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A Rouen, l’incendie de l’usine chimique éteint – public inquiet

A Rouen, l'incendie de l'usine chimique est éteint mais la population s'inquiète de ses répercussions. KEYSTONE/AP/STEPHANIE PERON sda-ats

(Keystone-ATS) Odeur entêtante entraînant parfois des vomissements, galettes d’hydrocarbures sur la Seine, agriculteurs en plein désarroi : l’incendie spectaculaire de l’usine Lubrizol est éteint. Mais il continue d’inquiéter malgré la mobilisation du gouvernement pour rassurer.

Nombre de passants portaient vendredi des masques dans les rues de Rouen face à une odeur persistante pouvant provoquer des nausées, ont constaté des journalistes de l’AFP. Les locaux de France 3 à Rouen ont même été évacués, certains salariés ayant été victimes de vomissements.

Déclenché dans la nuit de mercredi à jeudi, le feu était éteint vendredi mais 120 pompiers restaient sur place pour surveiller les points chauds, selon les pompiers. “Lubrizol est le plus important accident industriel en France depuis AZF (à Toulouse en 2001, ndlr). La gestion du drame que vit notre métropole de Rouen est scandaleuse et humiliante”, a twitté David Cormand, secrétaire national d’EELV.

Son parti ainsi que LFI et le PCF ont réclamé la transparence sur cette catastrophe industrielle. A Rouen, une cinquantaine de personnes se sont rassemblées devant la préfecture de la Seine-Maritime pour réclamer “la vérité” sur l’incendie, selon le journal Paris Normandie.

Rien d’anormal

“Je comprends la population (…) les produits peuvent être irritants sur le moment”, a tempéré la ministre de la Santé Agnès Buzyn après avoir visité l’usine dévastée. Il n’y a “pas de polluants anormaux dans les prélèvements effectués”, a assuré la ministre de la Transition écologique Elisabeth Borne, à ses côtés.

En revanche “la ville est clairement polluée” par les suies auxquelles il ne faut pas toucher sans protection, a reconnu Mme Buzyn. Cette suie est une combinaison d’additifs d’huile de moteur et d’hydrocarbures, c’est-à-dire des matières qui ont brûlé sur le site Lubrizol, une usine classée Seveso seuil haut et qui emploie habituellement 400 personnes.

“Je suis très étonné de voir un incendie qui se déclare en pleine nuit, dans un endroit où il n’y a personne. Je m’interroge”, a déclaré le pdg de Lubrizol France, Frédéric Henry à l’issue de la visite des deux ministres. C’est la première fois que le directeur de l’usine s’exprime depuis la catastrophe.

Cinq hospitalisations

Les établissements scolaires de Rouen rouvriront lundi matin après nettoyage, avait assuré un peu plutôt à Rouen le ministre de l’Education Jean-Michel Blanquer. EELV a dénoncé dans un communiqué “des retombées de suie à plus de 30km (de l’usine), dans les jardins chargés d’hydrocarbure !”.

Au total 51 personnes ont consulté les établissements de santé rouennais jeudi et vendredi matin à cause de l’incendie. Cinq d’entre elles, des adultes qui avaient déjà des pathologie respiratoires auparavant, ont été hospitalisés, a indiqué vendredi midi le Samu.

Annie Thébaud Mony, directrice de recherche honoraire à l’Inserm, craint, elle, la toxicité à long terme du panache de fumée qui a mesuré jusqu’à 22 km de long. “L’inquiétude est absolument légitime. Ce nuage qui est passé au-dessus de Rouen est chargé en poussière hautement toxique au minimum cancérogène”, a déclaré cette scientifique spécialisée dans les cancers professionnels, interrogée par l’AFP.

“Le préfet ne ment pas quand il dit qu’il n’y a pas de toxicité aiguë du nuage, mais il ne peut écarter la toxicité à long terme”, ajoute Mme Thébaud-Mony, soulignant que le risque cancérogène existe même pour une exposition de courte durée. Quant aux suies ce sont “des produits toxiques très dangereux”, selon la chercheuse.

Une vingtaine de galettes d’hydrocarbures ont en outre fait leur apparition vendredi sur la Seine, mais, elles étaient en cours de traitement selon l’Etat.

“Problème majeur”

“Nous attendons des indemnisations pour les agriculteurs” à qui l’État a demandé de ne pas nourrir les animaux avec des produits souillés, s’est inquiétée de son côté la Coordination rurale dans un communiqué.

L’association écologiste Robin des bois voit dans les suies un “problème diffus mais majeur”. Elle redoute “des eaux polluées” des nettoyages qui pourraient aboutir dans la Seine, selon son porte-parole Jacky Bonnemains, interrogé par l’AFP.

Son association réclame que “des usines comme Lubrizol soient beaucoup plus surveillées”. Une demande partagée par la CGT. Le syndicat Solidaires des inspecteurs de l’environnement affirme que l’État n’a pas tenu ses promesses de créations de postes.

Enquête ouverte

Le parquet a annoncé jeudi l’ouverture d’une enquête pour destructions involontaires dans cette usine, propriété du groupe de chimie américain Lubrizol Corporation, lui-même appartenant à Berkshire Hathaway, holding du milliardaire et célèbre investisseur américain Warren Buffett.

En janvier 2013, déjà, une fuite de mercaptan sur le site de Lubrizol, à l’ouest de Rouen, avait provoqué un nuage nauséabond qui s’était répandu jusqu’en Ile-de-France et en Angleterre.

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