur.

Lionel Baier se souvient de Freddy Buache, assis au premier rang, dans la salle du Cinématographe, qui demandait d’un geste à l’opérateur de lancer un extrait et qui criait lorsque ce dernier se trompait: “Il connaissait les extraits, à l’image près”. La Cinémathèque suisse organisera cet automne un hommage public au Lausannois.

L’Etat de Vaud lui a rendu hommage jeudi: “Freddy Buache laisse une trace indélébile parmi les cinéphiles et dans le cœur des Vaudois”.

SWI swissinfo.ch - succursale de la Société suisse de radiodiffusion et télévision

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